Publié le 28 Sep 2019 - 00:44
ANNIVERSAIRE NAUFRAGE DU JOOLA

Les mêmes doléances…17 ans après

 

A l’an 17 de la commémoration du naufrage du bateau ‘‘Le Joola’’, les familles de victimes demandent que justice soit rendue.

 

Le renflouement du bateau ‘‘le Joola’’ est un vœu longtemps exprimé par les enfants des disparus, jamais exaucé et qui refait surface 17 ans après. Aujourd’hui encore les victimes demandent cet acte à l’Etat du Sénégal qui selon eux pourrait les aider à faire leur deuil. Au cimetière de Mbao à Dakar, plusieurs familles se sont remémorées ces moments douloureux, dans le recueillement sans la présence des autorités gouvernementales. Dénonçant en outre le manque de justice de l’Etat sénégalais, elles comptent interpeller la Cour pénale européenne. ‘’17 ans après, on a toujours une grande insatisfaction par rapport à la gestion du cas du Joola.  Aujourd’hui, il est anormal de se poser certaines questions concernant les orphelins, la justice, le renflouement du bateau. Ce sont des questions qu’on aurait dû dépasser. Ce n’est pas notre préoccupation majeure actuellement. Nous, nous faisons des prières à Ziguinchor, en Gambie, à Dakar à la place du Souvenir, nous avons des cérémonies un peu partout. Que l’Etat apporte son aide ou pas, nous allons le faire’’, se désole Samsidine Aïdara, membre du Collectif des victimes du bateau le Joola.

Une prolongation des allocations demandée

Selon le directeur général de l’Office nationale des pupilles de la nation (Onpn), Mamadou Saliou Diallo, les 722 pupilles qui auront 18 ans l’an prochain, ne bénéficieront plus de l’allocation mensuel de 50 000 F CFA. L’Office qui bénéficie d’un budget de 600 millions de francs CFA continuera cependant la prise en charge sanitaire et pédagogique des enfants des naufragés. C’est face à cette réalité qu’hier ces derniers ont demandé une prolongation de ce soutien financier jusqu’à l’âge de 21 ans. En plus de la révision du décret portant création de l’Onpn qui de leur point de vue, est ‘’plein d’injustices’’ parce qu’ayant écarté bon nombre d’orphelins.

C’est dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002 que le naufrage de ce bateau est survenu au large des côtes gambiennes. Il assurait la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor pour une capacité de 500 passagers. La justice sénégalaise a conclu que seule la responsabilité du commandant de bord disparu dans le naufrage, était engagée. Ainsi l’affaire a été enterrée dès 2003. Les familles des victimes s’étaient alors tournées vers la justice française, car dix-huit Français faisaient partie des victimes. En août 2003, une information judiciaire a été ouverte, en France, pour homicides involontaires. Mais en 2016, la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu que la justice française avait rendu en première instance, en 2014.

Le plaidoyer des enfants des victimes

Les enfants orphelins du « Joola » ont demandé, hier, à Ziguinchor, au Président de la République de retirer leurs papas, mamans et toutes les victimes du chavirement survenu en 2002, de l’eau glaciale de l’océan. Ils ont en outre, dénoncé cette discrimination négative dans leur prise en charge qui exclut de façon volontaire, 900 d’entre eux depuis 17 ans.

26 septembre 2002-26 septembre 2019. Dix-sept longues années  se sont écoulées depuis le chavirement du bateau ‘’Le Joola’’, qui assurait la liaison maritime Dakar-Ziguinchor. Le navire a sombré, quille en l’air, au large des côtes gambiennes avec, à son bord, plus de 2000 âmes. En ce jour commémoratif de l’une des plus grandes catastrophes maritimes du monde, les autorités étatiques, politiques, religieuses et coutumières de la région de Ziguinchor, et les parents des victimes se sont donné rendez-vous hier à la gare maritime de ladite localité pour commémorer ce drame. De ces lieux devenus célèbre depuis ce naufrage, est parti le bateau pour un ultime et macabre voyage.

La particularité de cet anniversaire a véritablement été la prise de parole, pour la première fois, des enfants orphelins qui  se sont adressés directement au président de la République ‘’ Excellence ! Nous commémorons le jour où le bateau ‘’Le Joola’’ a décidé de nous séparer définitivement de nos honorables parents. Un sevrage brutal qui nous condamne à une vie sans affection et sans amour avec des séquelles indélébiles. Une journée noire sans pareille qui nous enferme tous dans les profondeurs de l’atlantique avec le cercueil universel du ‘’Joola’’. Une souffrance à durée indéterminée s’est installée en nous dans un grand cimetière maritime  inaccessible à tous, au milieu de nulle part où nous ne pourrons jamais aller nous recueillir’’,  a déclaré leur  porte-parole Suzanne Diatta. Au chef de l’Etat, ces orphelins réclament justice, renflouement de l’épave et l’organisation d’une journée nationale de deuil.

