Publié le 24 Aug 2021 - 14:44
ENTRETIEN AVEC OUSMANE THIAW, SOUS-PREFET MEDINA SABAKH

‘’Globalement, nous dépassons 80 % de cession de l’engrais reçu’’

 

Même si les agriculteurs se plaignent du manque d’engrais pour leurs cultures, du côté de l’Administration, le sous-préfet de Médina Sabakh, Ousmane Thiaw, affirme que la situation est en train de revenir à la normale. D’après lui, globalement, ils ont dépassé 80 % de cession de l’engrais reçu. Dans un entretien accordé à ‘’EnQuête’’, M. Thiaw revient sur les procédures de distribution, la suspension de l’importation de l’engrais en Gambie, etc.

 

On note, cette année, des manquements dans l’approvisionnement de l’engrais au niveau de la commune de Médina Sabakh. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à ce propos ?

On avait quelques difficultés par rapport à la réception de l’engrais. On a noté quand même un retard qui était déploré par les producteurs. Heureusement, comme il y a eu une pose pluviométrique, j’espère qu’il n’y aura pas beaucoup d’impacts négatifs sur les cultures. Cette pose nous a permis de nous rattraper. Comme vous le constatez, l’engrais commence à être livré. C’est plusieurs variétés et plusieurs sociétés concessionnaires qui nous approvisionnent.

Donc, il y a des retards qui sont notés avec certains fournisseurs. Globalement, depuis le début du mois d’août, ils sont en train de livrer l’engrais. Heureusement que cela coïncide avec la reprise pluviométrique. Je pense qu’ils n’ont pas à se plaindre présentement. Nous échangeons souvent avec le chef du Service départemental de l’agriculture et nos collègues qui sont ailleurs, et nous pouvons vous affirmer que, par rapport au niveau national, l’arrondissement de Médina Sabakh n’a pas à beaucoup crier sur ce manquement. J’avoue qu’au début, il y avait quelques petits retards. Nous sommes en train de faire la répartition des engrais. Il y a des camions qui viennent toujours livrer de l’engrais. C’est vrai que l’engrais 15-10-10 pour le mil avait connu un retard et cela avait suscité beaucoup d’inquiétudes et c’est la première spéculation sur laquelle nous avons travaillé. Globalement, nous dépassons 80 % de cession de l’engrais reçu.

Comment se fait la répartition ?

Il y a un recensement administratif qui se fait chaque année et ce sont des données administratives qui nous permettent de travailler. On recense le nombre de carrés. Pour chaque carré, on a un nombre de personnes imposables. Ce qui nous donne le quota par tête. C’est un calcul sous Excel qui est très clean. Mon collaborateur donne une copie à chaque chef de commission, aux maires et aux personnes qui veulent vérifier. Le chef de village qui va au niveau du magasin de stockage sait le tonnage qu’il a. Lui aussi, il a le rôle villageois ; c’est un registre dans lequel il inscrit chaque année, à l’occasion des recensements administratifs que nous présidons, le nombre de carrés, le nombre de personnes imposables, les non-imposables et le montant total.

Donc, avec ce registre, il fait la répartition à son tour. Il donne le montant de cessions au magasinier qui représente l’opérateur. Nous ne faisons que la répartition. C’est l’opérateur qui se charge de la vente, de son agent. Il y a une subvention et l’Etat donne un peu la plus-value.

A la fin, comme nous avons signé un projet de réception, quand l’agent du fournisseur aura fini de vendre, on nous retourne le document. Parce qu’il y a le journal de vente où on a le nombre de sacs vendus, le poids total, le montant, le numéro de la carte d’identité pour toutes les opérations. Si le stock est épuisé, ils nous amènent encore un procès-verbal de fin de cession. Avec tous ces éléments, nous apprécions si, par exemple, l’arachide a été correctement vendu, cédé à qui de droit. Nous signons maintenant pour attester qu’effectivement, M. X fournisseur nous a approvisionné 100 tonnes et qu’elles sont été cédées aux gens dont les noms figurent sur le journal de vente. C’est avec ce document que l’opérateur va partir se faire viser au niveau de la Direction de l’agriculture qui contrôle également les quotas. Et à partir du ministère, ils vont prendre les engagements pour qu’on lui restitue la subvention.

