Publié le 9 Oct 2021 - 09:19
PROJET DE LOI DE FINANCE EN 2022 - SANTE, EDUCATION ET EMPLOI, ENTREPREUNARIAT FEMININ

Le nouveau Plan « Social » Emergent

 

Le projet de loi de finance de 2022 de 5150 milliards, avec des dépenses projetées à 4294,7 milliards, a une forte connotation sociale et a comme principale mission de reconstruire ‘’les infrastructures sociales’’ fortement mises en péril par la pandémie de la Covid-19 et la conjoncture mondiale marquée par la hausse des hydrocarbures et des denrées de première nécessité. 

 
Après une année 2021 plutôt terne dans les perspectives de croissance de 3,7 %, l’Etat du Sénégal entend renouer avec sa moyenne de croissance classique autour de 6 % depuis 2014 avec l’adoption par le conseil des ministres avant-hier du projet de loi de finances pour l’année 2022 d’un montant de 5150 milliards FCFA avec des dépenses projetées à 4294,7 milliards. Selon le gouvernement, ce budget 2022 n’est donc pas un simple budget de sortie de crise, mais, un budget pour consolider les bases d’une économie résiliente, peut-on lire dans un document.
 
Le ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo a dégagé un certain nombre de projets et programmes phares pour tenter de remettre sur pied « les infrastructures sociales », pour stimuler le développement des secteurs de l’éducation, de la santé, des services sociaux, ainsi que de tous les autres investissements centrés sur l’homo senegalensis en tant que tel. D’après le document, le présent projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte particulièrement marqué par la poursuite de la lutte contre la pandémie de la Covid-19 et ses impacts sociaux.
 
Sur ce, le gouvernement prévoit l’intensification de la campagne de vaccination, le relèvement des plateaux techniques des structures de santé, la promotion de l’approche communautaire. Cette lutte va aussi s’appuyer sur le renforcement du programme de vaccination en 2022, avec l’acquisition de nouvelles doses de vaccins sur financement de l’Etat et de la Banque mondiale pour un montant d’environ 45 milliards FCFA pour assurer la vaccination de l’ensemble de la population. 
 
Le maillage du territoire national en infrastructures sanitaires avec la mise en service de quatre nouveaux hôpitaux régionaux est aussi prévu dans le projet de LF pour 2022. L’Etat du Sénégal ambitionne aussi la construction de la Polyclinique de l’Hôpital principal de Dakar et en accélérant le développement d’une industrie pharmaceutique digne de ce nom.
 
Thérapie de choc financier contre la COVID-19
 
Sur le volet socio-économique dans la lutte contre la COVID-19, le « Quoi qu’il en coûte » version sénégalaise (Fonds FORCE Covid-19 de plus de 1000 milliards FCFA pour soutenir les ménages et les entreprises, l’achat de vaccins et l’équipements des hôpitaux et mobilisation du personnel sanitaire) a creusé le déficit budgétaire, qui était de 3,9 % en 2019 avant de passer de 6,1% en 2020 puis de revenir à 5,4% en 2021. La baisse d’activité liée à la pandémie a impacté mécaniquement le recouvrement des recettes fiscales, c’est-à-dire sur la première source de revenus de l’État, le déficit budgétaire ne pouvait qu’augmenter, de même que, corrélativement, le mécanisme qui permet de le financer : la dette publique.
 
Sur cette question, le gouvernement sénégalais va adopter une stratégie d’endettement qui privilégiera les financements concessionnels et les interventions sur le marché sous régional, de sorte à continuer à maintenir notre pays dans la catégorie de risque de surendettement modéré. Le taux de croissance est projeté à 11,3% en 2023, à la faveur du démarrage de l’exploitation pétrolière et gazière et ne sera pas inférieur, selon les projections, à 8,6% au cours des années suivantes. Une situation qui permettra au Sénégal de rééquilibrer ses finances et de ne pas tomber sous le piège d’une dette abyssale susceptible d'hypothéquer son développement.
 
Dépenses sociales à presque 50% du Budget en 2022
 
Ce projet de budget comporte un important volet social avec des dépenses sociales en net progrès depuis 2012 (bourses de sécurité familiale, couverture maladie universelle, projet d’appui aux filets sociaux, etc.), destinées à réduire la pauvreté : plus de 40% en moyenne. Et comme la crise sanitaire a accentué la situation de précarité de beaucoup de ménages, le Gouvernement a décidé, dans la loi de finances pour 2022, de porter le poids des dépenses sociales à presque 50%, si l’on y intègre toutes les initiatives destinées à soutenir l’emploi et l’auto-emploi des jeunes et des femmes.
 
