Publié le 12 Aug 2013 - 22:45
EN PRIVÉ AVEC... JAC KÉÏTA, ARTISTE-MUSICIEN (GROUPE TAKEÏFA)

'Nous sommes solidaires avec notre père''

 

 

Après une tournée internationale ponctuée par plus de soixante dates entre la Belgique, la France, l'Angleterre, l'Espagne et l'Allemagne, les membres de la formation musicale Takéïfa sont rentrés à Dakar le 31 juillet dernier. Et dans un contexte où le groupe a été associée à l'affaire de trafic de drogue présumé dans la police sénégalaise, suscitée par le père de la fratrie, le commissaire Cheikhna Keïta. Annoncée dès leur retour, la conférence de presse d'explications avait finalement été annulée. Dans cet entretien en exclusivité avec EnQuête, Jac Keïta, lead-vocal du groupe, apporte des éclairages à propos notamment de la vidéo de la chanson ''Fire'' dont il est dit qu'elle aurait été financée par de l'argent de la drogue.

 

 

 

La presse vous attendait pour, entre autres, faire le bilan d'une tournée européenne. Pourquoi la conférence de presse prévue a été annulée à la dernière minute ?

Je vous remercie d'abord pour cet entretien. J'avoue que c'est un honneur pour moi. C'est vrai que depuis qu'on est rentré au bercail après une tournée ayant duré trois mois, c'est la première fois que je m'adresse à un journaliste. Parce que la situation est comme elle est. Pour revenir sur les raisons qui nous ont poussées à annuler la conférence de presse qui a été prévue dès notre arrivée le 31 juillet dernier, il faut d'abord souligner qu'on travaillait avec notre staff resté à Dakar tout le temps qu'on était là-bas. On voulait tenir cette conférence de presse pour parler du travail de Takéïfa durant la tournée. On avait jugé utile de tenir cette conférence de presse pour rencontrer nos fans, parler de nos différentes expériences et dévoiler ce qu'on a envie de faire après la Korité. Après une tournée internationale, la vie continue et on a cette envie de faire plaisir à nos fans. Qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, on est très liés à nos fans. On voulait profiter de cette conférence de presse pour répondre aux questions qu'ils nous posaient à travers les mails.

 

Mais la conférence de presse n'a pas eu lieu. Pourquoi ?

Oui, elle n'a pas eu lieu parce qu'il y avait trop de désordres. On s'est aussi rendu compte que nous sommes arrivés à un moment où quand vous dites A, les journalistes écrivent W. Il fallait donc faire preuve de prudence dès notre arrivée, aller voir la famille, les amis et les fans ; bien tourner la langue avant d'ouvrir la bouche. Parce qu'on peut toujours mal interpréter ce que vous direz.

 

Comment avez-vous appris que c'est votre père qui a déclenché cette histoire de la drogue présumée dans la police ?

On est une famille où l'on se respecte. Si l'on savait que tout ça allait arriver, cela voudrait donc dire que notre père n'aurait pas été professionnel. On n'a jamais été informé de son travail. Notre père est un policier tandis que nous nous sommes des musiciens. Et nous savons que son travail est très sérieux. Je me rappelle qu'on était à Bruxelles dans le cadre de notre tournée lorsque notre mère a appelé pour nous dire : ''C'est votre père, il a envoyé la lettre...'' Malgré les explications de notre mère, on n'arrivait pas à mesurer la gravité. Franchement, c'est après deux jours que des amis d'abord, puis des fans, ont appelé pour nous apprendre que la presse parlait de Takéïfa. On a consulté le net pour voir ce qui se passait. Jusqu'au moment où c'est devenu un scandale total, on n'a pas parlé à notre père. On a compris qu'il voulait nous protéger en faisant la part des choses. Il est policier qui fait son travail et nous sommes des musiciens qui faisons notre travail. On ne voit pas pourquoi pour un rien des journalistes veulent mélanger les choses. On a tout fait pour que chaque chose soit à sa place. On a eu confiance en notre père. Tout le monde sait que c'est un travailleur, un bosseur. Il nous a éduqués à travailler dur pour gagner notre vie dignement. Rien que pour ça, nous sommes solidaires avec lui dans une situation pareille.

