La thèse de l’enlèvement réfutée par les premiers éléments de l’enquête

L’affaire des quatre enfants (Serigne Saliou Seck, Talla Guèye, Cheikh Sall et El hadji Malick Hanne) qui a secoué la banlieue car déclarés être enlevés par des ravisseurs, est loin de connaître son épilogue. Et pour cause, les premiers éléments de l’enquête laisseraient croire qu’il ne s’agit point d’enlèvement mais juste des chérubins qui se sont égarés. Hier, selon nos sources, le quatuor respirerait une pleine forme pour des enfants qu’on a accusés d’être ligotés et malmenés pendant quelques jours
Serigne Saliou Seck (4 ans), Talla Guèye (6 ans), Cheikh Sall (6 ans et demi) et le plus petit El hadji Malick Hanne (3 ans) ont été déclarés disparus, le jeudi vers les coups de 13h, alors qu’ils revenaient de l’école coranique. Ils ont été retrouvés le dimanche vers 00 h, au niveau de la commune de Diamaguene. Depuis, la machine judiciaire s’est emballée pour en savoir davantage sur l’histoire d’enlèvement qui secoue les deux départements de Pikine et de Guédiawaye de la banlieue dakaroise. Et c’est le commissaire adjoint du commissariat central de Guédiawaye et par ailleurs chef de la sûreté urbaine dudit commissariat, Adramé Sarr, qui pilote le dossier. Hier très tôt, une équipe d’enquêteurs a été dépêchée au quartier Touba Bagdag, une contrée de la commune de Djidah Thiaorye Kao, chez les enfants retrouvés l’avant-veille.
Selon les premiers éléments de l’enquête, tout laisserait croire qu’il ne s’agit point d’un enlèvement. Mais juste d’enfants qui se sont égarés. Et pour ce cas de figure, selon nos informations, la personne qui les a retrouvés a pris l’initiative de prendre son temps, histoire de pouvoir les conduire chez eux. ‘’Incontestablement, la thèse de l’enlèvement est à écarter’’, soutient une source proche du dossier. Selon toujours nos informations, les enfants respirent la forme. Ils sont même formels en ce qui concerne leur état psychologique, ils ne présentent aucun signe de trouble. Ce qui leur fait dire qu’ils doutent qu’ils étaient entre les mains d’un ravisseur. Mieux, ils ont passé tout leur temps à jouer, au commissariat, comme lors du trajet pour rentrer chez eux.
Les enfants, dit-on, n’ont rien qui prouve qu’ils ont été ligotés, car il n’y a pas de traces qui le montrent, encore moins de signes de fatigue ou d’une quelconque torture. Mais, pour en avoir le cœur net, ils seront envoyés au niveau d’un établissement sanitaire privé de la place pour les besoins d’une assistance sociale. Tout ceci pousse l’équipe des enquêteurs à ne pas suivre la thèse d’un enlèvement, mais celui d’un simple égarement. D’ailleurs, les témoignages des enfants vont dans ce sens. ‘’On ne nous a jamais battus encore moins ligotés. On mangeait bien. Mame Talla (la personne qui les a récupérés, voire ailleurs) nous donnait à manger’’, a soutenu le jeune Talla Guèye, sous les yeux de ses parents.
‘’Rien que pour se faire des sous, des parents sont capables de crier à l’enlèvement’’
‘’Ce sont les gens qui ont évoqué le mot ligoter. Mais cela n’est pas sorti de la bouche des parents que nous sommes. On ne l’a jamais dit. On ne sait pas pourquoi, on nous a fait porter de telles allégations. Ce n’est pas nous qui sommes auteurs de ce que l’on rapporte dans la presse’’, a soufflé une source proche de la famille. Et un voisin de renchérir : ‘’Ici, la population vit dans une promiscuité atroce. Et dès le début de la journée, tous les enfants sont chassés des maisons, car étant trop exiguës pour contenir tout ce monde. Rien que pour se faire des sous, certains parents sont prêts à tout pour encaisser de l’argent, dans des cas similaires. Ceci pourrait expliquer que des parents soient capables de crier à l’enlèvement. Mais c’est peine perdue.’’
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MOR TALLA NIANG, LE VIEUX QUI A RECUEILLI LES ENFANTS
‘’ Les enfants me disaient qu’ils se plaisaient bien chez moi’’
Hier vers les coups de 17h, une équipe du commissariat central de Guédiawaye composée du Commissaire Adramé Sarr, de l’adjudant Diaw, de quelques éléments et des agents de sécurité et de proximité, s’est rendue au quartier Hamdalaye 1, à la Cité La Rochette, une localité à cheval entre les communes de Thiaroye Gare et de Diamegueune. Sur place, ils ont été accueillis par le vieux Mor Talla Niang. C’est lui qui a récupéré les enfants, le jeudi dernier. Il est largement revenu sur les circonstances dans lesquelles il a trouvé le quatuor. Le septuagénaire a déclaré que les enfants ont été pris en charge, nourris et logés durant les jours qu’ils ont passé chez lui.
