Yewwi et Wallu s’expliquent sur leur “coup de génie’’

Les leaders des deux plus grandes coalitions de l’opposition sénégalaise ont donné plus de détails sur leur collaboration de dernière minute, avant le dépôt des parrainages.
Ils n’ont pas chômé, depuis l’annonce de leur collaboration de dernière minute en vue des élections législatives du 31 juillet 2022. Le 8 mai dernier, date d’expiration de la période de dépôt des déclarations de candidature (parrainage), le Sénégal était surpris d’apprendre l’entente entre la coalition Yewwi Askan Wi et la coalition Wallu Sénégal, qui ont décidé d’unir leurs forces pour se positionner de manière stratégique dans les départements. Les nombreux contentieux autour des dépôts des listes et les remous au sein des coalitions n’avaient pas permis de dégager du temps pour s’expliquer sur cette alliance surprenante. Hier, les leaders de l’opposition se sont donné à cœur joie de corriger cette anomalie. Lors d’un point de presse, le mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi a présenté leur stratégie gagnante à travers le lancement de l’intercoalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal.
Selon Déthié Fall, ‘’les statistiques montrent que si nos deux coalitions vont ensemble dans les départements, nous allons rafler 60 des sièges de députés en jeu. Avec cette alliance, nous devrions avoir au moins 100 députés au sortir des élections. Ce qui constituera une majorité inédite à l’Assemblée nationale’’.
Les listes de formations politiques de l’opposition ont été alliées de manière à reposer sur le score respectif des deux coalitions aux élections locales de janvier 2022. Les listes départementales seront dirigées par les vainqueurs de ces élections. Si un candidat de Wallu Sénégal a remporté les Locales dans sa zone, il devient de facto tête de liste. Et vice-versa. Les candidats de Yewwi Askan Wi vainqueurs lors de ces élections mèneront la liste d’entente dans d’autres départements où Wallu Sénégal n’a pas gagné.
Une alliance structurée autour de deux notions : la bannière et la solidarité électorale.
Une des têtes pensantes de l’opposition est le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS). Représentant l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, Mamadou Lamine Thiam ajoute que ‘’cette alliance a surpris tous les acteurs politiques, sauf ceux qui l’ont organisée. Elle a été guidée par un réalisme politique et beaucoup de générosité, car nous sommes tous motivés par l’enjeu de la mise en place d’un mouvement politique irrésistible, à l’assaut du système électoral unique qu’est le ‘raw gaddu’. Elle se structure autour de deux notions : la bannière et la solidarité électorale. La bannière porte la tête de liste et dans chaque liste s’intègrent les investis de l’autre coalition. Cette combinaison libère les têtes de liste et les listes nationales qui peuvent dérouler’’.
La surprise de voir ces deux forces de l’opposition s’allier est bien réelle. Surtout qu’au sein de chaque coalition, les dissidences font légion. Les investitures ont montré, si besoin, que ces compagnonnages tiennent souvent à la position des leaders politiques sur les listes en compétition pour des sièges à l’Assemblée nationale. Mais là aussi, les opposants brandissent l’intérêt supérieur des Sénégalais. C’est ainsi qu’Ousmane Sonko assure que ''nous voulions mettre en place cette coalition à la veille des élections locales. Mais cela n’a pas abouti. On ne peut plus se permettre de ne pas se retrouver autour de l’essentiel. On ne peut pas dire que nous avons les mêmes convictions et les mêmes visions politiques. Donc, notre entente n’a pas été facile. Malgré tout, on a décidé de s’unir. C’est un sacrifice pour le Sénégal. Notre objectif commun est plus important que nos personnes’’.
‘’On ne peut plus se permettre de ne pas se retrouver autour de l’essentiel’’
Pour le leader de la liste nationale de la coalition Yewwi Askan Wi, la question est simple : ‘’Les Sénégalais sont-ils prêts à laisser Macky Sall s’accrocher au pouvoir entre plusieurs années ? Il veut enlever aux Sénégalais la chance d’arriver à une alternance pacifique. Si les Sénégalais veulent éviter que notre gaz ne serve l’Europe sans qu’on en sente l’odeur, que l’on arrête de surfacturer les marchés publics, que la mal-gouvernance cesse dans ce pays, qu’ils donnent la majorité à notre coalition.’’
L’intérêt de cette coalition ne s’arrête pas là. C’est un autre représentant de la coalition Wallu Sénégal qui veut en persuader les Sénégalais. Car, estime Mamadou Lamine Diallo, ‘’il nous faut prendre le contrôle de l’Assemblée nationale, abroger toutes les lois scélérates de l’actuel régime du président Macky Sall pour détruire la démocratie sénégalaise et réaliser une alternance parlementaire avec une Assemblée nationale réconciliée avec les Sénégalais et qui impose à Macky Sall une cohabitation gouvernementale responsable’’.
Battre la coalition Benno Bokk Yaakaar suffit-il comme programme pour régner à l’Assemblée nationale ? Le nouveau maire de Ziguinchor donne rendez-vous dans quelque temps. Le leader du Pastef promet la présentation d’un ‘’programme minimal commun entre Yewwi Askan Wi et Wallu Sénégal pour l’Assemblée nationale’’ dont le but est d’avoir une majorité qui permettra de contrôler réellement l’action du gouvernement.
Sonko veut lancer une précampagne au Fouta
De la vision politique à la réalité, il y a un pas à franchir. Des chiffres partagés par la Conférence des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi au lendemain des élections locales, dévoilaient que les résultats cumulés entre les suffrages obtenus dans les villes et les départements montrent que Benno Bokk Yaakaar a obtenu 41 % des voix, contre 24 % pour Yewwi. ‘’S’il s’agissait d’un scrutin présidentiel, le candidat sortant serait contraint de disputer un second tour’’, se réjouissait Déthié Fall. Sauf qu’avec les élections législatives, la donne est toute autre. Avec le système électoral en place, celui qui arrive premier dans le département remporte tous les sièges de la circonscription. Et lors des dernières élections locales, la mouvance présidentielle a confirmé sa suprématie au plan national avec 38 départements gagnés sur 43. Toutefois, Yewwi n’avait participé que sur 30 départements.
N’empêche, les leaders de l’intercoalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal comptent bientôt lancer une tournée préélectorale qu’Ousmane Sonko prévoit, en ce qui le concerne, de débuter au Fouta.
La conférence de presse des leaders de l’opposition a aussi été l’occasion de réaffirmer leur détermination à organiser une manifestation à la place de la Nation, mercredi prochain, que ‘’rien ne nous empêchera de faire’’. Sur les recours introduits au Conseil constitutionnel sur les différends sur les listes en compétition, le maire de Ziguinchor se veut clair : ‘’On n’est demandeur d’aucune compromission. Nous souhaitons simplement que le droit soit dit. Et dans ce cas de figure, Benno Bokk Yaakaar ne peut pas participer aux élections.’’
Lamine Diouf