Publié le 26 Apr 2023 - 21:57
CONGRÈS PIT, TROISIÈME MANDAT, MONTÉE DES PÉRILS, PRÉSIDENTIELLE...

Samba Sy à cœur ouvert !

 

Le Parti de l’indépendance et du travail (PIT) s’achemine vers un rendez-vous crucial dans sa marche vers la réalisation de ses objectifs. Il compte organiser son Congrès les 29 et 30 avril prochains au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices), avec pour objectif de ‘’se mettre dans l’air du temps sans pour autant se laisser emporter par cette vague qui est torrentielle’’. Dans cet entretien, le chef de file se prononce sur les contours de ce congrès, son agenda, ses objectifs. Il aborde aussi des questions prégnantes telles que leur compagnonnage avec BBY, le troisième mandat, la massification du parti et la sortie d’Idrissa Seck de la majorité présidentielle.

 

Vous organisez votre Congrès les 29 et 30 avril prochains au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices). Quelle pertinence de le tenir maintenant ?

Le Parti de l’indépendance et du travail (PIT) tient, en effet, ses Congrès les 29 et 30 avril 2023. Et nous avons décidé de les tenir pour respecter les échéances. Le dernier Congrès nous l’avons tenu en 2016. Nous sommes en 2023 et avons même débordé par rapport à notre agenda. Nous voulons, par respect pour nos textes et nous-mêmes, tenir ces rencontres à dates régulières. Cela s’explique également par l’exigence de réfléchir sur la vie telle qu’elle se déroule. Un congrès pour un grand parti politique comme le nôtre est un grand moment de réflexion, d’échanges, de choix, d’orientation, mais également un moment de renouvellement des directions et d’évaluation. Que la situation soit complexe devrait être un motif supplémentaire de réunir des instances de cette nature-là pour essayer de trouver des solutions. L’humanité ne se pose que des questions qu’elle peut résoudre. Il est vrai que la situation est extrêmement complexe, mais c’est parce que c’est ainsi que nous avons besoin de nous retrouver et de penser ce contexte et d’afficher un horizon.

Et sous quelle thématique sera-t-il placé ?

Notre congrès sera placé sous le thème suivant : ‘’Édifier un parti rénové toujours au service des travailleurs de la paix civile et du progrès’’. Nous disons ‘’édifier un parti rénové’’ parce qu’il faut forcément s’ajuster, parce que beaucoup de choses ont changé. Il faut se mettre dans l’air du temps sans pour autant se laisser emporter par cette vague qui est torrentielle, c’est-à-dire rester sur les fondamentaux : la défense des travailleurs, l’exigence de préserver ou de conserver la paix civile, de faire de sorte que le progrès soit poursuivi ou amplifié.

Il s’agit, au fond, de s’ajuster sans doute, mais de rester sur nos fondamentaux.

La situation est tendue un peu partout dans le monde. Allez-vous réfléchir sur les voies et moyens à emprunter pour que le pays évite de sombrer, comme c’est le cas chez certains de nos voisins ?

Vous avez raison de mettre l’accent sur cette caractéristique forte des temps modernes. Il y a de l’instabilité un peu partout. Une instabilité qui ne tombe pas du ciel, mais qui est quelque part entretenue ou provoquée pour des enjeux lourds.

Entretenue, provoquée ? Vous pouvez être plus précis ?

Je dis entretenue ou provoquée parce que lorsqu’on regarde bien ce qui est en train de se passer, on peut dire qu’il y a bien une cohérence d’ensemble. Il n’est pas anodin que ce qui se passe dans la sous-région se passe. Il n’est pas anodin que dans un pays comme le nôtre, qu’il y ait des voies qui semblent quelque part concorder et qui brusquement vont dans une certaine direction. Nous sommes, aujourd’hui, rigoureusement parlant, dans le même monde. Mais il y a un jeu d’intérêts qui fait qu’il faut être très attentif à ce qui se fait.

Vous voulez parler du salafisme ?