 

Mais il a été rapporté que l'un de vos vidéos-clips a été financé avec de l'argent de la drogue...

C'est ridicule. Il faut que les gens et les journalistes qui disent ou écrivent ça, retournent à l'école. Je les invite à se rendre sur le site Youtube. S'ils tapent ''Fire'' - c'est le nom de la vidéo - ils auront l'année et la période où elle a été insérée et le nom de la personne qui l'a postée pour la première fois. Les gens se rendront compte que cette vidéo a été réalisée depuis trois ans. Et tout le monde sait que notre père a été Directeur de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) depuis sept mois. 1 500 000 francs Cfa, c'est une somme trop minime pour réaliser une vidéo de qualité. Vous pouvez vous renseigner auprès de Gélongal (réalisateur de clip) et d'autres réalisateurs. En plus, cette vidéo a été réalisée en Espagne avec l'aide d'un contact. Après chaque tournée, Takéïfa met de côté une partie de l'argent gagné pour l'achat de la sono, une partie pour l'achat du matériel, une partie est investie pour enregistrer deux ou quatre chansons que l'on doit remastériser et une autre pour financer un vidéo-clip de qualité. A l'occasion de chaque tournée, on fait la connaissance de producteurs, d'ingénieurs de son qui nous proposent de venir travailler dans leurs studios. Par exemple, quelqu'un nous dit : ''Je vous offre deux jours de studio.'' Et on profite de ces opportunités pour enregistrer des maquettes et faire des vidéos. Ce n'est rien d'autre que ça. C'est juste pour vous dire que la vidéo dont il est question coûte cinq fois plus que la somme dont on parle dans la presse. Si vous demandez aux réalisateurs, ils vous diront que mêmes les vidéos faites sur place coûtent plus que 1 500 000 francs Cfa. Il faut que les gens prennent le temps de se documenter sur le net ou qu'ils viennent faire des entretiens comme vous le faites au lieu de rester dans leurs bureaux pour écrire du n'importe quoi. C'est désolant. S'ils ont envie de savoir, qu'ils viennent poser leurs questions et on leur répondra. On travaille dur, comme des dingues, à l'image du mécanicien, du menuisier, du marchand ambulant et beaucoup de jeunes sénégalais. Parce qu'il suffit d'approcher ces gens-là pour savoir leurs misères quotidiennes.

 

Qu'en est-il des véhicules de l'Ocrtis qui aurait été utilisés pour transporter le matériel de Takéïfa ?

C'est du n'importe quoi ça ! Déjà, mon petit-frère Iba et moi avons nos propres voitures. Ce qui fait deux musiciens qui ont chacun sa voiture. Ce sont des véhicules de seconde main mais on ne se plaint pas avec. Comme vous l'avez constaté, on vit le plus simplement possible dans notre maison. Nous avons tous été éduqués à vivre dans la modestie. Cette histoire de véhicules de l'Ocrtis n'est qu'une invention des gens mal intentionnées à notre encontre. Ce qui intéressent les Sénégalais, c'est cette histoire de drogue qu'il faut clarifier. Qu'on ne mêle pas Takéïfa à cette histoire de drogue. Cela ne nous ressemble pas. La situation est catastrophique et mêler Takéïfa dans cette histoire de drogue, c'est pour leurrer l'opinion. Aujourd'hui, je suis très fier des Sénégalais qui sont conscients. A travers les commentaires que les gens postent sur le net, on se rend compte que les Sénégalais sont éveillés. Pourtant, ils ne connaissent Takéïfa que par sa musique. Il faut arrêter de manipuler les gens pendant que ceux qui sont en haut se partagent l'argent et le beurre. Si la justice fait bien son travail, la vérité finira par éclater au grand jour.

 

Pour revenir à cette tournée, êtes-vous rentrés au pays avec les poches pleines d'argent ?

(Rires) On ne peut pas dire qu'on est rentré avec les poches pleines. On a juste le minimum pour faire plaisir aux parents et aider un ami ou un voisin qui est dans le besoin. Mais il faut retenir que nous avons fait de grands et de petits festivals. En plus de cela, il y a eu les concerts que l'on donne pour se rapprocher de son public et vendre son album. Chaque fois, il y a eu des journalistes et des producteurs qui ont fait le déplacement pour nous suivre.

 

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