Publié le 13 Jul 2020 - 21:52
DOMAINE DE BABACAR NGOM A NDINGLER

Le vigile braque son pistolet sur quatre parlementaires

 

Quatre députés ont eu maille à partir avec un vigile armé, dans le domaine du milliardaire Babacar Ngom à Ndingler. Celui-ci a pointé son arme sur eux et les a sommés de vider les lieux. Ils étaient partis sur le terrain constater de visu la situation afin de tenter une médiation entre les deux parties. La députée Mama Diarra Fam raconte par le menu l’incident.

 

‘’Ce matin, comme tous les jours, en bons parlementaires, on est parti s'enquérir de la situation qui prévaut à Ndingler, rencontrer les populations, pour ensuite rencontrer Babacar Ngom, afin de faire une médiation entre les deux parties. Arrivés sur les lieux, on n’a vu presque personne. A un moment donné, un gars est sorti et m'a demandé : ‘Madame, qui êtes-vous ?’ J’ai répondu : ‘Monsieur, nous sommes des députés.’ C'est là que j'ai sorti ma carte professionnelle pour lui dire que nous sommes venus voir le terrain dont on parle partout dans le pays. Et puisque nous avons déjà vu le terrain, nous allons retourner à Dakar pour essayer de voir Babacar Ngom. Il s'est retourné pour aller dans un hangar où on dit que c’est les vigiles qui y sont. Le député Abdou Aziz Diop était au téléphone.

‘’Quelques minutes plus tard, le gars est sorti et s'est dirigé directement vers lui. Nous autres étions à l'écart avec les honorables députés Mamadou Diop Decroix et Mor Kane pour discuter d'éventuelles solutions à apporter à la situation, quand j'ai vu l'homme interpeller Abdou Aziz et marcher vers lui, alors que ce dernier tentait de s'expliquer. Puis, il a sorti son arme pour le faire sortir du terrain, en le tenant par la main gauche pendant qu'il tenait encore son téléphone qu'il utilisait pour discuter avec une connaissance qui maîtrise le dossier.

J'ai couru vers eux pour expliquer au vigile qu'il n'avait aucune raison de pointer son arme sur un député qui vient faire son travail. J'ai même touché l'arme et je sais que c'est une arme en fer. Donc, si au Sénégal, même un vigile gardant juste des terres qui sont dans une situation de litige, se permet d'avoir une arme sur lui ? Alors là, il y a des interrogations à se poser. Parce que je ne pense pas que c'est monsieur Babacar Ngom qui a fourni cette arme au vigile pour tirer sur les populations. Ça ressemble à ça, parce qu'il y a la peur qui règne dans ce village. Aucun villageois n'était sur le terrain.

Donc, les populations ont même peur d'entrer dans leur propre village. Dans un pays qui marche normalement, dans une démocratie, il est temps que le président et le ministre des Forces armées se ressaisissent, parce que ça, c'est jouer avec la conscience des autres. Cette arme n'était pas destinée à Abdou Aziz Diop, ni à Mamadou Diop Decroix ni à Mor Kane, encore moins à Mame Diarra Fam. Mais cette arme est bel et bien destinée à la population de Ndingler. Nous sommes passés à la brigade de la gendarmerie de Mbour pour faire une déposition et leur dire de prendre les dispositions nécessaires. Ça ne doit pas être étouffé. Nous avons laissé à Ndingler une population qui est dans une peur bleue, parce que dans ces champs-là, il y a des hommes armés. Ce qui est anormal.’’

300 HECTARES DE DJILAKH-NDINGLER

La réponse de Djilakh à Babacar Ngom.

Opposé à Babacar Ngom dans un litige foncier de 300 hectares, les jeunes du village de Djilakh ont battu le macadam, hier, pour réclamer au PDG de Sedima la restitution de leurs terres. Point par point, ils ont battu en brèche les allégations avancées par le milliardaire, vendredi dernier.

IDRISSA AMINATA NIANG

En conférence de presse vendredi dernier, le PDG de Sedima avait essayé de justifier sa légitimité sur les terres qui l'opposent aux villages de Ndingler et de Djilakh. Ainsi, Babacar Ngom avait déclaré qu'il a indemnisé les populations concernées, fait construire des routes pour désenclaver le village, fait venir de l'électricité dans le village, entre autres allégations. Arguments que les jeunes du village de Djilakh ont balayés, hier, d'un revers de main, lors d’une marche. 

