Publié le 25 Mar 2021 - 23:57
REPORT DES ELECTIONS LOCALES EN 2012

La classe politique se déchire 

 

Un dialogue de sourds s’est installé au niveau de la sous-commission politique du dialogue national. Entre la majorité et ses opposants, l’organisation des élections locales, au cours de l’année 2021, est source de déchirements.

 

Le flou continue de planer sur la date de la tenue des élections locales. Mais une chose est certaine : elles ne se tiendront pas dimanche prochain. Hier, une plénière de la Commission politique du dialogue national a été organisée avec, à l’ordre du jour, l’évaluation du processus électoral et de l’audit du fichier électoral. Ensuite, l’organisation des élections locales.

Il ressort de cette rencontre entre les représentants de la majorité au pouvoir, de l’opposition, du pôle des non-alignés et des membres de la société civile, que l’évaluation du processus électoral se fera à compter du début du mois d’avril. Les élections locales sont reportées à une date ultérieure.

Le moment de la tenue de ces joutes électorales a fait l’objet d’un profond désaccord entre les différents participants.  

Au sein de la majorité, l’on est d’avis qu’il est impossible, techniquement, d’organiser des élections avant la fin de l’année en cours. Une théorie que développe le coordonnateur adjoint du pôle de la majorité. Selon Cheikh Sarr, ‘’la Direction des élections est arrivée à cette conclusion que si nous voulons respecter tous les délais que le Code électoral nous impose, il nous faut 11 mois pour organiser la tenue des Locales’’. Impossible alors, dans ce scénario, d’organiser les Locales avant 2022.

Le représentant de la majorité détaille même une explication presque scientifique. ‘’L’évaluation doit débuter le 1er avril. Dans le document de référence remis aux évaluateurs, il est inscrit que l’évaluation doit se faire entre 90 et 120 jours. Après l’audit, il y aura des recommandations qui seront discutées au niveau de la commission politique. Ajoutons à cela les discussions sur les points suspendus au niveau du dialogue (parrainage citoyen, bulletin unique, etc.). Cette étape risque de nous prendre au moins un mois’’, présente-t-il. Cinq premiers mois bien chargés dans l’optique de l’organisation des élections.

S’il y a un consensus à la sortie de cette période de revue du Code électoral, ajoute Cheikh Sarr, ‘’nous devrons saisir le gouvernement qui fera un projet de loi qui passera par l’Assemblée nationale. On devra même changer le Code général des collectivités territoriales, puisqu’il y a des accords qui concernent le mode d’élection du maire. Cette période va nous prendre plus d’un mois’’.  

800 000 primo votants doivent être ajoutés au fichier

Après six mois passés, il faudra faire une révision exceptionnelle. Depuis 2018, renseigne-t-il, il n’y en a pas eu. ‘’Et 800 000 primo votants doivent être ajoutés au fichier. Le temps de stabilisation des listes, des recours, des contentieux peut atteindre 3 mois. Enfin, le Code électoral impose de fixer la date de toute élection 85 jours avant’’, poursuit-il, en résumant tout ce processus intenable en moins de 11 mois.  

Cet exposé n’a pas suffi à vaincre les autres participants de la commission désormais présidée par le professeur Babacar Kanté, successeur du défunt général Mamadou Niang. A commencer par un des membres de la société civile. Pour le directeur exécutif de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé, ‘’le report jusqu’en 2022 peut empiéter sur le calendrier électoral, notamment sur les Législatives (prévues la même année). C’est pourquoi nous sommes foncièrement contre. C’est la position de la société civile, des non-alignés et des autres acteurs. Nous avons dénoncé les reports récurrents. C’est la première fois, dans l’histoire du Sénégal, que l’on reporte trois fois des élections. C’est inadmissible, intolérable et l’on ne peut pas cautionner cela. Et nous sommes catégoriques sur la question’’.  

Comme évoquée par Moundiaye Cissé, cette position est partagée par les représentants du pôle de l’opposition au sein duquel l’on estime que ‘’l’Etat veut nous imposer 2022, on ne sait pour quelle raison. Mais notre position est que les élections doivent se faire obligatoirement en 2021’’. Même son cloche chez Déthié Faye, du groupe des non-alignés qui fustige une nième prorogation des mandats des élus locaux en place depuis 7 ans : ‘’Nous sommes foncièrement contre le report des Locales jusqu’en 2022.’’

Le gouvernement aphone aux appels de la Commission politique et au soutien financier des Américains

Dans un communiqué, le Front démocratique et social de résistance nationale (FRN) dénonce un nouveau report relevant de ‘’la seule et unique responsabilité du pouvoir’’. Si l’on en est arrivé à cette situation inédite, estime-t-il, c’est en raison des ‘’lenteurs administratives notées’’ et de la seule responsabilité du gouvernement.

En effet, détaille la coalition de partis de l’opposition, ‘’les termes de référence de l’audit du fichier électoral et l’évaluation du processus électoral ont été envoyés le 6 février 2020 aux autorités. Ces transmissions sont restées sans réponse, malgré les nombreux rappels de la Commission politique et l’accord de l’Usaid pour financer l’audit du fichier électoral. Ce n’est qu’au mois de novembre 2020 que le processus a été repris. Aussi, les experts de l’audit et les évaluateurs du processus électoral ont été sélectionnés au mois de janvier 2021. Si l’audit du fichier a démarré depuis mi-février 2021, le pouvoir vient seulement de nous informer, ce jour 24 mars 2021, que l’évaluation du processus électoral va démarrer le 1er avril 2021’’.

Selon son coordonnateur, le FRN maintient sa position déjà exprimée de respecter le calendrier électoral et d'organiser les élections locales en 2021, les élections législatives en 2022 et le scrutin présidentiel en 2024. Il dégage ses responsabilités de toute nouvelle forfaiture et met en garde le gouvernement face à toutes les conséquences que de nouveaux reports pourraient engendrer.

Le gouvernement a adopté la loi portant report des élections

Dans la soirée d’hier, le gouvernement a adopté, en Conseil des ministres, la loi portant report des élections territoriales et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux. Cette loi adoptée, par l’Assemblée nationale en séance du mardi 19 novembre 2019, avait été promulguée par le président de la République, 10 jours plus tard.

En son article premier, elle disposait : ‘’Les élections départementales et municipales prévues le 1er décembre 2019, sont reportées pour être tenues au plus tard le 28 mars 2021. La nouvelle date sera fixée par décret.’’  

L’organisation des élections départementales et municipales devait se tenir, depuis le 1er décembre 2019, après la Présidentielle de la même année. Mais la volonté réelle du pouvoir de les organiser fait débat, depuis plus de deux ans. En janvier dernier, le député Seydou Diouf, membre de la coalition au pouvoir, laissait entendre : ‘’Si le contexte l’exige, un couplage des élections. On ne connaît pas encore la date des élections locales. Est-ce que cela va enjamber la tenue des Législatives ? Les coupler peut être une option. Une autre sera de tenir les Locales en 2022 et de coupler les Législatives à l’élection présidentielle en 2024.’’

Sur le plateau d’une télévision privée, au moment d’analyser le discours à la Nation du 31 décembre dernier suivi d’un grand oral du président de la République, Me El Hadj Diouf, un autre collaborateur du président au sein de la majorité, assurait que, lors d’une réunion avec ses alliés politiques, Macky Sall ‘’a dit qu’il ne souhaite pas qu’il y ait une élection au Sénégal jusqu’en 2024’’.

Lamine Diouf

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