Les 25% de la Pna indisposent les structures de santé

En initiant la stratégie yeksinaa, pour rendre disponibles et accessibles les médicaments, la Pharmacie nationale d’approvisionnement a également décidé de prélever 25% sur le bénéfice des structures de santé. Une option pas toujours appréciée.
Le Yeksinaa est un bon mécanisme de dotation des structures de santé. Il permet à ces derniers de disposer de produits sans se déplacer. Du coup, les médicaments deviennent disponibles et accessibles aux populations. Mais cette stratégie bute sur un point. Les 25% que la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) défalque sur les bénéfices des structures de santé. Une chose que ne supportent pas du tout les agents des postes et centres de santé qui ne cessent de le décrier. Selon le président du comité de santé du district de Birkilane, la facturation et les 25% sont incompris. Toutes nos structures disposent de médicaments en quantité et en qualité. Pour Fallou Ndao, au début, la Pra (pharmacie régionale) de Kaolack amenait les médicaments dans les districts.
Mais à un moment, le retard noté dans le remboursement des prestations de la couverture maladie universelle a occasionné un blocage. Donc, avec les 25% et le remboursement tardif, les structures sont dans l’incapacité de payer. Les charges sont énormes et la prise en charge des enfants de 0 à 5 ans et les politiques de gratuité ont posé des problèmes de gestion. ‘’La Cmu n’a pas remboursé depuis 2017. Les postes les plus éloignées ont voulu arrêter le Yeksinaa à cause des 25%. Ce pourcentage allait être bénéfique pour les dépositaires, les infirmiers chefs de poste et les comités de santé, quand nous en avions discuté avec la Pna. Mais les choses n’ont pas changé’’, a-t-il expliqué. A l’en croire, les structures ne veulent plus en entendre parler et souvent les postes ont des commandes très élevées de médicaments. ‘’Si la Pna prend les 25% de chaque commande, c’est de l’argent. Il faut revoir cela’’, a demandé M. Ndao.
La pharmacienne en chef de la Pra de kaolack, Aminata Ndiaye, a précisé qu’un atelier de plaidoyer a été tenu dans toutes les régions médicales. Tous les médecins chefs de district étaient conviés, ceux qui n’étaient pas présents avaient envoyé un représentant. ‘’Ils ont trouvé que le prélèvement des 25% était une bonne chose. On leur avait dit de décentraliser lors des réunions de coordination au niveau des districts. C’est ce qu’ils n’ont pas fait’’, a-t-elle soutenu. Selon la pharmacienne, ce taux est un montant qu’on prélève sur leur marge. ‘’Quand ils ont 100 F Cfa, on prend les 25 F Cfa. Ces 25 F Cfa permettent de prendre en charge les opérateurs qu’on paie tous les mois, mais également on voulait prendre en charge les dépositaires. Parce qu’ils ne sont pas bien pris en charge dans les districts. Il y a aussi le carburant des camions pour que les opérateurs amènent les produits jusqu’au niveau des points de prestation des services. Mais nous allons faire une communication avec eux pour leur permettre de mieux comprendre’’, a-t-elle promis. A son avis, c’est le retard de remboursement de la Cmu qui a plombé les recouvrements au niveau de la facturation.
Birkilane veut un centre de santé qui répond aux normes
Par ailleurs, le médecin chef du district de Birkilane, Docteur Papa Birahim Seck, a déclaré que ‘’Yeksinaa’’, qui est un système de dépôt vente, est bien pour le système de santé. Seulement, tout le monde ne l’a pas compris. ‘’On donne le médicament, et vous vendez. On vous facture uniquement ce que vous avez vendu. L’avantage est qu’avant, on achetait des médicaments, mais il y avait des déperditions et certains médicaments qu’on ne vendait pas deviennent périmés. C’est une perte pour le service. Mais actuellement, les médicaments périmés sont collectés et retournés à la Pna et ne sont pas facturés. Il faut une approche didactique et collective pour que les gens comprennent’’, a-t-il dit. A l’en croire, si les médicaments sont biens distillés, on peut avoir une bonne assise financière. S’agissant des 25%, il a précisé que c’est un problème puisque les gens l’ont décrié. ‘’Il ne faut pas se voiler la face et dire que ce n’est pas une contrainte. Nous allons faire une étude comparative dans notre district pour voir la part de cette dette que nous devons à Yeksinaa, et celle que la Cmu nous doit. Nous sommes en train de collecter les données depuis le début de cette initiative’’, souligne-t-il.
