Publié le 5 Mar 2013 - 21:19
POST-POINT par MOMAR DIENG

 Talibés carbonisés et médiation pénale

 

 

C'était pathétique, hier, de voir les plus hautes autorités de la République débarquer par ordre croissant d'importance sur les lieux du drame humain survenu dans la nuit de dimanche à lundi à la rue 6 x 19 Médina ! Effarouchés, mines tristounettes, mais sans doute sincères face aux enfants morts carbonisés que les sapeurs-pompiers ont extraits du feu, le président de la République et ses ministres accourus sur place ont, comme d'habitude dans ce genre de catastrophe, affiché désolation et fermeté. Puis, comme une ritournelle, ils ont promis la mise en œuvre rapide de mesures énergiques «afin que pareil désastre ne se reproduise plus». La ligne de masse est respectée, en attendant le reste, tout le reste...

 

En fait, la seule réalité à laquelle on peut se fier aujourd'hui, c'est que le sort des talibés n'a jamais fondamentalement intéressé les politiques. Mais toutes choses étant égales par ailleurs, aucun gouvernement ne commettrait la bêtise politique de ne pas montrer à son opinion qu'il est présent face au drame, qu'il agit, qu'il «contrôle la situation» devant un accident aussi spectaculaire qui émeut le peuple. Dix morts, c'est lourd, c'est relativement embêtant pour les pouvoirs politiques sous nos cieux, mais c'est également un enjeu de politique, quoi qu'en disent les politiciens qui viennent brasser de l'air. Alors, on est obligé de s'intéresser aux grosses conneries cultivées en amont.

 

Elles sont sans lien (très) direct avec la mort sanglante de dix pauvres enfants dits talibés. Dans notre société si consensuelle et si souvent hypocrite, on accepte cette monstruosité comme un décret divin, on prie pour ces bouts de bois de Dieu, on énonce en public de grands théorèmes. Après, c'est rebelote. Jusqu'au prochain désastre ! Mais de ces conneries là, il faut en parler. Parce qu'elles sont le voile qui favorise les détournements de deniers publics et justifie les marchés de gré à gré. Les occupants de ce «coin» appelé maison et tombé en cendres sont des pauvres concrets, sans le sou, sans avenir, sans rien de rien. Ce sont des victimes collatérales expiatoires de la corruption, de la concussion et de la non transparence qui sévissent dans l'Etat et la société.

 

Des ministères, des agences, des hommes et des femmes leur arrachent impitoyablement, chaque jour que Dieu fait, ce qui aurait dû être leur part (minime) du contrat social sénégalais en espèces sonnantes et trébuchantes. On les dépouille férocement de ce qui devait être un droit garanti pour eux et pour elles, on leur promet ensuite la lune, sous forme de pitance à verser dans un pot de tomate pourri. On devrait pouvoir les intégrer dans le projet de protection sociale du gouvernement, mais on va préférer les laisser aux bons soins des fondations et autres structures «spécialisées» du système des Nations-Unies. Normal, elles sont payées (et/ou se font payer) pour ce job. On peine à le leur signifier, mais pour la classe bien-pensante de notre pays, ces pauvres petits diables aux pieds nus ne sont pas des vecteurs de croissance, et la Banque mondiale et le Fonds monétaire international n'en voudront point de toutes les façons. Qu'ils aillent donc au...diable !

 

Sur ce registre des conneries, et 48 heures avant l'incendie meurtrier, le gouvernement fait fuiter dans la presse sa volonté arrêtée d'offrir une «médiation pénale» à des voleurs impénitents pour qui le peuple se ferait le plaisir immense de crier «à mort, à mort». Les très jeunes carbonisés dans les flammes ne le savaient pas, leurs «collègue» échappés en sursis ne le sauront peut-être jamais. Cette fumisterie politicienne doctement appelée médiation pénale, vrai-faux réalisme, condensé explosif d'ententes sous la table, manque de courage politique non assumé, les aura privés de quelques milliers de francs de revenus au titre de la solidarité nationale. Un Président élu le 25 mars 2012 et son gouvernement ont décidé entre quatre murs que des voleurs de deniers publics et dont la religion non révélée s'appelle corruption, doivent avoir le droit de garder pour eux une partie de l'argent de l'argent volé à la collectivité nationale !

 

 

 

 

 

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