Publié le 20 Nov 2019 - 22:15
FORUM INTERNATIONAL DE DAKAR

La paix en Afrique exige une union des forces

 

Tant que l'Afrique restera à la merci des Nations unies, sa sécurité ne saurait être garantie. C’est l’idée défendue, hier, par le ministre nigérien de la défense Issoufou Katambé, au deuxième jour du forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.  Entre pauvreté et division dans les actions, les décideurs africains préconisent une union des forces dans une dynamique de développement.

 

La paix et la sécurité sur le continent doivent être d'abord et avant tout l'affaire des Africains. C'est l'idée solidement défendue par les différents représentants des pays africains, lors de la deuxième journée du forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Conscients du fait que le terrorisme est intrinsèquement lié à la pauvreté des peuples et aux problèmes d'accès aux services sociaux de base, ces décideurs ont tous plaidé pour une bonne prise en charge des besoins sociaux des Africains, surtout que, la zone de Diffa au Niger où 300 000 réfugiés livrés à eux-mêmes (pas instruits, pas d'emplois...), est un nid de nouvelles recrues pour Boko Haram.

L'organisation recrute des enfants âgés de seulement 12 ans en échange d'une somme d'argent et d'une moto, en plus d'un salaire mensuel. Vu la précarité des conditions de vie, les familles de ces enfants approuvent évidemment leur enrôlement. Et très souvent, les terroristes bénéficient de la complicité des populations.  ''C'est un grand danger. La plupart des recrutements de Boko Haram se font de cette manière. Chaque jour dans le Sahel et dans le bassin du Lac Tchad, la menace des groupes terroristes s'accentue et tant que l'Afrique restera à la merci des Nations unies, sa sécurité ne saurait être garantie. Toutes ses missions sont sous le sceau du maintien de la paix, mais comment peut-on maintenir la paix là où elle n'existe même ? Chez moi, il y a la guerre. Il faut d'abord en finir, avant de parler de maintien de la paix'', a déclaré le ministre nigérien de la défense Issoufou Katambé.

Selon lui, les actions de défense et de sécurité doivent être adaptées à chaque contexte. D’autant que, le plus complexe dans cette lutte contre le terrorisme se trouve être l'idéologie de la mort qui sous-tend sa manifestation. ''Ceux que nous combattons n'ont pas peur de la mort, il la cherche, car pour eux, c'est une délivrance, un moyen de rejoindre l’autre monde et de rencontrer leur prophète. Mourir pour eux est l'accomplissement d'une mission'', détaille le ministre s'appuyant sur les divers interrogatoires de terroristes auxquels il a pris part.

De plus, les djihadistes n'expriment qu'une remise en cause de l'existence de nos États, ainsi que ''le refus de l'école des blancs'', une éducation qui occidentalise les plus jeunes et les pousse à abandonner l'agriculture. Ce qui fait dire au ministre nigérien de la défense que pour la réussite du multilatéralisme, ''les Etats africains doivent se fixer des objectifs : la sauvegarde de l'intégrité de nos Etats. Le renforcement nos capacités opérationnelles de renseignements pour avoir une longueur d'avance, la mutualisation de nos capacités opérationnelles''.

Selon lui la réponse africaine au terrorisme souffre de financement, parce que plusieurs pays prennent des engagements non respectés par la suite. ''La force conjointe pour la lutte contre le terrorisme dans le Sahel demande un financement de 423 millions d'euros. A ce jour, nous sommes à 190 millions d'euros. Jusqu'à présent, nous cherchons la différence'', ajoute-t-il.  

Pour le diplomate Mankeur Ndiaye, la solution pour répondre au terrorisme doit être multiforme et non uniquement militaire, d'autant plus que les djihadistes opèrent par lavage de cerveau.

