Publié le 6 Jul 2012 - 12:28
DÉCRYPTAGE

Les clefs d'une nouvelle recomposition

 

119 sièges sur les 150 que compte l'Assemblée pour la Coalition Benno Bokk Yaakaar. Le Parti démocratique sénégalais (Pds), après 12 ans au pouvoir n'a pu décrocher que 12 sièges alors que Bokk Gis-Gis, malgré les grandes ambitions qu'elle nourrissait, en termes de recomposition du camp libéral, n'a réussi à avoir que quatre députés, exactement le même score que la Coalition dirigée par Serigne Mansour Sy Djamil et Hélène Tine, ancienne de l'AFP. Une première lecture de ces résultats confirme la suprématie de Benno Bokk Yaakaar (BBY). Car avec une si écrasante majorité, elle arrive de très loin en tête. Benno Siggil Senegaal (BSS) qui s'était donc fondue dans la nouvelle coalition plus large au point de lui prêter sa dénomination, se taille une part de lion. Conclusion hâtive : Macky Sall est pris en étau, pour ne pas dire en otage par ses alliés sans lesquels on ne saurait disposer d'une majorité qualifiée pour faire voter ses lois à l'Assemblée nationale.

 

En réalité, une telle interprétation des faits qui se donnent à lire méconnaît la réalité complexe du jeu politique sénégalais : la transhumance. Il n'y a pas un noyau dur Benno Siggil Senegaal dans Benno Bokk Yaakaar. Serait-on dans un tel cas de figure que la première coalition nommée n'aurait pas éclaté à la présidentielle de 2012 au point de sécréter deux sous-coalitions avec toutes les conséquences politiques que cela a impliquées, notamment la création de conditions favorables à la percée de Macky Sall au premier tour, devant Niasse et Tanor. Deuxième réalité qu'il ne faut pas perdre de vue, le fil d'Ariane de toutes les manœuvres politiques au Sénégal tournent autour de la transhumance. Si beaucoup de départements sont tombés, dont celui bien symbolique de Dagana, c'est justement parce que des débauchages, même en douceur, ont été enregistrés. Les directeurs généraux laissés en poste, dont ceux de la Sicap et de la Sones, ont discrètement battu campagne pour Macky Sall. Aujourd'hui que les Législatives sont pliées, on ne voit pas pourquoi cette pratique devrait s'arrêter. Dans les circonstances actuelles, Macky Sall peut bien provoquer une vague de ralliements des députés de Benno Bokk Yaakaar (BBY) dans les rangs de son parti sans que cela n'ébranle cette coalition. En effet, élus sous la bannière BBY, ces députés ne perdraient pas leur mandat, puisqu'ils ne quittent pas la Coalition sous les couleurs de laquelle ils ont été élus. L'article 60 de la Constitution est à ce titre d'une remarquable clarté : ''Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat''. Or, en l'espèce, le député ne démissionne pas de la Coalition qui l'a porté à l'Assemblée nationale. Ce qui protège ipso facto son mandat.

 

C'est sans doute là le vrai boulevard qui s'offre à Macky Sall. Il peut bien débaucher à souhait au Parti socialiste, à l'Alliance des forces de progrès (Afp), etc., pour massifier son parti et neutraliser à partir de l'Assemblée nationale ceux-là qui sont présentés comme les sentinelles des Assises nationales. Rien donc ne s'oppose à cela si ce n'est l'éthique ou la galanterie qui n'ont jamais constitué une pesanteur pour nos hommes politiques. Enfin, il ne faut jamais ignorer que Macky Sall, en tant que Président d'un pouvoir ultra présidentiel, qui nomme à tous les emplois civils et militaires, peut à tout moment faire quitter un député de l'Assemblée nationale. Il lui suffit de proposer un bon poste de Directeur général dans une société nationale pour être assuré que son offre sera acceptée. Nos ''bons'' députés du peuple préfèrent toujours disposer de leurs propres caisses, carburant, postes et autres sinécures à distribuer, aux avantages certes importants dont jouissent les élus du peuple. Et que dire des possibilités d'alliances stratégiques avec les coalitions dirigées par Serigne Mansour Sy Djamil ou Imam Mbaye Niang, déjà ministre-conseiller à la Présidence de la République ? Sans doute que Me Abdoulaye Wade perçoit cette nouvelle architecture des rapports de force qu'il compte lui aussi jouer sa carte.

 

C'est dire que la recomposition qui s'annonce sera fort intéressante. Sans savoir dans quelle direction elle va aller, on peut bien dire, contrairement à une opinion qui a tendance à se répandre, que Macky Sall n'est pas si mal servi que cela.

 

Mamoudou Wane

 

 

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