Les orphelins et pupilles de la nation ont, sur la même veine, demandé au président de la République de ‘’retirer leurs papas, mamans et toutes les victimes de ce drame, de l’eau glaciale de l’océan atlantique’’. En outre, ils dénoncent ce qu’ils considèrent comme une  discrimination dans la prise en charge des pupilles de la nation qui exclut 900 orphelins à travers un décret.

Dans la même veine, ils fustigent les recensements à n’en plus finir des enfants des victimes à chaque veille d’anniversaire de ce drame pour les nourrir avec de faux espoirs. Pour toutes ces raisons, les orphelins du naufrage ont demandé, hier, à Ziguinchor, de manière solennelle, une audience au président de la République pour qu’ils puissent lui parler, de vive voix, des difficultés qu’ils vivent au quotidien en tant que pupilles de la nation. Ils ont profité aussi de la rencontre pour rendre un vibrant hommage aux défunts Moussa Cissokho et Abdourahmane Tine, respectivement anciens président et vice-président de l’Association nationale des parents des victimes du ‘’Joola’’. Ce même hommage avait, auparavant, été rendu par le Maire de Ziguinchor.

‘’La célébration de ce 17ème anniversaire revêt un caractère particulier avec la disparition de Balla Moussa Cissokho, un des farouches défenseurs des familles des victimes, qui s’est investi corps et âmes jusqu’à son dernier souffle pour la prise en charge et la sauvegarde des intérêts des pupilles de la nation et qui a présidé l’association des familles des victimes et rescapés de cette catastrophe unique dans le genre, par son ampleur’’, a déclaré Abdoulaye Baldé. 

A l’occasion, il a demandé au ministre de la Justice qui a conduit la délégation gouvernementale venue assister à cette cérémonie, d’être son interprète auprès du président de la République pour qu’il accorde encore un peu plus d’attention aux pupilles de la nation, mais également pour une accélération des travaux du mémorial ‘’Le Joola’’. Cela, dit-il, afin d’offrir aux parents un lieu de souvenir, de recueillement et de prières, leur garantissant ainsi, la mémoire vivante de leurs proches disparus. Les familles des victimes ont aussi relevé la nécessité de mettre à la disposition du ministre de la Culture tous les moyens, dans les plus brefs délais, devant lui permettre de réaliser le mémorial musée pour que l’année prochaine, elles puissent commémorer le naufrage du ‘’Joola’’ dans l’enceinte dans ce lieu de mémoire.

Outre le renflouement de l’épave, la prise en charge psycho-sociale des parents des victimes, la vérité et la justice sur le naufrage, les familles des victimes ont demandé également l’affection d’une partie des fonds d’indemnisation qui sont encore disponibles au niveau de l’Agence judiciaire de l’Etat. Un fonds de plus d’un milliard. Ce fonds dira  Boubacar Ba, le porte-parole de l’Association nationale des familles des victimes, pourra être destiné à tous les orphelins laissés en rade et pourtant couvert par la loi. Mais également pour la promotion socio-économique des familles des victimes, à travers des projets par le biais du fonds de garantie.

Venu présider la cérémonie commémorative de ce drame, le ministre des Forces armées, Me Sidiki Kaba s’est avant tout d’abord, incliné devant la mémoire de feus Moussa Cissokho et Abdourahmane Tine. Il a par la suite rappelé tous les efforts consentis par l’Etat depuis que ce drame est survenu. Il s’agit, selon lui, du versement de la somme de 10 millions aux familles des victimes qui le désiraient, l’institution du statut  des pupilles de la République et la création de l’Office des pupilles. ‘’Soyez rassurés qu’une attention particulière vous sera accordée’’, a dit le ministre des Forces armées aux orphelins et aux parents des victimes du ‘’Joola’’.

Me Sidiki Kaba de rappeler d’ailleurs que des efforts importants ont été faits en matière d’infrastructure routières dont le plus saillant demeure la construction, par le biais de la coopération avec la République sœur de la Gambie, du pont de fraternité qui consacre la continuité territoriale du Sénégal. S’y ajoute l’acquisition des bateaux Aguène,  Diambone et Aline Sitoé. A l’en croire, l’Etat ne compte pas s’arrêter là. Car des mesures importantes concernant le développement de la région sont intégrées dans le cadre du Programme Sénégal Emergent. Le ministre a rappelé, par ailleurs, le rôle important de veille et d’alerte que chaque citoyen doit jouer pour que la perte de sénégalais et d’étrangers dans le naufrage ne soit pas veine. Il a invité à une  nouvelle posture citoyenne passant par le respect scrupuleux des lois et règlements de la République. Des règles de solidarité mais également de civisme et de citoyenneté active et participative.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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