Publié le 17 Feb 2015 - 00:25
COMMENTAIRE

La chaise vide, les limites d’une stratégie 

 

Ainsi, Abdoulaye Wade est allé voir son fils Karim à Rebeuss. Une visite maintes fois  annoncée mais  jamais réalisée jusqu'à avant-hier samedi. D’où la surprise et les questions qu’elle charrie. Il faut d’emblée dire que cette démarche ressemble au personnage Wade qui a le sens du timing. Mais surtout, elle vient confirmer cette constante dans les agissements du pape du Sopi : il clignote à gauche, pour tourner à droite. Ainsi, en y allant à ce stade du procès, Me Wade envoie un message polysémique. Il tient à son fils et tient à le faire savoir. L’ex-président se battra jusqu’au bout pour lui.

En outre, si cette visite n’était plus attendue, elle pourrait traduire aussi une lecture lucide des faits. Car, alors que la Crei a sonné la fin des auditions et annoncé le début des plaidoiries pour aujourd’hui, il serait périlleux pour Karim Wade et sa défense de continuer à déserter le temple de Thémis, comme c’est le cas depuis déjà trop longtemps. Il faut le rappeler, le fils de l’ancien chef de l’Etat et ses conseils n’ont pas assisté aux auditions des principaux témoins à charge qui ont fait des révélations très graves, sans pour autant que la contradiction leur soit apportée. Son codétenu Pape Mamadou Pouye a fait ce qu’il a pu, pour tenir la dragée haute à la partie civile. Ainsi, Wade père y est-il allé pour le convaincre de retourner à la Crei et d’abandonner la stratégie de la chaise vide ?

Alors qu’on s’achemine vers ce moment charnière de ce procès, il serait en effet suicidaire de laisser le champ libre aux avocats de l’Etat et au Parquet de la Crei. Car, comme on l’a déjà souligné, au-delà de toutes les autres considérations, il s’est toujours agi d’une bataille de communication, d’une bataille d’opinion, dans ce procès ô combien ‘’politique’’. En plus, c’est basique de dire qu’on ne peut pas gagner une bataille, en fuyant le champ du combat. Sous ce rapport, Karim et Cie ont tout intérêt à aller dire en quoi ils sont étrangers à tout ce qu’on leur reproche. Parce qu’ils ont perdu du terrain, depuis lors. En effet, alors que la défense était bien partie dans ce procès, elle a pris la décision curieuse, voire insensée, de boycotter et réclamer le départ du président Henri Grégoire Diop. Cette stratégie se retourne aujourd’hui contre elle.

Car outre l’équation de retourner à la Crei, sans perdre la face, les conseils et leur client ont perdu une bonne occasion de se confronter à Alboury Ndao concernant le fameux compte de Singapour, vigoureusement contesté par Karim Wade. Aujourd’hui, il est évident que les conseils de Karim Wade ont tout intérêt à aller faire ce qu’ils avaient si bien commencé : brouiller les cartes, construire pour Karim Wade l’image d’une victime et détourner l’opinion de l’essentiel, c'est-à-dire les faits. Ce qui, en soit, s’est révélé comme une bonne stratégie, jusqu’à ce fait de procès (exclusion de Me Amadou Sall et rudoiement du prévenu). Depuis qu’ils ont déserté les audiences, une grande attention a été accordée aux différents témoignages.

Toujours est-il qu’il ne faut surtout pas que la défense de Karim se trompe sur la traque des biens mal acquis : peu importe l’identité du concerné, l’écrasante majorité des Sénégalais est pour la reddition des comptes.  

 

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