 Toujours dans sa volonté d’amortissement des chocs liés à la COVID-19, l’Etat compte maintenir les prix à la pompe et de l’électricité, en raison de la politique d’inclusion sociale, malgré le renchérissement des prix internationaux du pétrole, qui contrarie les alternatives d’investissement dans les autres secteurs prioritaires de l’économie nationale. Pour 2022, ce n’est pas moins de 100 milliards FCFA qui est prévu au titre de la compensation tarifaire et des pertes commerciales. 
 
L’entreprenariat féminin nouveau moteur de la croissance inclusive en 2022
 
Afin de consolider la position des femmes comme promotrices de développement, l’entreprenariat féminin reste aussi l’une des priorités du budget de la loi de finance de 2022. L’Etat prévoit la construction à Dakar et l'équipement du premier centre national de prise en charge holistique des victimes de violences basées sur le genre, d’un coût de 800 millions de FCFA, dont le quart sera décaissé en 2022. Ce centre polyvalent permettra aux victimes accueillies de bénéficier gratuitement de tous les services requis (bien-être social, services de santé, conseils psychosociaux, thérapies psychologiques, aide juridico-judiciaire, etc.) pour une prise en charge intégrée et optimale.
 
C’est un projet qui s’inscrit dans le droit fil du PASNEEG (Projet d’appui à la stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre), lui-même bénéficiant d’un financement de 497 millions FCFA dans le budget 2022 de l’État. Différents autres projets comme le Projet d’appui et de valorisation des initiatives entrepreneuriales des jeunes et des femmes (PAVIE), avec des ressources de 7,5 milliards  FCFA ; le Programme d’alphabétisation et d’apprentissage de métiers pour la lutte contre la pauvreté (PALAM 2), doté à hauteur de 3,8 milliards FCFA ; le Fonds d'appui à l'économie sociale et solidaire (FAESS), qui bénéficie d’une allocation de 500 millions FCFA  et le Fonds de Promotion de l’entreprenariat féminin avec 500  millions FCFA, entre autres, sont aussi prévus dans le LF  de 2022.  
 
Développement du capital humain pour consolider l’émergence
 
Sur le plan éducatif, la LF a prévu la construction de 6 lycées, pour un montant de 1,7 milliard FCFA, devant permettre d'améliorer les conditions d'enseignement/apprentissage, de minorer les déperditions scolaires et d'améliorer les résultats scolaires dans certains départements ; la poursuite des travaux de construction de salles de classes et d’écoles élémentaires complètes, pour un montant de 964 millions FCFA. Le budget 2022 projette aussi la prise en charge de 5 000 nouveaux enseignants contractuels (3 650 maîtres contractuels et 1 350 professeurs contractuels), dans le cadre du recrutement spécial du Programme emploi des jeunes », pour un montant annuel estimé à environ 15 milliards FCFA.
 
Pour l’enseignement supérieur, les dotations des universités sont chiffrées à 69, 2 milliards FCFA. L'Université Cheikh Anta DIOP : 35, 4 milliards de FCFA, suivi de l’Université Assane SECK de Ziguinchor : 4, 97 milliards de FCFA et enfin l'Université virtuelle ne se retrouve qu'avec 5,2 milliards de FCFA.
 
Le Plan Sénégal Emergent principal vers une industrialisation et le développement de l’agro-business 
 
 
Pour relancer la machine économique sénégalaise, l’Etat compte, par ailleurs, s’appuyer sur le Plan Sénégal Emergent (PSE) pour développer notre tissu industriel sénégalais qui reste encore très peu développé. La valeur ajoutée manufacturière (VAM), déjà très faible, a souvent stagné, voire baissé durant ces dernières années. Notre VAM par habitant représente la moitié de celle du Maroc, le tiers de celle de l’Afrique du Sud, 10% de celle de la Turquie, 3% de celle de la Corée du Sud. Singapour a une VAM par habitant 45 fois supérieure à celle du Sénégal.
 
