Publié le 14 Jan 2015 - 10:49
SOUVENIRS DE CAN… AMADOU DIOP ‘’BOY BANDIT’’ RACONTE CAIRE 1986

‘’On a été victimes de notre inexpérience’’ 

 

Amadou Diop ‘’Boy Bandit’’ a été l’un des artisans du retour au premier plan du Sénégal dans l’échiquier du foot continental. Après 18 ans d’absence, les Lions décrochent leur ticket pour la 15e édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en Égypte. Elle aura été encore le théâtre des illusions perdues pour une génération talentueuse qui se voyait au sommet de la pyramide. Capitaine des Lions à l’époque, ‘’Boy Bandit’’  garde un souvenir triste d’une compétition qui était, selon lui, à leur portée. Âgé d’une cinquantaine d’années, le joueur a pratiquement fait toute sa carrière au Jaraaf avant de s’exiler en Europe et dans le Golfe. Cet ancien meneur de jeu a cheminé avec les Lions, de 1977 à 1990. Aujourd’hui, il s’est reconverti entraîneur et dirige l’équipe nationale de Beach soccer. Il est également membre du staff technique du Jaraaf.

 

‘’On venait de ramener le Sénégal en Coupe d’Afrique’’

‘’Pour nous qualifier pour la Can,  on a battu en match de barrages le Zimbabwe (3-0), après avoir concédé une défaite (1-0) à Harare. Ainsi, nous venons de retourner en Afrique, après 18 ans d’absence. Ce qui était une grande fierté pour notre génération qui venait de ramener le Sénégal en Coupe d’Afrique, sous une grande ferveur populaire qui a accompagné l’équipe.

‘’De 30 degrés à 5 degrés’’

La préparation s’est déroulée dans le sud de la France. Je peux vous dire qu’elle s’est passée  dans de très bonnes conditions. Seulement pour nous, les pensionnaires du championnat sénégalais, l’adaptation fut beaucoup moins évidente. On passait de la chaleur  de Dakar, soit près de 30 degrés, à  la fraîcheur de la Côte d’Azur avec 5 degrés. Pour revisiter nos schémas de jeu, on a fait quelques matches avec des clubs locaux avant de nous envoler pour le Caire.

‘’Personne n’avait acquis une expérience dans le haut niveau’’

Cette longue attente, soit 18 ans, n’a réellement pas pesé sur nous, car nous voulions aller à la CAN pour apprendre avant tout. Que ce soient les dirigeants, l’encadrement et nous-mêmes, personne n’avait acquis une expérience dans le haut niveau. Je vous rappelle que nous avons été absents pendant deux décennies des grandes compétitions internationales. Malgré notre jeunesse, nous étions conscients de notre force et sûrs de nous-mêmes. Par ailleurs, l’équipe était très douée avec de très grosses individualités, avec une énorme colonne vertébrale : Cheikh Seck - Roger Mendy - Omar Guèye Sène - Jules François Bocandé. 

‘’Il y avait un excès de confiance dans l’équipe, avant d’aborder le dernier match contre la Côte d’Ivoire’’

On pouvait battre n’importe qui parce qu’il existait une très grande complicité entre nous. On avait fait nos armes ensemble en sélection junior. Et cette victoire contre l’Égypte en match d’ouverture a un retentissement planétaire et a du coup nourri une plus grande attente à notre égard. Beaucoup de personnes espéraient nous voir remporter la Coupe. A mon avis, cette victoire nous a fait plus de mal que bien.  Après cet exploit, nous avons été incapables de gérer l’euphorie qui s’en est suivie. Par ailleurs, le deuxième match contre la Mozambique (2-0) n’a pas permis de faire retomber le soufflet.

Il y avait un excès de confiance dans l’équipe, avant d’aborder le dernier match contre la Côte d’Ivoire. On voulait les battre coûte que coûte alors qu’un nul suffisait pour être premier du groupe puisqu’on avait déjà 4 points. La victoire était à 2 points à l’époque. En outre, personne dans le staff ou dans l’encadrement dirigé par feu Pape Diop et feu Yerim Diagne n’avait fait ce calcul d’assurer le match nul.  Malheureusement, l’équipe a joué un match ouvert  contre les Éléphants  pour enfin se faire punir (1-0). Une défaite qui a été synonyme d’élimination dans cette CAN. Bien que nous eussions le même nombre de points que nos adversaires (4 points),  l’Égypte, avec une meilleure goal-différence, avait fini première et la Côte d’Ivoire qui avait une meilleure attaque que nous s’est classée deuxième.

‘’Toutes ces rumeurs et autres anecdotes, après l’élimination, n’ont aucun fondement’’

En tant que capitaine, je peux vous assurer qu’il n’y avait rien de tout ce qui s’est dit après. Vous savez, après chaque élimination, on cherche toujours la petite bête pour expliquer un échec. Tous ces problèmes et rumeurs qui ont circulé après le tournoi sont inexacts. Je peux vous certifier que le problème des primes n’a eu aucune incidence sur le rendement des joueurs. Cela ne nous a pas déconcentrés, on n’était toujours motivés pour décrocher la première qualification du Sénégal en demi-finale de CAN.  Après chaque entraînement, on tenait une réunion avec les dirigeants pour discuter des problèmes touchant la sélection. A chaque fois que je les interpellais sur ce problème, ils me disaient que l’argent était en route et qu’ils allaient bientôt payer. Toutes ces rumeurs et autres anecdotes, après l’élimination, n’ont aucun fondement.

‘’Oumar Guèye Sène a proposé de s’occuper d’abord du terrain et ensuite des primes’’

En ce qui concerne cette affaire des primes, Oumar Guèye Sène a proposé de s’occuper d’abord du terrain et ensuite des primes. Sur ce, tous les joueurs s’étaient ralliés à sa proposition pour mettre de côté tous ces problèmes pécuniaires pour nous concentrer sur l’essentiel : la qualification. Car pour nous, toutes ces histoires de primes étaient secondaires.

‘’On avait l’équipe pour aller jusqu’au bout’’

J’ai vécu amèrement notre échec au premier tour. D’après moi, on avait l’équipe pour aller jusqu’au bout de cette coupe. Mais je mets cette contre-performance sur le dos de l’inexpérience qui nous a empêchés de faire un bien meilleur tournoi. Une compétition nécessite une bonne gestion des hommes et des nombreux problèmes inhérents à une sélection nationale. Si vous négligez ces paramètres, vous courez tout droit à l’échec.

‘’J’étais loin d’être le plus doué’’

Je pense avoir fait une bonne Coupe d’Afrique en tant que novice qui venait pour découvrir le haut niveau.  Le fait d’évoluer dans un bon groupe qui s’entendait très bien m’a beaucoup aidé dans mon capitanat. Pour moi, ce brassard était un témoignage de reconnaissance en ma  personne, car j’étais loin d’être le plus doué ou le plus talentueux de l’équipe. En fin de compte, je pense  qu’on a un bon bilan  puisqu’on a fini l’épreuve avec deux victoires et une défaite. Un revers qui, malheureusement, a jeté le voile sur tout notre parcours durant cette CAN.’’

PAR MAMADOU MAKHFOUSE NGOM

 

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