Publié le 17 Aug 2012 - 11:00
RÉLIGION-ZAKAT ((1ère Partie)

La dimension spirituelle et économique

 

Discuter de la Zakat durant le mois béni de Ramadan se justifie doublement. D’abord, comme le jeûne de Ramadan, la Zakat est un pilier de l’Islam. Ensuite, la générosité est recommandée tout le temps dans la religion musulmane. Cependant, elle l’est davantage lors de ce mois béni. Ainsi, beaucoup de juristes conseillent aux fidèles, qui remplissent les conditions, de sortir leur Zakat durant le Ramadan pour avoir une récompense beaucoup plus élevée.

Bien qu’étant une obligation religieuse, la Zakat n’en a pas moins une dimension économique évidente et peut, vu sa fonction de transfert de richesse des plus nantis vers les plus démunis, jouer un rôle déterminant dans le combat contre la pauvreté. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de signes objectifs indiquant le retour de la religion, en général, et de l’Islam en particulier comme un facteur décisif dans tous les domaines de la vie des populations. Par exemple, sur le plan économique, on a eu à assister, sur une période relativement courte, à la chute du système communiste et à la remise en cause de certains fondements théoriques du libéralisme. Ainsi, à titre d’illustration, des courants économiques émergents tels que la nouvelle économie institutionnaliste, l’économie comportementale et l’économie islamique remettent en cause le postulat de rationalité économique qui est essentiel dans la théorie néoclassique. Sur ce point précis, l’économie islamique considère que la conviction religieuse de l’agent économique a une influence indéniable sur ses comportements économiques même si cela pourrait mener à des choix qui ne sont pas économiquement rationnels selon l’entendement néoclassique. Mieux, l’économie islamique soutient que la foi religieuse peut efficacement assumer la fonction d’incitation qui est fondamentale pour amener les agents à se comporter de la manière désirée et obtenir les résultats économiques voulus.

 

Moyen de purification spirituelle

Dans cette contribution nous nous proposons de discuter certains aspects légaux, spirituels et économiques de la Zakat avant d’en tirer les implications pratiques et politiques.

La Zakat est le troisième pilier de l’Islam ; elle est instituée dans le Coran par le verset: «Prélève de leurs biens une Sadaqa (Zakat) par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Audient et Omniscient» (9 : 103).

La Zakat est ainsi présentée comme un moyen de purification spirituelle en ce sens qu’elle permet au donneur de se débarrasser de l’avarice en prenant l’habitude de donner une partie de ses biens qu’il aime par nature. Dans un Hadith, l’avarice est citée comme une des sources de ruine : ''3 caractères sont sources de ruine,

Une avarice à laquelle on obéit

Une passion suivie

Une auto admiration''

Dans la conception islamique de la vie, le développement socio-économique ne saurait se réaliser sans le développement personnel de l’Homme qui est composé de matière et d’esprit. Pour que donc l’homme puisse s’acquitter convenablement de sa mission, il devient impérieux pour lui de se développer spirituellement en se débarrassant de ces vices cités.

L’institution de la Zakat et l’interdiction du Riba font partie des éléments les plus en vue du système économique islamique. Il est d’ailleurs, intéressant de remarquer que, sur bien des passages, le Coran met en opposition le concept de Riba et celui de Infaaq (dépense dans le sentier d’Allah). Par exemple, dans la Sourate Al Barah, Allah dit : «Allah anéantit le Riba et fait fructifier les aumônes. Et Allah n'aime pas le mécréant pécheur» (2 : 276). Il dit encore dans la Sourate Roum: «Tout ce que vous donnerez à Riba pour augmenter vos biens aux dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès d'Allah, mais ce que vous donnez comme Zakat, tout en cherchant la Face d'Allah (Sa satisfaction)... Ceux-là verront [leurs récompenses] multipliées» (30 : 39).