Il y a le salafisme oui, mais il y a également les forces d’argent qui n’ont pas des armées, mais des intérêts. Notre pays est devenu intéressant sous ce rapport. Plus nous avons les champs du possible s’ouvrent, plus nous courons vers des risques. Et les choses vont très vite. Il est donc extrêmement important que tous les acteurs politiques de notre pays en soient suffisamment informés. Faire de la politique ; c’est être responsable, devoir mesurer l’incidence des choix que nous posons, parce que ce n’est pas anodin. La nature de la politique fait parfois, sans vraiment que les acteurs le veuillent forcément, précipiter le pays ou sa société dans des turpitudes dont il va subir des extrêmes. Nous en sommes à cette étape-là.

Là, vous parlez d’Ousmane Sonko ?

Pas forcément. Ou pas seulement. D’autres acteurs politiques, y compris ceux parfois encagoulés, ressemblent à s’y méprendre à des acteurs politiques qu’on retrouverait dans beaucoup d’autres pays. Il y a une sorte de similitude, mais également de régularité dans le discours et les actions qui méritent qu’on s’y attarde et qu’on fasse attention. Bref, c’est matière à réflexion.

Vous allez donc évoquer ce sujet lors du Congrès ?

Oui. Et nous pensons aussi qu’il faudrait qu’on fasse également attention à l’irruption de nouveaux acteurs qu’on n’avait pas l’habitude de voir. Donc, il faut se demander pourquoi et qu’est-ce qui est en train de se jouer ? Que cette période qui est passablement agitée mérite d’être réfléchie pour que les meilleures décisions soient prises.

Forcément, vous allez alors avoir un traitement spécial pour la question jeune. On a l’impression que la locomotive de ce que vous décriez, ce sont les jeunes dont les perspectives ne sont pas convenablement prises en charge.

Il y a 40 ans, quand nous étions à l’université, nous avions déjà l’impression d’un horizon bouché. Cela ne s’est pas amélioré de manière globale. Effectivement, nous avons énormément de jeunes et ils sont en demande d’emploi, à la recherche de repères. Ces jeunes ont besoin de vivre, d’exister. C’est un problème objectif auquel il faut trouver des solutions. Nous sommes en train de nous y employer, mais il faudrait que ce problème-là soit pris à bras le corps. Mais fondamentalement, il y a de mauvaises solutions et de très mauvaises pistes sur lesquelles ces jeunes peuvent être, disons,  engagés. C’est ce que nous observons. Ce n’est pas en versant dans la violence tous azimuts, qu’elle soit verbale ou physique, que les jeunes vont trouver des solutions à leurs problèmes. Nous faisons face à un problème qui existe et qui est objectif avec évidemment des solutions de très courte vue, qui ne sont pas de vraies solutions en mon sens.

Cette présence massive des jeunes, au-delà des chiffres, nous l’avons tous vécue quand nous avons remporté la Coupe d’Afrique des nations. Beaucoup d’acteurs ont été frappés par la massivité de cette composition-là au niveau de notre population. Cela ne se règle pas par coup de baguette magique. Il faut former ces jeunes, il leur faut de l’emploi et de la culture. Or, nous sommes dans des temps assez farouches, au niveau desquels l’empressement et la rapidité font que des choses fondamentales sont négligées. Évidemment, il y a une responsabilité collective : celle de l’État, celle de la famille qui est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, celle des éducateurs. C’est un problème à prendre en compte, mais en même temps que les jeunes peuvent donner le sentiment de représenter une menace, je crois que nous devons lire leur présence comme étant une opportunité fondamentale. C’est une différence radicale entre des sociétés telles que la nôtre et d’autres sociétés qui ont plutôt vieilli. La jeunesse, c’est l’ardeur, le travail, la force, la vie. Quand on a des jeunes, on devrait pouvoir s’élever, pourvu que l’énergie soit canalisée, investie bonnement.

Vous n’avez pas l’impression que le langage des jeunes est inaudible pour des gens de votre génération ? On a l’impression qu’il y a des incompréhensions, des barrières qui empêchent de s’entendre. Non ?

