Publié le 2 Jul 2012 - 11:33
ANALYSE

Législatives, leurres et lueurs

 

Deux listes pas du tout attendues émergent des urnes, selon les toutes premières tendances disponibles : le Mouvement de la réforme pour le développement social (MRDS) de l'imam Mbaye Niang et le Mouvement citoyen pour la refondation nationale "Bés Du Ñakk" de Serigne Mansour Sy Djamil qui, sauf surprise, devraient se retrouver avec 6 députés. Il ne faudrait sans doute pas exagérer ces résultats pour leur donner une portée qu'ils n'ont pas. Si l'effet surprise procède du fait que beaucoup d'analystes (?) politiques s'attendaient à ce que ces coalitions aux chapelets soient absentes du podium, il reste que la référence aux révolutions arabes ou une lecture qui consacrerait une nouvelle mode barbue au Sénégal est exagérée.

 

Le seul cas de la liste dirigée par Moustapha Sy Djamil, liste qui aura au moins trois députés, suffit pour apporter un bien cinglant démenti aux lectures médiatiquement confortables, mais bien éloignées de la réalité. L'autre Mollah de Fass (à côté de Ahmed Khalifa Niasse) est loin d'être un ''barbu''. Communiste de formation, il a milité activement au Parti africain de l'indépendance (Pai) avant de lancer, avec ses camarades, le Parti de l'indépendance et du travail (Pit). C'est un homme qui a épousé les thèses de Marx, qui a lu Le Capital, même si plus tard, il s'acclimatera aux théories réformistes développées par Jurgën Habermas, un des pères de la théorie du consensus, qui inspire aujourd'hui beaucoup de démocraties occidentales. C'est Serigne Mansour Sy ''Djamil'' qui a initié feu Sémou Pathé Guèye au marxisme-léninisme, tout comme il a recruté beaucoup de jeunes pour les initier aux théories marxistes. Une de ses fréquentations reste aujourd'hui encore Amath Dansokho. Autre élément important, sur la liste de ''Bés Du Ñakk'', on retrouve Hélène Tine, l'ex-porte-parole de l'Alliance des forces de progrès (AFP), de confession chrétienne, deuxième sur la nationale. La voilà assurée d'être député, après avoir été privée de poste dans le gouvernement et écartée du quota de Benno Siggil Sénégal (BSS) de Moustapha Niasse dans la liste BBY.

 

 

Que dire de l'autre liste dirigée, celle du Mouvement de la réforme pour le développement social (MRDS), estampillée ''islamiste''. Si le discours fait référence à la religion et si les deux figures les plus visibles de cette liste portent la même signature que les fondamentalistes, il ne faudrait pas là aussi prendre l'ombre pour la proie. Imam Mbaye Niang qui a participé aux Assises nationales a un discours modéré, alors qu'Oustaz Alioune Sall est un produit médiatique (Sud-Fm) qui a su se tisser un électorat à force de prêches. Que dire encore ? Les deux autres qui restent, celle de Serigne Modou Kara ou encore la liste parrainée par Cheikh Béthio Thioune, le Mouvement patriotique du Sénégal (MPS/Faxas), incarnent un islam plutôt confrérique, assez éloignées des extrémismes qu'on voit dans certains pays arabes. On est donc bien loin du printemps arabe lié surtout à la crise économique qui a frappé de plein fouet la jeunesse de ces pays au point de créer des mouvements sociaux de masse. Des mouvements qui obéissent à des logiques très complexes avec souvent la participation (souterraine) de certains pays occidentaux (effet catalyseur). Une percée ''islamiste'' au Sénégal est donc un trompe-l’œil. Car même si ces coalitions se décidaient à nouer une alliance une fois à l'Assemblée nationale, ils ne pourraient pas constituer un groupe parlementaire qui ne peut être formé, selon la loi, qu'avec un minimum de quinze députés.

 

Par contre, le signal est bien clair pour la Coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY). Car, même si le taux d'abstention de ces Législatives est très élevé (voir article de Momar Dieng), il reste que Macky Sall n'a plus droit à l'échec. Avec plus de 100 députés, donc la majorité absolue, il ne saura désormais évoquer un quelconque blocage politique pour le déroulement du programme pour lequel il a obtenu la confiance des Sénégalais. Et c'est cela qui ouvre des perspectives politiques intéressantes. Car, autant ces Législatives consacrent des surprises avec de nouvelles têtes qui vont siéger à la Place Soweto et l'enterrement en première classe de figures fortes de la politique sénégalaise à l'image de Djibo Kâ, autant les prochaines élections locales sont prometteuses, sous l'angle justement de cette recomposition en marche. Macky Sall aura en effet eu le temps de dérouler. Ça passe ou ça casse ! S'il réussit à imprimer des ruptures majeures en améliorant la situation économique présentement morose du pays, sa Coalition pourrait alors survivre. Sinon, la fronde surgira à l'intérieur même de Benno Bokk Yaakaar, avec peut-être bien Idrissa Seck qui pourrait être un des premiers à déterrer la hache de guerre.

 

MAMOUDOU WANE

 

 

 

 

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