Publié le 17 May 2022 - 18:24
YAW-WALLU

Les germes d’un KO électoral 

 

Marquée par des dissidences, des querelles internes, une liste qui risque d’être irrecevable au scrutin majoritaire pour le département de Dakar, l’alliance Yewwi Askan Wi-Wallu Senegaal ne semble pas mesurer la tâche qui l’attend, du fait de sa stratégie inédite qui pourrait dérouter plus d’un électeur. Il résulte, en effet, des articles L150 et L152, que toutes les listes en compétition seront présentes dans tous les bureaux de vote du Sénégal. A Yewwi comme à Wallu, beaucoup pensent que l’une des deux listes sera absente en fonction de leurs investitures.

 

C’est l’exemple d’un élève de terminale (série scientifique) qui va à l’examen, avec la menace de ne pas être autorisé à faire les épreuves de mathématiques. À coup sûr, il sera obligé de revoir ses ambitions à la baisse, si une telle hypothèse se réalise. Pour les prochaines élections législatives, la coalition Yewwi Askan Wi court l’énorme risque de ne pas être présente au scrutin départemental de Dakar, soit la circonscription du pays la plus pourvue en nombre de députés (7), sur les 165 que compte l’Assemblée nationale. Pour les leaders de Yaw, il est hors de question d’admettre un tel scénario, d’autant plus que tous les pronostics les annoncent largement favoris dans la capitale.

Hier, à la Direction générale des Élections (DGE) où il était pour présenter les lettres de désistement de Palla Samb et de Joseph Sarr, le mandataire national, Déthié Fall, a affirmé : ‘’Quel que soit alpha, la coalition Yaw va faire face. Ce que veut le président Macky Sall, c’est impossible. Il ne peut pas éliminer la liste de Yewwi Askan Wi à Dakar, en même temps vouloir se présenter partout sur le territoire et dans la diaspora. Cela est impossible ; le pays ne lui appartient pas ; nous sommes dans un État de droit et c’est la loi qui gouverne...’’

Malgré les menaces, le fait est que la liste déposée par la coalition Yewwi Askan Wi n’a pas respecté la parité. Or, aux termes de l’article L178 du Code électoral, ‘’n’est pas recevable la liste qui ne comporte pas les indications obligatoires prévues aux articles L149 et L173’’. Parmi ces indications obligatoires à l’article L149, il y a effectivement la parité.

Mais comment la coalition la plus grande de l’opposition a pu commettre une telle bourde ? Déthié Fall explique : ‘’Ceux qui me connaissent savent que je ne dis que la vérité. Nous sommes en politique pour changer le Sénégal ; ce qui nous oblige à dire la vérité en toutes circonstances. Comme je vous l’ai dit la dernière fois, cette liste n’est pas celle que j’ai déposée… Au moment du dépôt des listes, on a reçu des instructions pour retirer Palla Samb et mettre Ngoné Mbengue. Malheureusement, celui que j’avais proposé pour le faire, en lui donnant le cachet, Saliou Sarr, est revenu sur ce qui était convenu, en remettant Palla Samb sur les listes, comme l’avait fait Djibril Ngom à Matam.’’

Dans tous les cas, la messe semble dite, selon nombre d’observateurs. Même si au sein de la coalition et de l’alliance avec Wallu, on étudie toutes les hypothèses envisageables pour que Yaw existe à Dakar. Nos interlocuteurs n’écartent pas d’introduire un recours devant le Conseil constitutionnel, pour ce faire.

Mais au-delà de ce combat, d’autres défis aussi importants attendent les amis d’Ousmane Sonko.

Depuis la clôture du dépôt des listes, le 8 mai dernier,  les leaders de  la coalition et leurs alliés de Wallu n’en ont que pour la liste départementale de Dakar qui risque d’être frappée d’irrecevabilité. Ils oublient que leur stratégie mise en place avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) est inédite et pourrait dérouter plus d’un électeur. Même des juristes, publicistes de surcroit, s’y perdent. Ngouda Fall disait : ‘’Si une coalition décide de ne pas présenter de candidats dans un département, ses bulletins ne seront pas présents dans les bureaux de vote de ce département.’’

