Publié le 18 Apr 2013 - 20:15
ENTRETIEN AVEC... BABACAR GAYE, PORTE-PAROLE DU PDS

 «Le Pds n’est pas assez offensif dans la manière d’élaborer la riposte»

Le porte-parole du PDS revient dans cet entretien avec EnQuête sur l'arrestation de Karim Wade et la riposte que prévoit l'ancien parti au pouvoir.

 

Karim Wade a été placé sous mandat de dépôt avec six de ses proches dans le cadre des biens mal acquis. Ses avocats parlent de précipitation de la CREI.

 

C'est regrettable, mais c'est la triste réalité. L'administration de la justice, pour être efficace et équitable, doit avoir comme corollaire une attitude sereine, discrète et exempte de pression. Or, la manière dont le parquet spécial a mis en branle la machine répressive de l'Etat est en porte-à-faux avec les principes élémentaires d'une action judiciaire qui doit offrir toutes les garanties d'un procès équitable aux parties impliquées. Qui plus est, les juristes de bonne foi, dans leur quasi unanimité, estiment que la CREI n'est pas compétente pour poursuivre, inculper et juger un ancien ministre qui bénéficie d'un privilège de juridiction d'autant que les faits qui lui sont reprochés seraient commis pendant qu'il exerçait des fonctions ministérielles. Même si dans le cadre de la répression de l'enrichissement illicite, le délit est instantané, il ne peut concerner que ceux qui sont et ont été détenteurs d'une charge publique et subséquemment leurs complices. Sans épiloguer sur le bien fondé des incriminations du parquet spécial, notre pays doit rester un Etat de droit. Je vous renvoie aux dispositions de la Constitution, de la loi sur la répression de l'enrichissement illicite et à l'arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEDEAO qui dit clairement que les requérants sont justiciables de la Haute Cour de Justice compte tenu de leur statut d'anciens ministres. A ce niveau, il ne saurait y avoir de débat. Alors je ne comprends pas cette précipitation qui ne peut qu'engendrer un déni de justice. Par de tels procédés, on s'achemine droit vers l'instauration d'une république bananière et d'une dictature.

 

Que pensez-vous des révélations du substitut du procureur, Antoine Diome, sur les montages financiers des sociétés offshore ?

 

Karim Wade est-il poursuivi de détournement de deniers publics, et par conséquent d'un enrichissement illicite ou serait-il coupable d'ingénierie financière dans le cadre de montages financiers de sociétés offshore ? Que je sache, ce délit n'existe pas encore dans l'arsenal répressif des infractions économiques. L'adage dit : "Qui veut noyer son chien l'accuse de rage." Rien ne saurait justifier un tel acharnement.

 

On assiste à une vraie bataille d’opinion autour de cette affaire.

 

Cela ne serait pas le fait de Karim Wade que personne n'a jamais entendu s'épancher dans la presse pour engager une bataille d'opinion. C'est la première fois dans l'histoire judiciaire de notre pays que l'on assiste à autant de prises de position du parquet devancé ou relayé de manière intempestive par des ministres, des hauts fonctionnaires et des hommes politiques qui normalement devraient être plus discrets pour respecter les principes élémentaires de présomption d'innocence et de secret de l'instruction. Ce régime n'en a cure. Seule la revanche sur des vaincus reste leur viatique.

 

Le gouvernement refuse toujours d’appliquer la décision rendue par la Cour de justice de la Cedeao relative à la mesure d’interdiction de sortie du territoire national de certains de vos frères de parti. Les avocats de l’Etat déclarent que la Sénégal n’a pas de leçon à recevoir de la Cedeao.

 

Le gouvernement n’a pas le droit de se braquer. Il doit traiter cette question avec sérénité et responsabilité. Il n'y a pas d’injonction venant de la Cedeao contre le gouvernement de la république du Sénégal. La Cour de Justice de la CEDEAO a dit le droit qui, moralement, s'impose évidemment au gouvernement qui a pris des mesures qui ne sont pas conformes avec ses lois et règlements intérieurs. L'instance communautaire estime que compte tenu du droit international, de la Constitution et des lois intérieurs du Sénégal, Karim Wade, Oumar Sarr et consort devraient bénéficier de toute leur liberté d’aller et de venir le temps qu’ils soient inculpés ou arrêtés. A l’état actuel des choses, la Cedeao estime que le gouvernement du Sénégal a tort. Pour que le Sénégal reste encore un pays apprécié dans la sous région et à travers la communauté internationale, il urge que le gouvernement respecte les décisions relatives à nos engagements internationaux. La Cedeao fait partie des organismes que nous nous sommes librement dotés pour fédérer l’Afrique à travers de grands ensembles. Aujourd’hui, je suis mal à l’aise parce que notre pays est au banc des accusés de la scène internationale en matière des libertés individuelles et des droits de l’Homme. Or, j’ai l’impression que le gouvernement fait du «maa tey» en estimant qu’il n’a de leçon à recevoir de personne. C’est gênant. Il faut que le gouvernement se ressaisisse et accepte les décisions issues de la Cour (de la Cedeao). Sinon, demain, quel devrait être le comportement du citoyen face à des décisions rendues par ce même gouvernement contre un citoyen de la Cedeao ? Je pense que c’est un précédent très dangereux par rapport au renforcement des institutions. Et le président Macky Sall s’était engagé pour qu’il y ait une justice beaucoup plus indépendante, des institutions beaucoup plus fortes. Il ne peut pas y avoir des institutions fortes tant que le citoyen ne peut pas jouir d'une sécurité judiciaire. Le Sénégal est en passe de devenir une république bananière.

 

(A suivre)

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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