Publié le 23 Jan 2021 - 23:47
DETENTION DE BOUBACAR SEYE

La société civile prépare un front de résistance

 

Les activistes exigent la libération du président de l’ONG Horizons sans frontières, accusé de diffamation. En conférence de presse, hier, ils comptent unir leurs forces, soutenant que Boubacar Sèye a le droit de demander des comptes à l’Etat du Sénégal.

 

La société civile entend se battre en rangs serrés pour arriver à la libération, ‘’dans les meilleurs délais’’, du président de Horizons sans frontières. Les activistes, soutenus par certains partis politiques tels que la coalition Jotna, disent non à la tentative de musellement de leur camarade Boubacar Séye. ‘’Le collectif Noo Lank exige la libération et la fin des dispositions liberticides qui permettent d’emprisonner si facilement un acteur de la société civile engagé dans la défense d’une question nationale que constitue la migration. Nous n’avons pas besoin de souvenirs pour nous rappeler que plus de 580 personnes viennent de périr en mer, en 2020. Un nombre supérieur à celui des victimes de la Covid-19. Cette tragédie suffit amplement pour interpeller le gouvernement du Sénégal sur l’efficacité des fonds qu’il reçoit de l’Union européenne’’, fait savoir le porte-parole du jour.

Dame Mbodj et ses camarades se demandent pourquoi le Premier ministre français, Edouard Philippe, n’a pas été inquiété, puisqu’il a été le premier à interpeller sur la gestion des fonds de l’Union européenne pour la lutte contre l’émigration irrégulière. Il s’agit, au total, de 1310 milliards de francs CFA reçus par le Sénégal, entre 2007 et 2020, soit 93 milliards par an. La société civile sénégalaise en est convaincue, si l’Etat du Sénégal était cohérent et juste, il aurait démontré en un rapport que Boubacar Séye a tort, en publiant les dépenses et destinations des fonds de l’UE.

Pourtant ce n’est toujours pas le cas. ‘’Cette situation est à dénoncer avec la plus grande énergie. C’est dans ce cadre que toute la société civile sénégalaise a décidé de joindre ses forces pour qu’ensemble, on puisse former une force de résistance, pour ne pas permettre au Président Macky Sall de museler la société civile, la société sénégalaise et toutes les voix discordantes pour l’intérêt national. Son emprisonnement pose la question du dispositif attentatoire à la liberté des chercheurs, des acteurs de la société civile et des citoyens qui se posent des questions, des citoyens qui expriment tout simplement des doutes, pointent du doigt des anomalies graves et exigent transparence et reddition des comptes. Il s’agit de musellement et nous ne l’accepterons pas. Nous exigeons que le gouvernement nous édifie sur l’utilisation de ces ressources publiques et que toute la lumière soit faite sur cette question, au lieu d’entrer dans une sorte de diversion’’, renchérit le coordonnateur du Cusems/Authentique. 

La posture de deux poids deux mesures passe mal, d’autant plus plusieurs personnalités ont été accusées de faits beaucoup plus graves (trafic de faux billets, pillage de ressources publiques...) sans être inquiétées. Déterminés à aller jusqu’au bout, les activistes demandent à l’Union européenne de sortir de son silence pour se prononcer sur cette arrestation. L’organisation est la mieux placée pour éclairer la lanterne des Sénégalais, puisqu’elle est la source des fonds sujets de polémique. L’Union européenne doit exiger ‘’la libération immédiate de Boubacar Séye’’. 

De l’avis de l’ex agent de l’ONG Oxfam, ‘’ce qui arrive à Boubacar peut arriver à n’importe quel activiste, parce que maintenant, on n’a plus le droit de demander des comptes. Moi-même, poursuit-il, je m’attendais à être cueilli à l’aéroport, parce que j’ai participé aux travaux évoqués par Boubacar Sèye. Ces milliards sont connus de tous, ce n’est pas un secret, car les rapports des différents programmes sont disponibles. Boubacar n’a rien dit qui mérite un tel traitement, on veut juste le faire taire. La stratégie du régime de Macky Sall, de même que ceux du Bénin et de la Côte d’ivoire, est très claire. Ils veulent opérer une rwandalisation de l’Afrique, pour que les peuples ne s’expriment plus’’.

‘’Je ne suis pas un ennemi de l’Etat’’

La société civile insiste sur le fait que l’état de santé du président de Horizons sans frontières se dégrade et que les conditions de détention lui sont inadaptées. Ses membres disent qu’ils tiendront l’Etat du Sénégal pour responsable de tout malheur qui pourrait lui arriver. A en croire le porte-parole de HSF, l’arrestation du président est l’œuvre de personnes tapies dans l’ombre qui gravitent autour du Président Macky Sall. Ces dernières bénéficiaient des travaux de recherches de Boubacar Sèye. C’est parce qu’il aurait mis fin à cette collaboration, qu’il se retrouve derrière les barreaux. ‘’Boubacar m’a pris les deux mains et m’a dit je vais en prison, mais sincèrement, je ne m’y attendais pas. Je te charge de transmettre ce message à Macky Sall : je ne suis pas un ennemi de l’Etat du Sénégal, je ne suis pas son adversaire politique, je suis un activiste, je suis un lanceur d’alerte. Le cas de Mbayane Diop en Arabie saoudite, les jeunes sénégalais à Wuhan, les étudiants en Russie qui avaient des problèmes de passeport, tout cela c’est des dossiers que j’ai gérés et on ne m’a jamais accusé de fausses nouvelles’’, relate Souleymane Aliou Diallo.

Qui poursuit, ‘’nous demandons à la personne qui s’est sentie diffamée de se manifester, qu’on ne se cache pas derrière l’Etat. L’Etat doit répondre à ces interrogations, c’est tout à fait logique pour le président d’une association internationale de la migration de demander l’audit de ces fonds. Certaines personnes de l’entourage du Président bénéficiaient du travail de Boubacar, ce sont ses rapports qu’ils envoyaient à la présidence ou aux partenaires. Ce sont ces gens que Boubacar a freiné, car il refusait de travailler dans certaines conditions. Ces mêmes personnes n’ont pas voulu que la diaspora sénégalaise participe au dialogue national et elles nous empêchent d’avoir un contact direct avec Macky Sall’’.

Les activistes ajoutent que leur camarade a remis aux enquêteurs tous les documents qu’il a reçus de l’UE concernant les fonds attribués au Sénégal. Le collectif Noo lank, les membres de la société civile et des acteurs politiques prévoient une rencontre la semaine prochaine, afin de déterminer un plan d’action, de concert avec les avoc

EMMANUELLA MARAME FAYE

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