Ceci, beaucoup de responsables à Yewwi comme à Wallu avec qui nous avons discuté le pensent mordicus. Mais tel n’est pas le cas. Tout le monde est présent partout d’office. Dans les départements où le parti ou la coalition concernée n’a pas de représentants, les votes seront comptabilisés pour la liste nationale. Certains ont compris que cela se passait ainsi que très récemment. On serait même tenté de se demander si certains d’entre eux auraient pu opter pour une telle stratégie, s’ils avaient bien jaugé tous ces paramètres.

Mais pour Assa Ba du PDS, tout est sous contrôle. Il déclare : ‘’Nous allons faire une tournée nationale pour expliquer cela à nos militantes et militants. En fait, si on prend l’exemple de Mbacké, c’est certes la liste Wallu qui porte le scrutin départemental. Mais sur cette liste, il y a trois candidats de Yewwi et deux de Wallu. Donc, les militants ont tout intérêt à faire triompher cette liste, en la choisissant, même si la liste Yewwi est disponible pour le scrutin national. Et nous prendrons le temps qu’il faut pour les sensibiliser.’’

En effet, aux termes de l’article L150 alinéa 1er du Code électoral, les députés de l’Assemblée nationale sont élus à raison de 105 députés (112 avec la dernière réforme) dont 90 pour l'intérieur du pays et 15 pour l’extérieur, au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort du département et de 60 députés au scrutin proportionnel sur une liste nationale (53 maintenant). Au dernier alinéa de ce même article, le la loi dispose : ‘’Il n’est utilisé qu’un seul bulletin de vote pour les deux scrutins.’’ Dans la même veine, l’article L 152 prévoit : ‘’Le bulletin de chaque électeur est tout d’abord pris en compte pour établir le résultat du scrutin départemental. Il est ensuite pris en compte, le cas échéant, pour l’établissement du résultat du scrutin national.’’

En d’autres termes, l’électeur vote une fois, mais ce vote est pris en compte, d’abord, pour le scrutin départemental, si la liste est présente ; ensuite, pour le scrutin national. Au cas où la liste n’est pas présente au scrutin départemental, l’électeur est libre de voter la liste, même si son vote ne comptera que pour le scrutin national. Mais dans tous les bureaux de vote du Sénégal, toutes les huit listes en compétition seront disponibles, y compris les listes de Yaw et de Wallu. Et si ces parties ne prennent pas les devants, les électeurs pourraient être complètement déroutés et la stratégie électorale pourrait déboucher en une véritable catastrophe électorale. D’autant plus que les deux entités pourraient, d’emblée, partir avec le handicap de la liste majoritaire de Dakar, soit sept députés.

Pour rappel, dans leur entente, Wallu et le Yewwi Askan Wi s’étaient réparti la tâche pour les prochaines élections. Partout où la liste départementale de Yaw sera présente, Wallu n’aura pas de liste départementale. Et vice-versa. Dans la répartition, Yewwi s’était taillé 26 départements, laissant à Wallu les 20 autres. L’idée est de mutualiser les votes au niveau des listes départementales, en vue de remporter le maximum de sièges sur le scrutin majoritaire (112 sur les 165 sièges).

C’est ainsi qu’ils espéraient mettre le régime en minorité et disposer de la majorité à l’Assemblée nationale. Une tâche qui s’annonce plus qu’ardue, compte tenu des nombreux impairs, d’autant plus que chacune des deux entités (Wallu et Yaw) est minée par des querelles et frustrations internes difficiles à surmonter.  

RÉACTION DE SALIOU SARR

‘’C’est Déthié Fall qui a son cachet, c’est lui qui l’a mis’’

Qui a déposé la liste à Dakar ?