Créé le 1er avril 2010, le district de Birkilane n’existe que de nom. Tout est délabré. Les murs sont fissurés, la toiture inclinée ressemble plutôt à une case en paille. Et pourtant, c’est bel et bien un centre de santé où les populations du Ndoukouname se soignent. Une situation qui dépasse le médecin chef du district qui lance un appel à l’Etat pour l’obtention un centre de santé qui répond aux normes. ‘’Quand on a décidé de doter Birkilane d’un district, sur le plan territorial, l’idée était objective. Parce qu’il y avait le département de Birkilane et un département ne peut pas aller sans district sanitaire, mais il faut de l’accompagnement’’, a-t-il demandé. Le médecin regrette qu’il n’y ait pas un centre de santé digne de ce nom, alors que Birkilane est un marché, un louma très célèbre, un foirail qui est le 3ème marché aux moutons au Sénégal. ‘’Il y a deux autres Louma à Mabo et à Darou Nandjigui. Tout cela, c’est des bombes sur le plan sanitaire. Donc il faut un centre de santé qui répond aux normes pour mieux gérer la santé des populations. Nous lançons un appel à l’Etat.’’
PRODUITS DANS LE CIRCUIT DU YEKSINAA Les vaccins antivenimeux et antirabiques disponibles L’introduction des vaccins antivenimeux et antirabiques dans la stratégie ‘’Yeksinaa’’ a été saluée en tant que solution aux morsures de serpents et de chiens. Les morsures de serpent tuent massivement dans les régions. Elles restent pourtant l'une des crises de santé publique les plus négligées. Depuis un certain temps, les ruptures dans ces localités ont souvent causé des ravages. Mais aujourd’hui, avec la stratégie Yeksinaa, la Pharmacie nationale d’approvisionnement a introduit dans ce circuit les vaccins antivenimeux et antirabiques pour lutter contre les morsures de serpents et de chiens. L’information a été donnée hier par l’infirmier chef du poste de Diamal, une localité située dans le département de Birkilane. Selon Cheikhou Niang, le Yeksinaa a facilité l’accessibilité des produits surtout le vaccin antivenimeux qu’ils avaient du mal à voir. ‘’Il est maintenant accessible dans les structures sanitaires. Il y avait beaucoup de morts causées par la morsure de serpent surtout en période d’hivernage. On a aussi accès au vaccin antirabique’’, s’est réjoui le médecin. D’après l’Icp, d’autres produits sont disponibles et en quantité suffisante alors qu’il y avait une rupture. ‘’En plus, ces médicaments ne sont pas chers, c’est la même marge bénéficiaire qu’on applique pour la population. Ce n’est pas aussi cher que cela, comparé à d’autres produits qu’on retrouve dans les officines et autres’’, a soutenu l’infirmier. La disponibilité de ces vaccins a de quoi soulager les postes et centres de santé. Il fut un temps, le pays était confronté à une réelle rupture de ces vaccins qui a causé d’énormes conséquences. Le dernier exemple en date est la mort tragique, faute d’un sérum antivenimeux, d’une fille de 12 ans. Originaire de Keur-Massar, dans la banlieue de Dakar, Bineta Sow a été mordue par un serpent, le 30 octobre 2015, alors qu’elle jouait avec ses camarades de même âge. Il faisait un peu moins de 19h. Ballottée d’un hôpital à un autre, elle rend finalement l’âme à 23h. Partout où ils sont passés, ses parents n’ont pas trouvé le vaccin antivenimeux qui aurait pu la maintenir en vie. Après être passés par 3 structures sanitaires, ses accompagnateurs ont finalement mis la main sur le précieux sésame à l’Hôpital Le Dantec. Mais c’était trop tard. Bineta Sow, élève en classe de Cm1 à l’école Castors Sotrac de Keur-Massar, avait déjà poussé son dernier soupir. C’est pourtant la énième fois que des situations pareilles se posent dans cette localité. Par ailleurs, Cheikhou Niang a lancé un appel pour le règlement des problèmes de la Cmu. Parce que, dit-il, elle a mis à genou tous les postes de santé. ‘’On n’arrive même plus à payer le personnel à cause du non-remboursement de la dette. C’est un véritable frein pour le développement sanitaire. Elle nous doit plus de 3 millions rien que pour le poste de santé pour l’année 2017’’, indique-t-il. |
VIVIANE DIATTA