Je ne sais pas trop. J’ai enseigné longuement pour ma part. Le commerce que j’ai eu avec les générations de jeunes dont j’avais la responsabilité a des relations plutôt bonnes. Je ne pense pas à présent être en rupture avec les jeunes avec lesquels nous commerçons. Mais il est clair que quelque chose a bougé et il y a un lien à rétablir.

D’abord, il faut respecter les jeunes, mais il faut également leur montrer que ce n’est pas l’absence de respect de leur côté qui pourrait évidemment régler leurs problèmes. Ce qu’il faut éviter par-dessus tout, ce sont les fausses solutions. Or, malheureusement, il y a énormément de gens qui simplifient de manière inacceptable les problèmes extrêmement complexes.

Cette forme d’anarchie concerne également l’espace politique avec des ailes contestatrices. Comment comptez-vous prendre en compte ce problème au niveau de votre parti ? Certains ne sont plus d’accord quant à la poursuite de votre alliance avec le président Macky Sall.

Quand on est dans une organisation politique telle qu’un parti ou même une organisation quelle qu’elle soit, cela veut dire qu’on a renoncé à une partie de sa liberté. On ne peut pas être dans un collectif et dire ‘’j’agis à ma guise’’. Un collectif est régi par des textes, des règles. Je crois que le fait de décider au fond que nous nous laissons guider par la décision majoritaire est une solution de bon sens,  sinon il n’y a pas de vie sociale commune. Si chacun de nous dit être dans le groupe et le collectif, mais devrai-je être seul pour agir selon ma gouverne. Évidemment, c’est choisir de se mettre en dehors. Nous sommes à des temps paradoxaux où l’on peut être tout seul ou n’avoir que deux pelés ou trois tondus qui vous accompagnent et faire comme si vous étiez au fond de tout. Les partis ont la capacité de faire enfler les discours et de laisser penser que le ciel va tomber sur la tête. Je crois qu’il faut qu’on rétablisse les fondamentaux, qu’on restaure la discipline, qu’on accepte de débattre. Une fois que le débat est posé, que chacun accepte finalement parce que c’est la condition de pouvoir aller ensemble que c’est l’opinion la plus partagée qui devient la référence. C’est une vieille règle, mais c’est cela la démocratie.

Mais est-ce que ces problèmes seront posés sur la table ?

Le congrès est souverain. Je pense qu’un congrès, c’est d’abord une occasion de réfléchir sur l’orientation, de faire un bilan et de jauger ce qui a été par les uns et les autres. C’est une tradition chez nous et il ne faut pas avoir peur du débat, de sa vivacité. Au contraire, il est salutaire. Ce qui est mauvais, par contre, c’est le déporter ou de sortir des cadres dédiés pour essayer de faire mal. Je crois qu’il est regrettable que, par moments, que ce soit dans notre parti ou dans d’autres formations politiques, qu’il y ait des camarades qui se comportent comme s’ils étaient davantage hostiles à l’organisation commune qu’à d’autres organisations. Je pense qu’il y a des choses à restaurer. Le congrès devrait pouvoir observer ce genre de pratique et rappeler tout le monde à la conduite normale.

Le Congrès du PIT prendra-t-il en compte la question très sensible du troisième mandat ?

Au lieu de prendre seulement en charge la question de la troisième candidature à un mandat présidentiel, c’est celle même de la Présidentielle que le PIT va prendre en charge. Dans d’autres organisations, c’est le congrès qui est souverain pour décider des questions de Présidentielle. Que va faire le PIT ? Quels seront ses choix ? Comment lire ce qui est en train de se passer ? Quels sont les enjeux ? Je crois que ces questions-là vont se poser et devront être traitées. Je voudrais ajouter que pour le Parti de l’indépendance et du travail, la recherche ou la quête même du pouvoir n’a jamais été une fin en soi. Chaque fois que quelqu’un lève la main pour dire ‘’oui, j’ai la prétention de diriger’’, la question que nous lui posons est ‘’oui, vous avez le droit peut-être de prétendre diriger, mais c’est pour quoi faire ? Comment comptez-vous diriger ? Quels sont les moyens que vous comptez mettre en œuvre ?’’. Nous avons parlé de la complexité du monde et des temps présents. Je crois que l’exigence minimale à faire à toute personne qui ferait velléité de conduire la destinée de notre Nation, c’est de lui demander ce qu’il veut en faire et avec quels instruments. Notre congrès réfléchira sur la Présidentielle de 2024.