Le dimanche 8 mai, on a trouvé un terrain d’entente avec Wallu, vers 18 h, pour aller ensemble à ces élections. À ce moment, Yaw avait déjà fini ses investitures. Des investitures difficiles qui avaient engendré beaucoup de querelles. Comme on était tenu par les délais, la Conférence des leaders nous a mandatés, lui Déthié, deux membres tout au plus de Taxawu Senegaal, trois du Pur, six au moins pour Pastef. À notre arrivée à la DGE avec la valise contenant les listes, on nous a conduits dans une salle pour continuer notre travail. Voilà ce qui nous a fait entrer, Cheikh Tidiane Youm, Bassirou Diomaye, moi et tous les autres. C’était le dimanche à 22 h 30. Le lendemain, lundi, à 11 h, on n’avait déposé aucune liste. Par la suite, nous avons déposé la liste nationale après plusieurs corrections. Et quand je dis nous, c’est par esprit de solidarité, parce que nous étions tous là pour l’appuyer. On lui a donné, lui, le mandataire un fauteuil, nous autres on était juste à ses côtés… Mon rôle se limitait à vérifier la conformité du dossier. Quand on nomme quelqu’un, j’étais chargé de vérifier, par exemple, si l’extrait, la déclaration individuelle sont là…

Qu’en est-il pour le département de Dakar ?

En fait, nous avions proposé à Wallu d’investir une femme. Ils ont dit qu’ils n’ont préparé que le dossier d’un homme. Nous avons dit à Déthié de prendre ses responsabilités et de mettre une femme de Yaw à la place, puisqu’ils ne veulent pas mettre une femme. Il a dit qu’il est un homme de parole, qu’il ne peut pas revenir sur l’accord qui était convenu avec le PDS. La Conférence des leaders est en train de régler ça. Jusqu’à 23 h 50, on n’avait pas encore déposé.

À ce moment, quelqu’un est venu nous dire que des autorités mettent la pression et si on ne se dépêchait pas, la commission va arrêter. C’est comme ça que nous nous sommes précipités pour entrer. Je précise que Khalifa Sall ne pouvait pas me parler, puisque c’est Déthié le mandataire. Déthié nous a dit qu’il a reçu des instructions pour enlever Palla Samb. On a cherché le dossier de Ngoné Mbengue, mais on ne l’a pas trouvé, parce que pressé. Je suis allé dans ma voiture pour le chercher. Ce sont eux qui l’ont finalement trouvé dans les dossiers que j’avais.

Ils m’ont appelé pour me dire qu’ils l’ont retrouvé. On a donné le dossier à Déthié. Ce que je dis, un petit frère d’Habib Sy du nom d’Omar Sy était là, Cheikh Tidiane Youm… Moi, je leur ai dit qu’il n’y a pas Ngoné Mbengue dans la liste que vous avez tirée. C’est à ce moment que la commission a dit : vous n’avez pas à changer les deux hommes, parce que c’est un nombre impair. (L’article) L149 dit que quand c’est un nombre impair, on peut mettre deux personnes de même sexe, c’est-à-dire la sixième et la septième. Mais on était tous fatigués.

Qui a apposé le cachet ? Déthié a dit que c’est vous ?

Ce n’est pas possible. Lui, son cachet, même la commission n’accepte pas d’y toucher. À un moment, il a dit à un membre de l’aider à mettre le cachet. Ce dernier lui a dit : ‘’Grand, on vous connait. Mettez vous-même votre cachet.’’ Personne d’autre ne peut aller mettre le cachet. La commission ne peut même pas l’accepter, pour éviter les vices de forme. C’est lui qui a son cachet, c’est lui qui a mis le cachet. Il y a une erreur humaine, il n’a qu’à l’assumer. Si j’étais le mandataire, j’aurais fait une conférence pour assumer… Ce qu’il dit est totalement faux. Je lui ai dit : Déthié, nous sommes tous des humains et on fait tous des erreurs. Il faut aller expliquer aux leaders ce qui est arrivé et voir comment le prendre en charge.

Mais comme il est allé à la DGE pour dire qu’il m’a donné son cachet, je tiens à dire que c’est archifaux. C’est lui qui a mis le cachet sur toutes les listes et c’est lui qui rend les dossiers. Pour vous donner une preuve, Dakar est le dernier dossier qu’on a déposé. Voilà la réalité.

(Avec RFM)

MOR AMAR

 

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