Publié le 2 Jun 2025 - 14:12
L’Horticulture

Une Science au Cœur de l’Avenir Agricole et Écologique

 

Longtemps reléguée au second plan derrière les grandes cultures céréalières, l’horticulture s’affirme aujourd’hui comme un secteur stratégique au croisement de l’agriculture moderne, de la sécurité alimentaire, de l’emploi et de la lutte contre le changement climatique. Elle incarne une alternative durable, flexible et innovante face aux défis économiques, sociaux et écologiques du XXIe siècle.

L’horticulture regroupe l’ensemble des cultures de fruits, de légumes, de plantes ornementales, médicinales et aromatiques. Sa spécificité réside dans la diversité de ses produits, la rapidité de ses cycles de production, et sa forte valeur ajoutée à l’hectare.

Au Sénégal, le secteur horticole connaît une croissance remarquable. Entre 2012 et 2023, la production nationale de fruits et légumes est passée de 905 000 tonnes à 1,6 million de tonnes, soit une progression de 77 % en 11 ans. Cette dynamique place l’horticulture parmi les secteurs agricoles les plus performants du pays. Pour la campagne 2024-2025, les autorités visent une production de 245 000 tonnes, un objectif qui illustre l’ambition nationale de renforcer ce secteur clé.

Loin d’être marginale, l’horticulture représente un levier économique puissant. En 2023, le chiffre d’affaires de l’exportation horticole sénégalaise a dépassé 100 millions d’euros, selon les données du Programme d’Appui au Développement de l’Horticulture (PAH).

Plus significatif encore : la valeur en devise d’une tonne de légumes sénégalais est deux fois supérieure à celle du coton, trois fois à celle de l’arachide, et vingt-deux fois à celle des phosphates, pourtant considérés comme une richesse nationale. Ce différentiel démontre le potentiel stratégique de l’horticulture dans la politique d’exportation et de diversification économique du Sénégal.

Les produits phares à l’export incluent les haricots verts, les mangues, les melons, les tomates cerises et les fleurs coupées, principalement à destination de l’Europe. La zone des Niayes, située entre Dakar et Saint-Louis, concentre 80 % de la production légumière nationale, sur à peine 3 % des terres cultivées.

Le secteur horticole est également un puissant pourvoyeur d’emplois. Il fait vivre directement plus de 500 000 personnes au Sénégal, dont une majorité de femmes et de jeunes. Grâce à des investissements relativement faibles et à des revenus rapides, l’horticulture représente une voie d’insertion professionnelle privilégiée pour les populations rurales. Dans les régions de Thiès, Louga, Saint-Louis et Ziguinchor, de nombreux jeunes agriculteurs se tournent vers la culture maraîchère pour générer un revenu stable. Les femmes, quant à elles, sont présentes à toutes les étapes de la chaîne de valeur : production, transformation, commercialisation. Dans certaines zones, elles représentent plus de 60 % des acteurs horticoles actifs.

Avec une population sénégalaise estimée à 18 millions d’habitants et une croissance démographique rapide, la pression sur le système alimentaire s’intensifie. L’horticulture apporte une réponse directe à ces défis. Elle permet de fournir des produits frais, nutritifs et disponibles localement, tout en réduisant la dépendance aux importations alimentaires.

En milieu urbain, les potagers familiaux et jardins communautaires contribuent à améliorer l’alimentation des ménages à faibles revenus. À Dakar, on recense plus de 5000 micro-jardins, qui produisent des légumes de base pour l’autoconsommation ou la vente sur les marchés de proximité.

Sur le plan environnemental, l’horticulture joue un rôle central dans la construction d’une agriculture durable. Cependant, elle n’est pas exempte de risques : surexploitation des nappes phréatiques, usage excessif de pesticides et perte de biodiversité sont autant de menaces à surveiller.

Face à ces enjeux, le Sénégal investit dans des pratiques agroécologiques. L’irrigation goutte-à-goutte, par exemple, permet d’économiser jusqu’à 50 % d’eau tout en augmentant les rendements. Des initiatives comme la permaculture ou l’usage de compost organique se développent dans les zones rurales et périurbaines. Par ailleurs, des techniques de production sous serre permettent de cultiver hors saison et de protéger les cultures des aléas climatiques.

Les projections de la Banque mondiale sont claires : chaque dollar investi dans l’horticulture durable au Sénégal génère entre 3 et 6 dollars en retour, en raison de ses bénéfices économiques, nutritionnels et écologiques.

L’horticulture n’est pas seulement une activité agricole, c’est une science appliquée au développement durable. Au Sénégal, elle offre des solutions concrètes à la pauvreté rurale, à la malnutrition, au chômage des jeunes et à la dégradation de l’environnement. En misant sur cette filière stratégique, le pays pose les bases d’un avenir agricole résilient, inclusif et écologiquement responsable.

Moussa Ba

Assistant de Recherche

Ballaba12@yahoo.com

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