Pas de paix en Afrique sans la Libye

Le dossier libyen s'est également invité au débat et tous les pays africains s'accordent sur le fait que tant qu'il y règnera le chaos, on ne saurait même penser à la paix et la sécurité en Afrique. Il est surtout la preuve d'un manque criard de cohésion entre les pays africains. En effet, si en Europe, les positions divergent quant à la posture à adopter (surtout entre la France et l'Italie) ,la division est d'autant plus visible au niveau régional. ''On a le sentiment que la Libye est prise en otage surtout par son voisinage. L'Union africaine a mis sur pied un comité de haut niveau pour la question libyenne, mais au sein même de l'union des divisions règnent quant à la mise en place de ce comité. L’Algérie, l'Egypte et la Tunisie s'en détachent pour faire d'autres concertations. Il y a beaucoup de non-dits dans la gestion de ce dossier'', dénonce le représentant dudit comité et ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, Jean Claude Gakosso.

A l'en croire certains pays de la sous-région soutiennent le Maréchal Aftar et son armée et participent à son financement. ''Il faut que les Libyens se ressaisissent, il faut que les sponsors extérieurs arrêtent d'attiser la guerre. Dans ce cadre notre feuille de route prévoit une conférence de vérité et réconciliation nationale et le démantèlement des milices. Il faut impérativement reconstituer l'armée en Libye, car elle est la colonne vertébrale d'un Etat'', conclut-il.

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ATTAQUES DES CHEFS D’ETAT SENEGALAIS ET MAURITANIEN

La réplique de l'Onu

Ces deux jours de travaux, l'organisation des Nations unies a essuyé une batterie de critiques quant à son mode ''léger'' d'action contre le terrorisme en Afrique. La sous-secrétaire général Afrique de l'Onu, Binetou Kéita, n’est pas d’accord. Elle demande de relativiser. ''28% des voix à l'Assemblée générale de l'Onu sont africaines, 50% des soldats déployés dont vous parlez sont africains, 63% sont des femmes. Lorsqu'on parle de réforme des missions de l'Onu, on peut se demander ce que font tous ces hommes et femmes parmi les soldats, si le leitmotiv que l'on suit, c'est de dire que nos missions sont obsolètes''.

Elle estime, donc, que la responsabilité est partagée, car la posture des différents contingents émane des dirigeants africains qui imposent à leurs troupes des restrictions. Il faut dire que cette sixième édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité qui n'est pas, cette année, une conférence de chefs d'Etats (choix des organisateurs) aura réussi l'exploit de délier les langues des experts, des hommes de terrain qui avaient beaucoup à dire. Pendant deux jours, loin de toutes pressions étatiques, les participants ont su toucher du doigt les différents blocages à la construction d'une paix durable en Afrique.

''Il nous faut arriver à une cohérence dans nos actions cela commence par la CEDEAO. Toutes les problématiques développées pendant le forum soulèvent la question du développement. Le financement de la sécurité vient malheureusement empiéter sur le financement de l'éducation, la santé, l'électrification, l'assainissement. Nous devons gagner la bataille du développement qui devient aujourd'hui encore plus difficile dans un contexte d'insécurité'', a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba.

Les résolutions du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité seront connues le 03 décembre prochain.

Un nouveau projet pour lutter contre la cybercriminalité

En marge du forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, l'Union européenne, la CEDEAO et expertise France ont présenté le projet Ocwar-M (Organised crime : west african response to money laundering and the financing ot terrorism). Son objectif, sur quatre ans, est de renforcer les capacités de la police judiciaire, des juges et procureurs quant aux questions de cybercriminalité et de blanchiment d'argent.

Ce qui devrait permettre aux Etats d'évaluer les risques et l'efficacité des systèmes informatiques. Il s'agira également de développer la coopération avec le secteur privé, les banques et Ong qui jouent un rôle important dans la détection et le signalement des flux financiers illicites.

Le projet promeut, par ailleurs, une coopération active entre Etats africains, notamment, dans le domaine du renseignement. Selon le directeur de l'économie numérique de la CEDEAO, Raphael Koffi, ''La cybersécurité revient à protéger les infrastructures clés dans une nation et à nous prémunir contre les cybercriminels. Cela passe par la formation, la sensibilisation, parce que, les failles viennent des individus. On va essayer de d'inculquer à toutes les couches sociales une bonne hygiène numérique''.

La criminalité organisée en Afrique de l'ouest pourrait coûter 30 000 milliards de FCFA aux différents pays. Ces trafics servent, entre autres, à financer le terrorisme, d'où la multiplicité des attaques.

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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