 

L’assiette doit être revue à la hausse

On pourrait se demander comment le fait de recevoir un surplus contractuel (par exemple 5%) sur un principal dans un prêt (Riba) ne constitue pas une augmentation alors que donner en charité une part de ses biens (par exemple 2,5%) l’est ! Si on se place dans le contexte de l’au-delà, c’est évident. Mais dans le contexte de ce monde ici-bas, il est facile de comprendre ces passages en invoquant le concept de Barakah. Avec la Barakah, les biens, qui sont purifiés par la Zakat, permettent de grandes réalisations tout en protégeant le donneur de multiples désagréments. Par contre, celui qui reçoit le Riba pourrait être amené à dépenser beaucoup plus que prévu sous forme d’ordonnances inopinées, des réparations induites par des accidents fortuits, etc., toutes sortes de dépenses inattendues qui s’expliquent par l’absence de Barakah. Que de fois n’a-t-on pas vu le gagnant d’une grande cagnotte de loterie ou un grand détourneur de deniers publics finir dans la misère !

 

Le Prophète (SAW) avait indiqué les biens sujets à la Zakat et les taux imposables. On peut ainsi citer les biens sous forme monétaire, les produits agricoles, les bétails, etc. Cependant, vu les changements majeurs qui se sont opérés dans la structure des économies au fil du temps, beaucoup de juristes contemporains sont d’avis que l’assiette de la Zakat doit être revue à la hausse. Aujourd’hui, les services occupent une place prépondérante dans les économies (en 2010 au Sénégal, les services représentaient environ 61% du PIB) ; de même, on trouve beaucoup de salariés qui, s’ils vivaient de manière raisonnable, auraient épargné de quoi sortir la Zakat, ce qu’ils ne font malheureusement pas. Par conséquent, il est nécessaire, selon ces juristes, de bien comprendre l’esprit des textes et les objectifs de la Chariah dans ce domaine précis pour ne pas exclure ces potentiels donneurs de Zakat. Autrement, on risque de demander à un paysan dont la valeur de la récolte annuelle est inférieure à 500 000 F Cfa de payer la Zakat alors qu’on dispense ce cadre supérieur qui perçoit plus de 500 000 F Cfa par mois ! Déjà des pays comme la Malaisie (pourcentage des musulmans environ 60%) ont adopté cette position ; et il y a même possibilité de rétention à la source pour les salariés qui le souhaitent. De son côté, les autorités fiscales tiennent compte du paiement de la Zakat pour accorder une certaine déductibilité lors du paiement de l’impôt.

 

Empêcher la concentration de la richesse

Les 8 catégories bénéficiaires de la Zakat sont fixées par le Coran (9 : 60). On pourra remarquer aisément qu’elles appartiennent, en majorité, aux couches sociales dites vulnérables. Le transfert de richesses des plus nantis de la société vers ces catégories représente non seulement une forme de redistribution mais a aussi un impact sur les agrégats de consommation et d’investissement.

 

Empêcher la concentration de la richesse entre les mains d’une minorité est un principe de l’économie islamique (7 : 59). Ainsi, à côté de la Zakat, l’Islam a instauré différentes formes de charité, destinées à faire sortir les plus démunis de la situation de précarité. On peut citer comme exemple, le Waqf (Habs dans le droit Malikite), une forme de charité qui est telle que l’actif est préservé de manière éternelle alors que l’usufruit est utilisé à des fins de bienfaisance. Au point culminant de leur développement, les revenus issus des Waqfs couvraient les frais sanitaires et scolaires d’une bonne partie des populations dans des localités comme Damas, en Egypte, en Turquie …

 

Le professeur Cizakca, un spécialiste en la matière, a pu démontrer que l’acte notarié à la base de l’établissement de la prestigieuse université Oxford a été copié des musulmans par les Croisés lors de leurs campagnes au Moyen Orient.

La suite à 16h

Abdou DIAW

Docteur en finance islamique

 

 

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