Publié le 3 Nov 2012 - 12:35
VIOLENTS AFFRONTEMENTS AUTOUR DU PROJET SEN-ETHANOL

Deux gendarmes blessés et huit arrestations à Ronkh

 

Le projet Sen-Éthanol continue de défrayer la chronique dans le Nord. Après Fanaye, c'est Ronkh qui a été choisie pour l'accueillir ; mais ici encore, l'initiative a du mal à passer. D'où les affrontements d'hier entre populations et gendarmes qui ont fait quatre blessés dont deux gendarmes, et huit arrestations.

 

 

Le Président de la communauté rurale de Ronkh semble avoir eu raison sur tout le monde en tirant très tôt la sonnette d'alarme sur les risques de tensions avec l'installation du projet italien Sen-Huile Sen-Éthanol. «Les populations ne sont pas impliquées dans ce projet et elles n’en veulent pas car partout où il passe, il laisse ses morts d’hommes en chemin», avait indiqué Moussa Diop. De fait, le pire a été frôlé à Ronkh, plus précisément à Guilado-Deux, un village situé dans le sud de cette communauté rurale, à 16 km de Ross Béthio. Les populations y ont affronté les gendarmes de la légion Nord mis en alerte depuis des semaines et installés à Ross Béthio. Des échauffourées à l'issue desquelles quatre personnes ont été blessées dont deux gendarmes. Toutes les victimes ont été acheminées aux urgences du centre hospitalier régional de Saint-Louis pour des soins intensifs puis libérées tard dans la nuit.

 

Tout serait parti des travailleurs du projet qui auraient dépassé l'espace accordé par les autorités pour accueillir Sen-Huile Sen-Éthanol. Les populations seraient alors sorties en masse pour exiger le respect des limites du terrain. En vain. Et selon des sources dignes de foi, l’un des conducteurs d’engins aurait continué de débrousser. Un acte de trop incompris des populations, en dépit de l'intervention du sous-préfet. Il s’en est suivi des grabuges entre populations et employés du projet. Les gendarmes en faction à Ross Béthio alertés, un escadron est vite arrivé sur les lieux pour tenter de faire régner l’ordre. Puis des affrontements ont éclaté. Dix personnes sont arrêtées dont deux blessés : Ahmet Kâ et Oumar Kâ. Ces deux peuls sont d'abord conduits à Ross Béthio puis déposés à l’hôpital de Saint-Louis. Ils y seront rejoints par les deux blessés de la gendarmerie.

 

Les proches des populations trouvées à l’hôpital de Saint-Louis accusent les gendarmes d’avoir utilisé des balles et des grenades lacrymogènes. Le nommé Demba Kâ, très touché par la tournure des événements, parle de bévues des gendarmes. «Ils sont venus sur demande du sous-préfet et ont chargé les populations qui ne voulaient rien d’autre que le respect des limites du projet...»

 

Ronkh souhaite la délocalisation du projet

 

«Ce projet a été installé sans l’aval des autorités rurales, c’est un groupuscule d’individus qui manœuvre ces étrangers pour leurs intérêts personnels. Nous allons nous dresser contre tout cela», avait menacé le président de la communauté rurale lors d’une rencontre avec la presse. Moussa Diop avait alors dénoncé ce projet comme «une nébuleuse» au sujet de laquelle l'Etat et certaines autorités administratives refusent de communiquer. Demba Kâ promet de s'opposer à l'exécution d'une initiative qui est contre leur patrimoine. «Nous ne voulons plus de ce projet», indique-t-il avant d'interpeller le chef de l'Etat. «Ces Italiens ont détruit nos champs, nos cimetières et nos mosquées, c’est un projet maudit», dit-il avec force. Et «pire», les villages et hameaux risquent d'être engloutis. «Ils sont tous en sursis».

 

Pour Fatima Kâ, épouse d'un des blessés, «ces gens veulent nous anéantir, c’est une autre forme de colonisation», lâche-t-elle, la voix presque perdue du fait des grenades lacrymogènes. Ce qui n’est pas de l’avis des gendarmes qui ont dégagé en touche par rapport à certaines accusations. Par exemple, aucun coup de feu n'a été tiré, et aucune grenade n'a été lancée sur quiconque, avancent les pandores.

 

De son côté, la Société civile est montée au créneau pour alerter contre le danger manifeste de la gestion du foncier dans le Nord du pays. L'antenne régionale du Forum civil souhaite que la question du foncier en général, et le projet Sen-Éthanol en particulier, soit gérée «au niveau central» et «de manière saine» pour éviter les violences. «Nous ne voulons pas que Fanaye (NDLR : premier site où les oppositions au projet avaient fait 2 à 3 morts avant d'être exfiltré sur Ronkh) se reproduise ailleurs et nous osons croire que les autorités étatiques sont sensibles à cela», a dit Mame Latyr Fall, coordonnateur du Forum. Le Forum civil est d’ailleurs prêt à s’investir comme facilitateur entre les populations concernées et les autorités «pour trouver une solution juste et durable».

 

Selon nos informations, les individus arrêtés seront déférés au parquet. C'est ce qui a conduit les gendarmes à vouloir tirer du lit de l'hôpital le blessé Thierno Kâ dont l'état était jugé critique, d'après des sources. Sa famille a d'ailleurs commis un avocat, Me Cheikh Tidiane Diouf, pour défendre ses droits au niveau du parquet. A Ronkh, hier soir, la tension était encore vive, notamment à Guilado-Deux, les populations étant déterminées à barrer la route à Sen-Éthanol.

 

FARA SYLLA

 

 

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