Publié le 19 Apr 2012 - 10:51
CONTRIBUTION

Welcome, President Mc Key

 

J’ai vu Me Wade vous remettre une clef lors de la cérémonie de passation de pouvoir mais je percevais à travers ses mains, celles de ces foules immenses en délire, scandant votre nom avec enthousiasme dans les rues de Matam, Saint-Louis, Thiès, Dakar, Fatick, Kaolack et Ziguinchor et chantant en chœur, soulagés, la mort et l’enterrement sur la place publique du dinosaure. Malgré la poussière et les marques de pauvreté visibles sur les visages, elles étaient magnifiques et éclatantes de beauté dans leur euphorie, leurs pas de danse magiques et leurs sourires rayonnants de bonheur.

 

Ce sont ces foules pleines de joie et d’espoir retrouvé, qui vous confient la destinée de la nation en vous tendant la clef de la maison commune dans laquelle elles aspirent à vivre ensemble en harmonie dans la paix, la stabilité, le progrès économique et social. Elles vous ont choisi parmi plusieurs prétendants pour gérer les biens communs dans le respect des règles édictées de commun accord. Vous avez réveillé en eux un nouvel espoir de vie meilleure. Ouvrez- leur les portes du paradis terrestre.

 

«Gorgui déé na. Suul leen ko» (NDLR : Le Vieux est mort, enterrez-le) : voilà le message délivré dans l’allégresse. Elles veulent tourner définitivement la page Wade qui n’a pas été un bon chef de famille : la nourriture, l’emploi et les services sociaux de base ont manqué, les promesses non tenues, la constitution violée de façon répétée, les institutions affaiblies et discréditées, le mode de gestion de l’Etat patrimonial et les méthodes de règlement des divergences d’opinion violentes et meurtrières.

 

 

«Wade, le prestidigitateur»

 

Le bataillon de chômeurs s’est enrichi chaque année de plus de cent mille nouvelles recrues pendant que les travailleurs se sont appauvris avec les hausses répétées des prix des produits de consommation courante (pain, sucre, lait en poudre, huile, tomate, riz, gaz butane, gasoil, essence et électricité) à des rythmes plus élevés que ceux des augmentations de salaires. Parallèlement, les grèves se sont multipliées dans l’enseignement et certaines maladies contagieuses comme la lèpre, le choléra, la tuberculose et la méningite ont refait surface dans la santé.

 

Au même moment pourtant, WADE avait tout promis pour accéder au pouvoir et le peuple confiant et rassuré lui a tout donné mais son espoir et sa confiance seront trahis. Lorsqu’il a été plébiscité en 2000 par une population enthousiaste, il s’était engagé à faire la cure d’amaigrissement d’un Etat obèse pour mieux porter secours à une population squelettique de pauvreté. Mais pendant ses 2 mandats, il va plus se préoccuper de son fauteuil en jouant avec les institutions et lois constitutionnelles comme un enfant fait avec ses jouets. Tels des tours de passe-passe d’un prestidigitateur, le nombre de députés est réduit puis raugmenté, le Conseil économique et social et le Sénat supprimés puis ressuscités, le nombre de ministres du gouvernement, de conseillers, de ministres-conseillers, d’agences et d’ambassades croissent de façon exponentielle. Les institutions sont défigurées, dépecées, désossées, contrôlées et braquées contre les citoyens qu’elles sont sensées servir, suscitant colère et mouvements de rue. La menace, l’intimidation, la corruption, la délation, la bastonnade, l’arrestation, et l’emprisonnement sont érigés en système de règlement des contradictions. Le système de gouvernance autocratique a reposé sur l’exclusion, le népotisme, le clientélisme, le favoritisme, l’injustice, l’impunité, la corruption, la concussion, la malversation, l’accaparement, les discriminations confrérique, ethnique et territoriale.

 

A présent que vous tenez le gouvernail, redressez le navire qui tangue pour nous guider en bon timonier vers le Cap de l’espérance et de la prospérité. Partez des acquis, que vous pouvez légitimement revendiquer, mais réalisez les grandes ruptures pour poursuivre le processus de consolidation de l’Etat de droit et de transformation qualitative des structures économiques et sociales qui est rêvé et soutenu depuis 2000 par toutes les forces citoyennes mais dévoyé par Wade.

 

Vos débuts sont déjà prometteurs car vous venez de susciter par vos engagements et vos premiers actes posés, un immense espoir de lendemains meilleurs : d’abord vous avez respecté vos promesses de campagne en diminuant la taille du gouvernement et en étant disposé à réduire la durée de votre mandat tout en verrouillant la constitution sur la limitation du nombre de mandats à deux ; ensuite vous vous êtes engagé à rompre avec les anciennes méthodes de gestion institutionnelle et économique de l’Etat ; enfin vous promettez de lutter contre l’impunité, les trafics d’influence, les passes droits, la corruption, la concussion, l’arrogance et les lourdeurs administratives.

 

 

«Prêts à vous accompagner si...»

 

Nous sommes prêts à vous accompagner et à vous soutenir de façon indéfectible ; à être et à rester à vos cotés ou plutôt devant vous, pour servir de bouclier et de cordon de sécurité mais si et seulement si, Président : vous accomplissez vos promesses et respectez vos engagements ; vous êtes chaque jour plus proche des citoyens, plus disposé à l’écoute et plus ouvert au dialogue ; vous redorez le blason des hommes politiques dont les pratiques dégradantes de la plupart d’entre eux, ont créé la méfiance et installé le doute sur leur capacité à gérer les affaires publiques de façon sincère et intègre ; vous enracinez la démocratie en ancrant un mode de gouvernement par lequel la souveraineté appartient à la majorité citoyenne et non à une coterie de déprédateurs qui s’arrogent le pouvoir pour piller les ressources publiques et brader le patrimoine national ; vous protégez les faibles contre l’arbitraire et l’injustice et pourchassez les rapaces qui mangent à tous les râteliers ; vous laissez les citoyens exercer leurs droits et leurs libertés garantis par la constitution sans faire recours à la violence. Leur soumission à l’autorité de l’Etat est nécessaire pour la stabilité et la cohésion sociale mais le pouvoir peut obtenir une obéissance volontaire sans user de force si son action est juste, impartiale et respectueuse de la volonté générale, des lois établies et des libertés fondamentales.

 

En agissant ainsi, votre légitimité sera chaque jour plus renforcée, votre popularité croissante et votre parcours contraire à celui de votre prédécesseur qui a connu en douze ans de règne, tour à tour, la popularité et le rejet, la gloire et la déchéance.

 

Good luck, Président.

 

Abdoulaye Badiane

Professeur au L.SLL

abadja2@yahoo.fr

 

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