Le PIT pourrait présenter un candidat ?

Il n’y a aucune hypothèse que nous devrions écarter d’emblée. Je crois que le congrès est souverain. Maintenant, il faudra regarder les choses tranquillement, les analyser sereinement, lire les lignes de force, voir les champs du possible. Tout cela fait, on saura quel choix faire.

Vous êtes dans le gouvernement, membre actif de Benno Bokk Yaakaar. Ne craignez-vous pas que cela bride votre congrès ?

Que nous soyons dans ce gouvernement, c’est un fait. Que nous ayons été dans le gouvernement depuis 2012, c’est objectif. Mais il ne faut jamais perdre de vue les raisons pour lesquelles nous sommes dans le gouvernement. Le fait que nous ayons même construit un pôle et que nous le conservions n’est pas anodin en soi. Tout cela correspond à une philosophie vieille de plusieurs décennies. On se pose la problématique de savoir quelles sont les tâches de l’heure, les forces disponibles pour la prise en charge de ces tâches-là et comment les agréger. Au fond, c’est une stratégie qui a été la nôtre pendant longtemps. Donc, il n’y a pas à renier quoi que ce soit de ce point de vue-là.

Mon point de vue en tant que militant du PIT, si ç’a été une exigence dans le temps, ça l’est encore davantage au vu des paramètres dont nous avons fait état.

Donc, la réflexion est ouverte ?

Oui.

Le PIT est un parti qui a une tradition de réseautage. C’est un parti qui n’est pas dans la massivité pour autant. Avez-vous une politique pour massifier votre parti ?

C’est une exigence des temps modernes, parce que maintenant, ce qui permet l’accès au pouvoir, c’est le suffrage. Ce sont des hommes et des femmes qui élisent. Donc, cette volonté de faire venir des gens est là et nous en faisons venir. Elle est là et il faut la conforter. Mais en même temps, il faut être attentif au fait de ne pas céder à l’ère du temps. Il y a des organisations massives, mais cette massivité sert à quoi fondamentalement ? Ce que nous voulons, c’est d’améliorer notre société en la transformant radicalement. On fait cela avec des êtres humains. Mais le souci c’est de ne pas, en recherchant à ne pas ramener à soi beaucoup de monde, de se laisser transformer par les gens. C’est dire qu’il y a une double exigence quelque part : celle d’avoir une ligne et un horizon et de garder le cap ; celle de faire cela avec des gens en veillant à ce que leur entrée massive ne détourne pas la voie que nous pensons être bonne. À l’analyse, est-ce que la manière de faire de la politique aujourd’hui dans notre pays est bonne, globalement parlant, ou est-ce qu’elle est à améliorer ? Si oui, c’est la responsabilité des partis politiques. Mais si nous continuons à cultiver certaines pratiques est-ce que nous gagnons au change ?

Mais on risque bien de vous reprocher d’être dans une sorte d’archaïsme ?

Ce serait à tort. Le thème de notre congrès c’est ‘’Édifier un parti rénové…’’. Nous gardons le cap et l’une des questions que nous devons nous poser et à laquelle nous devons apporter une réponse c’est comment être marxiste en ce siècle-ci : siècle de la robotique, de l’intelligence artificielle, de beaucoup de choses. Il faut que nous nous interrogions. Je vous assure que notre ambition d’être le plus moderne est incontestable. Nous pensons malgré tout qu’il faut que nous agissions pour qu’il y ait plus de justice, davantage de liberté, etc. C’est cela qu’il faut mettre ensemble. Ce n’est pas simple, je le concède, mais ce n’est pas archaïque de dire qu’il y a quelque chose à rectifier dans ce qui se fait. Avons-nous gagné au change dans notre manière de faire de la politique aujourd’hui ? Je parle à un niveau d’ensemble. On peut se poser cette question-là, évidemment. Honnêtement, ne sommes-nous pas un peu nostalgiques d’une certaine pratique en lieu et place de ce qu’on voit aujourd’hui et qui tourne autour de l’anathème, de la violence, des menaces, etc. Il faut qu’on voie ce qu’on a gagné et ce qu’on a perdu.