Depuis qu’on est venu, nous voulons mettre de l’ordre avec des calculs très scientifiques. Avant, les gens ne savaient pas les bases de calcul.

A cause du retard, certains agriculteurs allaient s’approvisionner en Gambie. Mais selon eux, cela leur est maintenant interdit par la douane sénégalaise. Qu’est-ce qui le justifie, sachant qu’au départ, ils leur permettaient de le faire ?

Oui, il faut le dire. Parce que l’importation, c’est bien organisé au niveau du Sénégal. Cela nécessite un passage au niveau des services des douanes, la déclaration préalable et le dédouanement. Or, c’était des populations qui se faufilaient à travers les différentes pistes et qui s’approvisionnaient au niveau de la Gambie, plus particulièrement à Farafenni. Puisqu’au début, il y avait quelques retards, on avait jugé nécessaire d’être plus ou moins indulgent. On a discuté avec la douane pour que, si ce n’est pas à des proportions élevées, qu’on puisse faire preuve d’indulgence. Mais on a vu que cette indulgence a été exploitée autrement. Les gens ont commencé à transporter des quantités à des échelles commerciales.

Donc, là, on ne peut pas rester les bras croisés, devant cette situation. Et il faut le dire aussi, il y a de l’engrais dont l’importation n’est pas permise au Sénégal. Parce que c’est de l’engrais subventionné en Gambie. C’est la République gambienne qui subventionne de l’engrais pour ses agriculteurs. Donc, on ne peut pas être de connivence avec nos populations pour que cet engrais soit exporté vers le Sénégal. Parce qu’il y a la collaboration entre les deux pays. Nous avons également ici de l’engrais qui est subventionné.

C’est sûr que nous sollicitons la collaboration avec la Gambie, notamment leur douane et leur police pour que notre engrais, nos semences, notre gaz butane ne soient pas exportés vers la Gambie. C’est une situation qui existe et cela nous permet de sécuriser l’économie de nos deux républiques sœurs.

Il y a aussi des types d’engrais comme l’urée dont l’importation est autorisée au Sénégal, mais sur déclaration et dédouanement au niveau des services douaniers et le bureau des douanes. Entre deux ou trois sacs, la douane laissait passer, de même que la police et la gendarmerie. Mais ils commençaient à transporter par des camions et, là, cela devient de la fraude. En aucun cas, on ne peut autoriser l’entrée de ces produits au Sénégal, à travers nos frontières. C’est une prohibition absolue. On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Si l’Etat interdit l’entrée de ces engrais au niveau du territoire national, naturellement, nous ne pouvons qu’exécuter ces mesures d’interdiction. C’est à l’image de la cuisse de poulet qui est prohibée, depuis l’arrivée de la grippe aviaire. On ne peut pas, en aucun cas, dédouaner, faire preuve de tolérance par rapport à cela. C’est principalement de cet engrais dont il s’agit.

Qu’en est-il de l’engrais gambien qu’on leur offrait ?

Il s’agit d’un engrais périmé et c’était de cet engrais dont les gens parlent. Quand on a été saisi de la question, j’ai fait mes petites investigations et on m’avait fait savoir que c’est de l’engrais qui a été stocké à Keur Aly (non loin de Farafenni) depuis 2007. Le propriétaire de l’usine avait des problèmes avec le régime de Yaya Jammeh et son engrais a été bloqué. Et avec le nouveau aussi, ils n’ont pas pu obtenir l’autorisation d’exploiter l’engrais et il a été entreposé. Naturellement, il est périmé.

Maintenant, avec l’orage du début de l’hivernage, les magasins ont été décoiffés et l’engrais a été touché par la pluie. Donc, le propriétaire, comme il avait besoin de son magasin, le gars a profité de cette situation pour l’évacuer. Les populations commençaient à se le procurer gratuitement. C’était une sorte de déchet qu’il fallait sortir de la Gambie. Là, on ne peut pas autoriser que le Sénégal serve de dépotoir. C’était cela le principal problème, surtout avec l’engrais. C’est vrai qu’une importante quantité a été frauduleusement introduite au niveau des villages frontaliers.

MARIAMA DIEME

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