Éclairage sur l’immunité

Face aux enquêteurs, hier, les députés de Yewwi Askan Wi ont refusé de répondre aux questions, en raison de la violation supposée de leur immunité parlementaire. Ils seront probablement déférés, aujourd’hui, devant le parquet.
Les députés du Parti de l’unité et du rassemblement (opposition), Massata Samb et Mamadou Niang, ont été placés en position de garde à vue, hier, suite à un face-à-face express qui a duré moins de 15 minutes avec les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic). À cette occasion, il leur a été annoncé une plainte reçue de leur collègue Amy Ndiaye Gniby pour coups et blessures volontaires ayant entrainé une indisponibilité temporaire de 23 jours.
Selon leur avocat, Maitre Adama Fall, ses clients ont répondu par le silence, en raison de leur immunité parlementaire. ‘’Nous estimons que ce placement en position de garde à vue est une violation manifeste de l’immunité parlementaire dont bénéficient nos clients. Celle-ci prévoit que le député ne peut être ni recherché, ni poursuivi, ni privé de sa liberté, tant que son immunité n’est pas levée. On sait tous que leur immunité n’a pas été levée. Il y a donc une violation manifeste des articles 61 de la Constitution et 53 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle nos clients n’ont pas répondu aux questions qui leur ont été posées. On prend acte et on posera les actes nécessaires au moment opportun’’, a expliqué Me Fall.
En fait, dans cette affaire, il y a deux camps qui s’affrontent. Certains pensent que peu importe qu’il s’agisse de flagrant délit ou pas. Dès lors que les députés sont en session, il faut une levée de l’immunité pour qu’il y ait poursuite. Ils invoquent, à ce propos, l’alinéa 2 de l’article 61 qui prévoit : ‘’Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté, en matière criminelle ou correctionnelle, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée.’’ Cette disposition qui règle le cas du député en session ne parle pas de flagrance. Pour d’autres, cette disposition ne vaut pas en matière de flagrance. En pareil cas, il faut surtout se référer à l’alinéa 3 de l’article 61. Lequel dispose : ‘’Le membre de l’Assemblée nationale ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée dont il fait partie, sauf en cas de délit ou crime flagrant.’’
Divergences autour de l’immunité
Pour sa part, Maitre Moussa Fall a préféré plaider qu’il n’y a même pas de flagrant délit en l’espèce, comme il admettait implicitement qu’en cas de flagrance, point de nécessité de lever l’immunité.
Selon les informations d’’EnQuête’’, ils pourraient être déférés devant le procureur aujourd’hui même.
Il faut noter que les députés du Parti de l’unité et du rassemblement s’étaient rendus à la Division des investigations criminelles, avant-hier, à la fin de la Déclaration de politique générale, pour être auditionnés. Leur avocat explique : "Hier (avant-hier), quand nous étions à l'Assemblée, un dispositif impressionnant était venu là-bas pour les arrêter. Pour éviter tout cela, ils ont marché avec eux jusqu'à la Dic. Le commissaire leur avait demandé de rentrer et de revenir répondre ce matin. Ils ont répondu présent parce qu’ils respectent les autorités judiciaires.’’
Les deux députés qui sont membres de la plus grande coalition de l’opposition parlementaire, sont poursuivis pour coups et blessures volontaires contre une de leurs collègues. Des faits commis dans l’enceinte même de l’hémicycle qui ont suscité beaucoup de polémiques.
Si cette affaire va jusqu’au bout et que les députés s’en sortent avec des condamnations, ils vont devoir cédé leurs places aux suppléants. S’ils ont été élus sur la liste départementale, il n’y a alors aucun problème ; leurs suppléants directs devant prendre leurs places. S’ils sont sur la liste nationale, ce sont leurs poursuivants sur la liste des suppléants qui vont venir ; c’est-à-dire les 25e et 26e, si l’on sait que Yewwi avait 24 députés sur la nationale.
AFFAIRE PAN, OUTHMANE DIAGNE ET PAPITO La justice s’emballe À côté de l’affaire des députés, il y a aussi les cas Outhmane Diagne et Pape Ibra Guèye dit ‘’Papito’’, arrêtés dans le cadre de l’affaire dite des unes détournées, qui a été évoquée, hier, devant les autorités judiciaires compétentes. Alors que les parlementaires faisaient face aux limiers de la Division des investigations criminelles, MM Diagne et Guèye, eux, répondaient aux questions du juge Mamadou Seck du deuxième cabinet, dans le cadre de l’instruction de leur dossier. Selon leurs avocats, ils vont aviser sur la conduite à tenir. ‘’Nous allons attendre l’avis du procureur et l’ordonnance que va rendre le juge’’, a répondu un de leurs avocats, interpellé sur l’introduction éventuelle d’une demande de liberté provisoire. Dans cette affaire des unes détournées, ce qui est le plus navrant et incompréhensible, c’est le temps mis pour auditionner les deux prévenus dans le fond. Afin que nul n’en ignore, Maitre Khoureychi Ba, sur sa page Facebook, a rappelé les délais longs de leur détention. Pour Papito, il est en taule depuis pas moins de quatre mois et 10 jours, selon son avocat. Quant à Outhmane, il a fait cinq jours de moins en prison. Leur sort est désormais entre les mains du juge d’instruction du deuxième cabinet Mamadou Seck. Il pourra soit prendre une ordonnance de renvoi, soit une ordonnance de non-lieu. Avant eux, c’était au tour de Pape Alé Niang d’être auditionné en fin de semaine dernière. En ce qui concerne le journaliste arrêté le 6 décembre, ses avocats ont déposé une demande de liberté provisoire aussitôt après. Une demande qui a de fortes chances d’être favorablement reçue, vu les nombreuses démarches allant dans ce sens. |