Amath Dansokho avait l’habitude de dire dans ses interviews que de nouvelles forces arrivent et qu’elles vont tout dégager. Finalement, il a eu raison.

Oui. Je pense qu’il ne faut pas faire la politique de l’autruche. Ce n’est pas parce qu’on ferme les yeux que les problèmes vont disparaître. Au contraire ! Il faut les analyser rigoureusement parlant et les affronter. Nous ne nous sommes pas seuls, ici, sur le continent. Et même parmi nous, il y a des choix que nous jugeons absolument réactionnaires. Ces derniers risquent de nous amener dans des convictions qui risquent d’être préjudiciables à toute notre société. Il y a des choix qui ne sont pas des nôtres en tant que Sénégalais. Nous avons, pour revenir à la question religieuse, l’islam apaisé, un islam de civilité qui fait qu’on tolère l’autre, on ne prête pas attention au fait que ce qu’on appelle projet pour certains, comporte des élans qui, si on laisse prospérer, risquent d’être assez fâcheux. C’est objectif. Il y a d’autres perspectives. Nous sommes un pays qui, du point de vue de son statut, va un tout petit peu changer. Nous avons quelques ressources maintenant et c’est une question de mois pour que nous y touchions. Nous sommes dans un monde qui est combiné avec des dangers autour des ressources énergétiques qu’il ne faut pas minorer. L’un dans l’autre, sans avoir peur, nous devons à tout moment être assez vigilants.

Par rapport à Benno Bokk Yaakaar qui est traversé par de semi-tempêtes, avez-vous l’impression d’avoir une coalition qui est désuète ?

Que nous ayons une structure où toutes les personnes, les forces qui ont un certain sens de la République, une conception de la vie commune pourraient se retrouver, cela ne peut être qu’une chose profitable. Benno Bokk Yaakaar, en tant que coalition, n’a jamais été fermée. À un certain moment, la notion même de Benno Bokk Yaakaar n’était pas très utilisée. On disait soit Benno Bokk Yaakaar et la majorité présidentielle parce que d’autres forces étaient venues s’ajouter sans pour autant être de Benno. Nous sommes à la veille d’une échéance et forcément cela va avoir une incidence sur toutes les compositions. Il va y avoir du mouvement.

Pour vous, c’est normal qu’Idrissa Seck bouge, qu’il déclare sa candidature ?

Qu’il ait des ambitions, cela peut se comprendre. C’est absolument légitime. Mais, quelles que soient les ambitions que nous pourrons avoir les uns et les autres, il ne faudrait pas oublier les réalités de notre pays. C’est le pays qu’il faut préserver. Nous pouvons avoir des ambitions politiques de gouvernance et autres parce que notre pays existe et présente une certaine dose de stabilité. Si nous le désagrégeons, si nous le laissons errer, etc., je vous assure que nous risquons de plus avoir le temps de compétir économiquement parlant. Voilà ce qui devrait être un plan autour duquel nous devrions tous conserver. Évidemment, cela n’est pas antinomique avec le fait de dire je veux ceci ou je prétends à cela. Mais il ne faut jamais, jamais perdre de vue l’essentiel. L’essentiel, c’est le Sénégal.

Vous pensez que Benno est en mesure de survivre à ce tumulte ?

Je ne suis pas capable de dire ce qui va se passer. J’observe ce qui va se passer, mais je pense que nous avons des hommes et des femmes assez avertis. Je crois que beaucoup d’entre nous sont amoureux de ce pays qui est le nôtre. Je suis d’un naturel relativement optimiste et je pense que l’humanité ne se pose que les problèmes qu’elle peut résoudre. En posant les problèmes très clairement, nous devrions trouver une solution, la meilleure au vu de l’étape que nous sommes en train de traverser en évitant les raccourcis.