Point par point, Djibril Sène et les villageois de Djilakh ont démonté tout l'argumentaire de l'homme d'affaires. D'abord, concernant la construction des routes pour le désenclavement de leur village, les jeunes ont scandé à l'unisson que ce sont de fausses allégations. "Il a parlé de construction de routes ; c'est faux et cela n’existe pas. Vous-mêmes, vous pouvez le constater. Ici à Djilakh, il n’y a aucune route que Babacar Ngom a construite", a martelé le coordonnateur du Collectif pour la défense des intérêts de Djilakh. Djibril Sène précise : "Quelle que soit la route que l’Etat du Sénégal pourrait construire ici, si ce n’est pas la route qui vient de Mbour en passant par Fandane, Takhoum, Djilakh, Tassette et Thiès, ça ne nous concerne pas. Quel que soit le projet, cela ne nous concerne pas."

Poursuivant ses démentis, il déclare : "Concernant l’électricité, vous avez vu de vous-mêmes. Ça, ce sont des poteaux qui ont été installés ici depuis 2018. Ils ont attendu 2019 pour nous faire des fils et jusqu’à présent, au moment où nous parlons, il n’y a pas d’électricité." Dans ce sillage, poursuit le coordonnateur, "nous avons l’impression que le président Macky Sall a complètement tourné le dos à la jeunesse de Djilakh. Depuis 1960, Djilakh réclame une route. Jusqu’à présent, nous n’avons pas cette route. Il n'y a pas d’électricité, il n’y a pas d’adduction d’eau". Le porte-parole d’ajouter : "Concernant ce point sur l'eau, nous avons été livrés à un privé qui vend le mètre-cube à 275 F CFA. Donc, nous avons des factures 10 fois plus chères que les factures d’eau de Mbour ou de Dakar, alors qu’il y a des forages ici. Aujourd’hui, il prend nos 300 hectares qu’il donne à un prédateur foncier. C’est injuste", fustige-t-il.

‘’S’il n'y avait pas occupation, pourquoi indemniser ?’’

Sur la même lancée, il nie catégoriquement tout dédommagement et indemnisation des populations pour l'obtention des 225 ha de terres dans leur village. "Que ça soit très clair : il n’a indemnisé personne’’, affirme Djibril Sène. Qui note d'ailleurs une contradiction dans les déclarations de Babacar Ngom. "Il dit qu’il a trouvé cette forêt intacte ; c’est lui qui l'a débroussaillée, que c'est lui qui a tracé tous les arbres et il retourne pour dire qu’il a indemnisé et dédommagé. C’est contradictoire. S’il n'y avait pas occupation, pourquoi indemniser ? Qui a-t-il dédommagé ? Qui ? Donc, il y a des non-dits", souligne le coordonnateur. Avant de porter l’estocade : "Les 30 millions qu’il brandit comme indemnisation, ce sont les frais de bornage. On lui a donné une délibération de 300 hectares. La commune lui a vendu l’hectare à 100 000 F CFA. Donc, 300 hectares, ça fait 30 millions. En réalité, ce n’est que les frais de bornage qu’il a payés à la commune. Donc, Djilakh n’a rien à voir avec tout ça."

Enfin, Djibril Sène de démontrer que la jeunesse de Djilakh est unie comme un seul homme pour combattre ce qu'ils considèrent comme une injustice. "Il dit que la jeunesse qui est en train de s’agiter ne représente rien. Vous avez constaté cette marée humaine. Au contraire, les moins de 10 personnes qui étaient à son show ne représentent rien dans ce village. Ils n’étaient pas là-bas pour représenter la population de Djilakh", fait-il savoir.

Ainsi, les jeunes du village restent debout contre le PDG de Sedima à qui ils demandent de débarrasser le plancher. Une autre marche est prévue le 17 juillet à la place de la Nation pour réclamer à Babacar Ngom la restitution de leurs terres.

IDRISSA AMINATA NIANG

 

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