‘’Ce jour-là, de retour du lieu où on vend du café Touba, j’ai aperçu quatre enfants entre les mains d’un homme. Il m’a certifié qu’ils s’étaient égarés et m’a demandé ce que je pouvais faire pour eux. Etant donné que le ciel était nuageux, je lui ai dit de me les laisser, vu que je n’habite pas très loin. C’est ainsi que je les ai emmenés chez moi’’, explique le vieux Mor Talla Niang. Mais, il ne s’est pas arrêté là, car dès le lendemain, il a entrepris de nombreuses démarches pour signaler qu’il était en détention d’enfants qui se sont égarés. ‘’Le lendemain, de bonne heure, je suis allé faire une déclaration à la gendarmerie de Thiaroye. Le gendarme, lors de ma déposition, m’a demandé le nombre d’enfants. J’ai répondu qu’ils étaient au nombre de 4. Je lui ai remis toutes mes filiations. C’était le jeudi passé. Par la suite, je suis allé voir le chef de quartier et d’autres personnes habilitées. Ensuite, je suis allé au marché, ainsi qu’à la radio Rail bi FM, au cas où quelqu’un demanderait après des enfants qui se sont égarés’’.
Finalement, cela a porté ses fruits, puisqu’ ‘’on est venu m’annoncer que les parents des enfants se sont signalés. Quand ils se sont présentés, j’ai vérifié leur identité. Ensuite, je leur ai remis leurs rejetons. J’ai d’ailleurs pris le numéro de chaque parent, car je voulais nouer une relation avec eux’’. Le septuagénaire souligne avoir pris soin des enfants. ‘’Pendant tout le temps qu’ils ont passé chez moi, je les ai nourris convenablement. On les lavait aussi. C’est comme cela que les choses se sont passées. Ils me disaient qu’ils se plaisaient bien chez moi. J’ai remis chaque enfant à son parent. Ils sont venus les récupérer tard dans la nuit, alors que je leur avais dit d’attendre le lendemain, vu l’heure’’, dit-il.
C’est pourquoi le vieil homme s’offusque qu’on parle de maltraitance envers les enfants. ‘’Personne n’a jamais été ligoté. J’ai agi de la sorte car je suis un musulman. Quand ils sont arrivés, ils étaient clean’’. Il donne même la raison pour laquelle les enfants se sont égarés. En effet, lorsqu’il leur a demandé ce qui s’était passé et d’où ils venaient, les enfants lui ont répondu qu’ils étaient allés voir leur grand-mère qui est vendeuse au marché hebdomadaire de jeudi. ‘’Talla (le plus âgé) nous a dit que si jamais on ne le suit pas, il va nous bastonner. C’est comme cela qu’on s’est perdus’’, lui a raconté l’un des enfants. ‘’Ils ont dit, par la suite, qu’ils sont pensionnaires d’une école qui se nomme ‘’Ya Seyda’’. On a cherché dans le coin, mais on n’a rien trouvé’’. Philosophe, le vieux bonhomme soutient : ‘’Chacun est libre de dire ce qu’il veut, mais Dieu est le Meilleur Juge. On ne voulait que bien faire et rien d’autre’’.
REACTIONS SOKHNA SALL, MERE DE SERIGNE SALIOU ‘’Les photos qu’on a montrées dans la presse ne sont pas celles de nos enfants’’ ‘’On n’a jamais cru à la thèse de l’enlèvement. Ils étaient entre de bonnes mains. Dieu Seul Sait. C’était très difficile chez nous. On a tout fait. On était très inquiets, en tant que parents, vu ce que nous entendions dans la presse. Les enfants ont été trouvés dans de bonnes conditions. Ce jour-là, vers midi, il est venu me dire : ’’Maman, je vais aller jouer à côté’’. Par la suite, l’un des enfants leur a demandé d’aller chez sa grand-mère. C’est sûrement à ce moment-là qu’ils se sont égarés. On n’a jamais cru qu’ils ont été kidnappés. La preuve, les gens qui les ont ramassés, ont laissé toutes leurs coordonnées. Nous remercions le Bon Dieu. Les photos qu’on a montrées dans la presse ne sont pas celles de nos enfants. On ne les connaît pas et ils n’habitent pas chez nous. Ceux qui connaissent nos enfants savent très bien que ce ne sont pas eux dans les journaux. Chacun s’est donné un malin plaisir à raconter n’importe quoi.’’ BINTA SENE, VOISINE DU VIEUX MOR TALLA ‘’Vraiment, on a été étonnés des propos qui ont été relayés dans la presse’’ ‘’C’est moi qui leur vendais du pain, le matin. Et chaque jour, il leur donnait 100 F CFA pour le petit-déjeuner. Après leur avoir vendu du pain, je les surveillais personnellement pour qu’ils retournent à la maison. Je ne voulais pas qu’ils se perdent à nouveau. Je ne suis qu’une simple voisine. Et vraiment, on a été étonnés des propos qui ont été relayés dans la presse. Entre ce qu’ils ont dit et la réalité, il y a un grand écart. Il n’a jamais été question de kidnapping, encore moins d’enfants ligotés. Hier, en marge de la visite des limiers du commissariat central de Guédiawaye à Thiaroye Gare, EnQuête a pu visiter la chambre où les enfants étaient logés durant les jours qu’ils ont passés chez le vieux Mor Talla Niang. Il s’agit d’une grande pièce spacieuse, avec un matelas, une armoire, 4 fauteuils, un lit et quelques chaises. |
CHEIKH THIAM