Publié le 5 Jan 2013 - 04:30
CARTE POSTALE- THILOGNE

 Une ville bâtie par les émigrés

 

Thilogne est de ces villes qui n'attendent pas les autorités politiques pour leur développement. Les populations ont pris leur destin en main et assurent le développement de leur localité. Découverte.

 

On arrive à Thilogne après un minimum de 12h de route en quittant Dakar. Un voyage long et pénible. Thilogne est localisé sur la nationale numéro 2 dans le nord du Sénégal à 631 de la capitale et à 60 km de sa capitale régionale Matam. Les nombreux nids de poule sur l'axe Saint-Louis-Thilogne sont la cause des turpitudes que rencontrent les voyageurs sur ce trajet. A cela s'ajoute un climat peu clément avec une froideur à fendre la peau et de la poussière à volonté. Ce qui ne bloque pas par ailleurs les activités des habitants de cette ville qui se sont habitués à tout cela.

 

Et les 28, 29 et 30 décembre passé, la capitale du Bosséa a reçu la 8e édition du festival international culture et développement de Thilogne. Malgré les températures très basses le soir, l'unique stade de ce bourg qui recevait tous les concerts étaient bondés. Avec une affiche de haute facture, le FESCULD avait gagné le pari de la mobilisation en amont. Baaba Maal a joué à l'ouverture à côté d'Ousmane Hamady Diop et d'autres petits noms de la musique hal pulaar. Place à Alioune Guissé et aux Frères Guissé le lendemain. Abou Diouba Deh a clôturé le dimanche. Ainsi, tous les grands noms de la musique du nord ont joué leur partition lors de ces rencontres culturelles. Thilogne ne compte pas de grands musiciens mais a son ballet ''Les thiaydés''.

 

Par ailleurs, le caractère lointain de cette cité n'en fait pas un patelin. Loin de là. Érigé en commune en 1996, Thilogne a des relents modernes grâce aux fils de la localité. Pour la plupart des immigrés, ces derniers ont beaucoup investi dans leur terroir. Réunis autour de Thilogne association développement (TAD), ils ont injecté un milliard en infrastructures sans compter l'apport des partenaires. TAD a construit des salles de classes, deux écoles primaires, équipé les écoles avec du matériel informatique ou des tables-bancs, fait du lobbying pour que le centre de santé soit érigé en district, équipé des écoles et le dispensaire, et a apporté son apport à hauteur de 70 millions de F Cfa dans la construction du premier lycée de Thilogne.

 

Ce bijou doit être fonctionnel en février 2013 si l’État tient sa promesse de l'équiper. L'état couvre 30% du budget total estimé à 300 millions. D'ailleurs lors de la cérémonie d'ouverture de la 8e édition du FESCULD, le président de TAD, Issa Touré, a exhorté les autorités à tenir leur parole afin que l'échéance arrêtée soit respectée. TAD a aussi construit et financé une école maternelle. ''Tout ce que TAD fait, c'est pour que l'éducation soit de qualité'', a expliqué le vice-président de TAD section Dakar, le Dr Abou Thiam. Toujours selon ce dernier, le projet essentiel de l'association reste pour l'instant l'acquisition d'un hôpital. Requête légitime pour cette ville qui compte 15 000 âmes.

 

 

Ville d'immigrés, Thilogne compte beaucoup de belles maisons. Ici, ce n'est pas l'espace qui manque et les populations en profitent. Elles construisent de grands et beaux bâtiments. A leur grand bénéfice. Le coin ne compte ni hôtel ni auberge. Les invités comme ceux du FESCULD sont logés dans ces bâtisses jolies et modernes un peu nombreuses par ici. Et ce qui fait le charme de ces édifices, c'est qu'ils peuvent être bâtis dans une grande concession et côtoyer dans le même espace des cases en terre battue ou à l'architecture ancienne. Cela renseigne sur le caractère de nouveaux riches des résidents.

 

Même si l'architecture est moderne avec beaucoup de fils du pays à l'étranger, Thilogne n'en demeure pas moins une ville aux réalités bien villageoises. Malgré son statut de commune, le bourg a toujours son chef de village. Le FESCULD a été l'occasion solennelle d'introniser le 20e Ceerno Mollé (marabout protecteur). Baba Racine Ly, né en 1953, est le nouveau marabout protecteur et petit-fils de Ceerno Mollé Mamoudou Aly Racine, premier de sa génération à assumer ce rôle. Il est raconté que Mamoudou Aly Racine serait venu de Mollé, du côté de la Mauritanie, pour s'implanter à Thilogne avec son petit frère Malick Aly Racine qui s'occupait de l'enseignement coranique. C'est ainsi qu'est créée une chambre temporelle et une autre spirituelle.

 

La famille de Malick Aly Racine assure la gestion de la deuxième chambre et procède à l'intronisation du Ceerno Mollé qui vient de la première chambre. Après son intronisation, le Ceerno Mollé a procédé à l'installation de son gouvernement avec un ministre de la Communication appelé Farba Bosséa ou chef des griots, un ministre des Affaires militaires Farba Badine ou chef des guerriers et un ministre de la Diplomatie par ailleurs chef des diawandos. ''Mon rôle est de veiller à la cohésion et à l'unité sociale'', a expliqué Ceerno Mollé Baba Racine Ly. Même érigé en commune avec un maire comme autorité locale, Thilogne tient à son Ceerno Mollé. Ce qui poussa le coordonnateur du comité d'organisation de l'intronisation du Ceerno Mollé à proposer une nouvelle dimension à accorder au Ceerno Mollé. ''Au-delà de l'aspect historique, traditionnel et coutumier, Ceerno Mollé a un grand rôle à jouer dans le développement local et dans la décentralisation ou dans ce que les nouvelles autorités appellent la territorialisation'', a assuré Mouhamadou Nouroudine Ly. ''On ne peut réussir la décentralisation si on ne remet pas en place les pouvoirs coutumiers'', insiste-t-il.

 

 

BIGUÉ BOB

 

 

 

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