Le secteur industriel ne contribue qu’à hauteur de 19% au PIB et compte à peine 9% des entreprises formelles. Notre pays reste encore très dépendant de l’extérieur pour son approvisionnement en produits essentiels, notamment pour son alimentation, et pour la satisfaction de ses besoins en biens d’équipements de consommation courante, malgré le potentiel de ressources disponibles et des opportunités de développer des filières compétitives capables de satisfaire le marché intérieur et de capter la demande extérieure.
 
La conséquence est presque mécanique : la balance commerciale du Sénégal n’a cessé d’être déficitaire, depuis 1963. En 2019 et en valeur, notre pays a importé pratiquement le double de ce qu’il a exporté : 5 466 milliards de FCFA contre 3 010 milliards. Le Sénégal n’exporte essentiellement que des produits non-transformés et importe la quasi-totalité des produits transformés.  Dans cette optique, le gouvernement veut mettre l’accent sur les programmes agropoles pour développer l’agro-industrie avec comme enjeu principal la création de plateformes de production aptes à mettre sur le marché une offre compétitive de produits capables de s’insérer dans les chaines de valeurs mondiales :  projet Agropole Sud avec un financement de 57, 6 milliards FCFA ; projet Agropole Centre qui bénéficie déjà d’un don de 14, 7 milliards FCFA de la part du Royaume de Belgique.
 
Les filières prioritaires identifiées sont l’arachide, les céréales « mil-maïs-sorgho » et le sel et finalement et projet Agropole Nord : d’un coût global de 65, 7 milliards dont les études de faisabilité vont être clôturées en fin 2022, avec comme filières prioritaires le riz, l’oignon, la filière bétail viande et le lait. Le développement de la Plateforme industrielle internationale de Diamniadio, d’un coût global de 60 milliards de FCFA dont 1, 5 milliard FCFA attendu en 2022 ; la montée en puissance du Domaine industriel de Diamniadio, lancé en 2020, et qui accueille aujourd’hui 27 entreprises : 17 entreprises qui ont démarré leur production et 10 qui sont en phase d’investissement pour 60 milliards de FCFA. 
 
Le projet PHARMAPOLIS visant à ériger au Sénégal un centre intégré de production de biens et services pharmaceutiques et biomédicaux. Les études de faisabilité ont été lancées en janvier 2021.  
 
Une agriculture plus compétitive et autosuffisante  
 
L’agriculture n’est pas en reste dans ce projet de loi de finances 2022, avec un financement de 60 milliards de FCFA pour les subventions aux intrants agricoles, au matériel agricole, à la protection des cultures et à la reconstitution du capital semencier.  Ce programme vient en appui aux projets de développement de valorisation et de développement de la production agricole tels que : le projet Agri-Jeunes d’une durée de 6 ans et qui a pour objectif l’inclusion socio-professionnelle des jeunes ruraux dans les exploitations Familiales, à travers des activités rentables, créatrices de revenus et d’emplois décents et durables, au sein des chaînes de valeur agro sylvo pastorales et halieutiques. Son coût global est de 54, 1 milliards de FCFA dont 4,58 milliards FCFA en 2022.
 
Il y a le Projet d’appui au développement agricole et à l’entreprenariat rural, qui ambitionne de contribuer à la réduction de la pauvreté pour les femmes, les jeunes et les hommes dans la zone d'intervention du Programme, à travers leur incorporation dans des chaînes de valeur profitables diversifiées et résilientes face au changement climatique, sera aussi mis en œuvre avec un montant de 3,32 milliards FCFA. Le Programme de compétitivité de l’agriculture axé sur les résultats, d’un coût global de 95,1 milliards FCFA dont 3,7 milliards de FCFA en 2022. Le projet de réhabilitation des périmètres irrigués de Podor et l’aménagement de 3 165 ha et la construction de 65 km de pistes pour un montant de 26 milliards FCFA. Par ailleurs, un montant de 3 milliards de FCFA est prévu en 2022, dont la moitié attendue de la Banque Ouest-Africaine de Développement.
 
Le Projet de développement économique, local et agro écologique pour un coût global de 45, 2 milliards FCFA dont 1 milliard FCFA en 2022 et le projet « Chaîne de valeur au Sénégal » dont l’objectif global est de contribuer, sur cinq ans, à réduire l’importation encore élevée de riz en améliorant sa production, sa transformation et sa commercialisation, grâce au secteur privé. Tous ces projets ont pour but de restaurer la compétitivité de notre agriculture.
 
 Makhfouz NGOM

 

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