Vous suivez ce qui se passe en France et dans le reste du monde. On remarque que le mouvement ouvrier s’essouffle.  On a l’impression que gagner des luttes est devenu plus difficile qu’avant.

C’est vrai qu’il y a une complexité. Est-ce que le monde se porte mieux ? Peut-être que le monde se porte mieux du point de vue des conquêtes et des avancées technologiques, que globalement il y a un mieux-être. Mais il y a beaucoup de problèmes. Les agressions sont nombreuses et c’est au moment où cela se passe que finalement toutes les forces de progrès, celle communistes et socialistes, semblent perdre de leur sens d’aller de l’avant. Il y a là une sorte de paradoxe. C’est effrayant de voir combien les détachements d’ouvriers, de simples gens, vont se jeter dans les bras du Front national. C’est un problème. Ce n’est pas très loin de ce qui se passe ici. Nous avons des forces absolument réactionnaires qui semblent pourtant engranger des voix et il y a une sorte de méprise qui est en train de se passer. Le rôle des sœurs qui ont à cœur de défendre la justice sociale, les travailleurs et de faire de sorte qu’il y ait des progrès qui soient le mieux partagés possible est un rôle d’édification, d’explication pour que la confusion ne se crée pas.

Pour un lecteur d’évolution historique, il y a des moments d’hésitation comme celui-là qui ne doivent pas faire douter. Ce sont des moments de refus et il faut continuer à aller de l’avant, à se battre. Je crois que l’explication et surtout le travail de formation, y compris au sein des partis, doivent être absolument revus pour qu’il y ait moins de confusion.

Nous sommes l’une des rares formations à organiser encore quelques conférences y compris d’ailleurs des conférences de presse. Je suis très surpris de voir que de plus en plus, vous-mêmes les journalistes, vous êtes sevrés de conférences de presse de la part des gens qui font des points de presse. Je ne parle pas des conférences publiques où l’on confronte des points de vue. Il y a des errances auxquelles il faut mettre fin très rapidement.

Le PIT compte y mettre fin à son niveau ?

Nous pensons que nos camarades ont une très grande responsabilité parce que le temps qui passe nous arrache malheureusement beaucoup de compétences, de sommités. Il faut que nous nous formions, imposions une exigence pour investir les grosses questions de l’heure. Je suis sidéré quand j’entends certaines personnes dire par rapport à certains problèmes il n’y a qu’à… On considère que les choses sont simples, qu’elles peuvent être réglées en un tour de bras. Le monde est dans une complexité telle qu’il faut beaucoup de profondeur. Il faut que les hommes acceptent d’aller à la conquête du savoir pour essayer de trouver des solutions les meilleures aux problèmes que nous rencontrons.

Est-ce qu’il y a quelque chose de prévu pour les anciens du parti, pour préserver leur mémoire ?

L’une des meilleures manières de préserver la mémoire de nos camarades dont la dernière disparition est celle d’Ibrahima Sène, c’est d’abord de préserver le legs, continuer à porter le fardeau et à aller de l’avant, continuer à investir pour davantage de justice sociale, de liberté. Je pense que pour préserver notre pays nous devons continuer cela. Maintenant, le congrès va connaître certainement un moment où nous allons nous incliner sur la mémoire de ces disparus, parce que ces derniers temps ont été assez rudes. Amath est parti, Sène vient de le faire. Avant eux, il y a eu Sémou et bien avant tout cela Seydou. Ce sont de grandes figures qui sont parties en restant. J’ai été assez attentif aux réactions qui sont venues de partout et dernièrement aussi pour saluer la mémoire d’Ibrahima Sène. On se rend compte de l’utilité sociale qu’Ibrahima a eue. On découvre nous-mêmes qui sont ses camarades. Nous découvrons des choses qu’ils faisaient dans la discrétion la plus absolue, des choses qui font que sa pratique sociale coïncide avec l’idéal dont il se réclamait. C’est tout bonheur qu’il est venu comme ça et nous méritons en tout cas d’avoir quelques reconnaissances de ce genre de la part de compatriotes et nous aurons certainement cela au moment de saluer la mémoire de ces disparus au cours du congrès.

M.Wane

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