Publié le 13 Oct 2023 - 18:43
PRODUITS TABAC NOUVEAUX ÉMERGENTS, CIGARETTES ÉLECTRONIQUES, TABAC CHAUFFÉ

L'État soupçonné de vouloir réglementer ces produits dangereux

 

Les acteurs de la société civile soupçonnent l'État du Sénégal de subir une pression de l'industrie du tabac pour réglementer les produits tabac nouveaux émergents et les laisser à la portée des enfants. La question a été abordée hier, lors d’un atelier de renforcement de capacités des journalistes sur l'impact de la taxation du tabac sur les politiques de santé publique.

 

Le tabac est un problème de santé publique dans notre pays, en Afrique et partout dans le monde. Il y a 1,3 milliard de fumeurs dans le monde. Le tabac entraîne également 8 millions de décès par an avec 1,2 million dû au tabagisme passif.

Dans le contexte sénégalais, 6 % de la population adulte fument. C'est-à-dire 4 514 ménages au Sénégal sont impactés par le tabac. Pour amplifier la lutte contre le tabagisme, dans le cadre de son projet de plaidoyer sur la taxation du tabac au Sénégal, le Forum civil a convié, hier, les jeunes reporters en atelier de renforcement de capacités sur l'impact de la taxation du tabac sur les politiques de santé publique.

"Nous avons estimé, à travers les études et une revue documentaire, que le système de taxation au Sénégal sur le tabac est à revoir, dans le sens d'aller vers les standards de l'OMS qui indiquent des plafonds où des seuils sur les taxations pour pouvoir diminuer l'addiction du tabac et le tabagisme, et recouvrer des ressources importantes pour financer et impacter positionnement le système de santé publique", a déclaré le membre du Bureau exécutif du Forum civil Abdou Malick Bousso.

D'après lui, le Sénégal est à 23 % de taxation, là où les standards sont élevés à 70 %. Ce qui veut dire qu'on a un plan de progression. Ainsi, Abdou Malick Bousso invite à aller dans le sens de rehausser la taxation sur le tabac à des niveaux acceptables et surtout aller au-delà de la taxe spécifique sur le tabac et même envisager d'autres systèmes de taxation.

Dans la mesure où il y a de nombreuses inquiétudes sur les nouveaux produits tabac émergents. La question a été soulevée par le coordinateur régional de l'ONG CTFK, Mamadou Bamba Sagna. "Je vais parler des problèmes du moment : les produits tabac nouveaux émergents. Récemment, on a vu que l'État du Sénégal passait un décret, sans y impliquer les acteurs que nous sommes, la société civile et même les autres acteurs étatiques, que ça soit le ministère du Commerce, le ministère de la Justice. Donc, c'est un décret qui a été piloté au sein du ministère de la Santé et qui a été amené devant le Conseil des ministres pour qu'on l'adopte", renseigne-t-il.

Il souligne que le danger par rapport à ce décret, c'est qu’actuellement, le gouvernement refuse de le partager avec eux pour qu'ils sachent de quoi il s'agit. Ainsi, alerte-t-il, "les informations que nous avons, c'est qu’ils veulent réguler, réglementer les produits tabac nouveaux émergents, les cigarettes électroniques et le tabac chauffé. Et là il y a un projet de révision de la loi de 2014 qui est en cours’’.

Actuellement, alerte-t-il, "nous soupçonnons que, sur pression de l'industrie du tabac, le gouvernement du Sénégal veuille réglementer ces produits et laisser ça à la portée des enfants. Et le problème que nous avons actuellement, il y a un risque de détournement de ces produits. Parce que, récemment, avec la police, on a procédé à des saisies des cigarettes électroniques qui contenaient du cannabis liquide. Donc, si on laisse ces produits proliférer, c'est tout le travail qui a été fait en matière de lutte antitabac qui risque de tomber à l'eau".

Mamadou Bamba Sagna de poursuivre : "Nous demandons aux journalistes de se prononcer sur les questions de taxe parafiscale, mais surtout sur ces nouveaux produits tabac émergents que le gouvernement du Sénégal veut réglementer".

Attentes 

D’une manière générale, à la sortie de cet atelier de renforcement des capacités des journalistes, le Forum civil attend à une maîtrise du système de taxation. "Les attentes, c'est d'abord une claire compréhension des enjeux, une maîtrise du système de taxation et surtout être les porteurs de ce désir d'aller vers une taxation juste, efficace. Parce que ce qui est visé par la taxation, ce n'est pas uniquement de recouvrer les ressources au niveau de l'État, c'est essentiellement arriver à un niveau de dissuasion qui soit que le prix du tabac, de la cigarette soit suffisamment dissuasif pour diminuer la facilité de l'obtention du produit et sa consommation", souligne Abdou Malick Bousso.

En effet explique-t-il, ça va impacter positionnement sur le système de santé, non seulement, on a peu de ressources tirées du tabac, de son industrie et de sa commercialisation. "Les ménages, les familles ainsi que l'État consacrent des ressources extrêmement importantes à traiter les conséquences et les impacts du tabac. Donc, il est temps de s'arrêter et dire non. Il faut aller dans un autre sens, qui est d’avoir effectivement une taxation dissuasive, qui augmente, aller de 23 % où on est presque dans le seuil plancher, vers les standards de taxation déterminés par l'OMS et d'autres acteurs", dit-il.

Dans la même veine, poursuit le membre du Forum civil, "nous voulons aller vers l'utilisation du cadre légal qui est là et le faire respecter et appliquer. Vous savez que l'usage du tabac est du régime des libertés, mais doit être encadré dans le sens où on ne peut pas s'adonner à quelque chose qui est nuisible à l'autre".

Selon Abdou Malick Bousso, l'espace public doit être sanctuarisé sur l'usage du tabac. Donc, dit-il "il n'est pas acceptable qu'on continue à user de ce produit dans des espaces publics ouverts au vu et au su de la jeunesse qui reproduit le modèle des adultes. Nous allons aussi faire des concerts avec les autres acteurs de la société civile, travailler à un meilleur respect et à une meilleure application des textes et du cadre légal".

Adoption de la taxe parafiscale 

Actuellement, le ministère de la Santé et, plus particulièrement, le Programme national de lutte contre le tabac avec les membres de la société civile ont initié une campagne visant à adopter une taxe parafiscale.

Selon le coordinateur régional de l'ONG CTFK, l'objectif de la taxe parafiscale, c'est de collecter de l'argent pour financer une cause bien déterminée. Ici au Sénégal, dit-il, on parle des maladies non transmissibles dont la prise en charge cause un problème, parce que l'État n'a pas d'argent et les familles aussi n'ont pas assez d'argent pour leur prise en charge.

"Comme cela se fait dans beaucoup de pays comme la Côte d’Ivoire qui a initié une taxe parafiscale, une taxe qu'on met pour une cause bien déterminée, en l’occurrence pour les maladies non transmissibles, la lutte contre le tabagisme, par exemple, c'est cette taxe parafiscale qu'on est en train de pousser pour que l'État du Sénégal l'adopte", déclare Mamadou Bamba Sagna.

FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)

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