Publié le 11 Feb 2021 - 03:49
ITW CHEIKH SECK, PDT ASSOCIATION DES KINESITHERAPEUTES-REEDUCATEURS

‘’ …Il n’existe pas de salon de massage au Sénégal’’

 

Douleur lombaire, maladie cervicale, arthrose, salons de massage… Autant de notions en vogue dans les médias et autres lieux publics, depuis ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Ousmane Sonko. Physiothérapeute, président de l’Association sénégalaise des kinésithérapeutes-rééducateur, Cheikh Seck apporte des éclairages.

 

Pour justifier sa fréquentation d'un salon de massage, Ousmane Sonko a invoqué des douleurs cervicales, lombaires, entre autres. Pouvez-vous nous parler de ces maladies ?

Ce sont des maladies qui peuvent toucher le rachis -c’est toute la colonne vertébrale-. Il est divisé en trois parties : il y a le rachis cervical ; le rachis dorsal ou thoracique et le rachis lombaire. D’ailleurs, quand vous faites un scanner ou un examen, on met par exemple C1, C2, C3, C4… jusqu’à C7 pour définir les vertèbres cervicales. Si c’est T, c’est thoracique, également appelé rachis dorsal (D), si vous voyez L, c’est lombaire. La colonne vertébrale fait partie d’un rachis où pratiquement l’ensemble ou la quasi-totalité des nerfs qui alimentent les bras, les parties du tronc ou les membres inférieurs trouvent leur racine. Vous pouvez donc avoir une douleur au niveau du poignet, des doigts, de l’épaule, alors que la cause de cette douleur se trouve au niveau du rachis cervical.

C’est comme un circuit électrique : vous avez votre lampe, vous avez votre interrupteur, vous avez le circuit… Si la lampe ne s’allume pas, vous pouvez penser que c’est parce que c’est grillé, alors que le problème peut se situer au niveau de l’interrupteur ou bien du circuit. En ce qui concerne le rachis cervical, la quasi-totalité des nerfs qui alimentent et qui font fonctionner le bras ont leur racine à ce niveau. S’il y a une compression, une irritation ou quelque chose d’anormal, ça se répercute sur le trajet délimité par le nerf. Il peut donc y avoir un fourmillement au niveau des doigts, alors que la cause se trouve au niveau du rachis cervical. C’est le même procédé qu’avec le rachis cervical.

Quid des douleurs lombaires ?

Au niveau du rachis lombaire se trouve l’ensemble des nerfs qui alimentent les pieds et les jambes, y compris même le nerf sciatique… Quand une personne se plaint de douleur lombaire, cette douleur peut se localiser au niveau du dos ou bien irradier au niveau des membres. Une douleur lombaire peut être liée à des contractures musculaires ; ça peut être une hernie discale ; ça peut aussi être une arthrose, comme ça peut être une compression d’origine tumorale (bénigne ou maligne)…

Est-ce que ces genres de maladie peuvent se guérir ?

Il faut savoir de quoi il s’agit exactement. Si c’est une lombarthrose, je peux dire que si la personne va dans ces soi-disant salons de massage, c’est dangereux ; mais si, elle vient chez les professionnels, on peut la soigner. Si c’est une hernie discale et qu’elle ne se complique pas, la prise en charge kinésithérapeutique peut régler le problème. Si la situation se complique, il faut obligatoirement l’intervention du chirurgien orthopédiste ou du neuro chirurgien. Si c’est l’arthrose, par contre, cela ne se guérit pas, parce que, c’est une maladie dégénérative, mais, on peut la calmer, en donnant des conseils hygiéno-diététiques au malade ou en lui donnant des conseils pour éviter des gestes qui réveillent la douleur. Par exemple, il ne faut pas prendre du poids, il ne faut pas surcharger le dos… C’est comme quelqu’un qui a l’asthme ou le diabète. Il peut vivre avec toute la vie avec sa maladie sans crise. Pour d’autres, on peut leur conseiller de ne pas s’asseoir pendant longtemps, de faire certains exercices mécaniques. Exemple : le vélo. Mais l’arthrose ne se guérit pas ; on apprend à vivre avec.

Quelles peuvent être les causes de ces maladies ?

La douleur lombaire peut avoir une cause nerveuse, musculaire, osseuse. Ça peut également être tendineux ou ligamentaire. Ce sont ces éléments sur lesquels on peut s’appuyer pour dire la cause de la douleur. Maintenant, quand la douleur s’installe, il faut une sémiologie. Cela permet d’évaluer le type de douleur. Est-ce une douleur localisée ou une douleur irradiante ? Est-ce que c’est une douleur mécanique (quand on fait un mouvement) ou qui fait mal au repos ? Est-ce que ça fait mal tout de suite ou bien une douleur lancinante ? A partir de la localisation, on peut savoir quelle est la structure qui se trouve là-bas et les tests à réaliser.

On peut faire des tests de schober ou lasec. On peut demander au malade de se coucher, jambe tendue. Si à 30 degrés, il a mal cela veut dire qu’il y a un conflit disco-radiculaire. On peut aussi lui demander de se tenir debout, de se courber, les genoux tendus, et d’essayer avec ses mains de toucher ses gros orteils. S’il ne parvient pas à le faire, ça veut dire qu’il y a un conflit disco-radiculaire. C’est à partir de cette sémiologie que l’on doit chercher une orientation diagnostique précise.

On peut demander une radio ; c’est l’examen le plus simple. On peut aussi demander un scanner. Si le scanner ne révèle pas grand-chose, on peut demander une IRM. Ce sont ces examens qui vont révéler une certitude de diagnostic. Chaque traitement est en rapport avec le diagnostic établi. Et dans certains cas, comme les contractures musculaires, on peut prescrire le massage. Mais, le massage, ça doit se faire chez de vrais professionnels, parce que c’est un acte de soins.

Est-ce que toutes les maladies cervicales nécessitent un massage ?

Non. Il y a des étapes où c’est même extrêmement dangereux de se faire masser. Par exemple, un malade qui a une douleur lombaire en phase aigüe, c’est formellement interdit de faire le massage, parce que les influx de la douleur sont si importants que, quand vous massez, vous créez des phénomènes de frottement. Or, le frottement augmente les influx de la douleur. C’est pourquoi une personne peut te dire que ses douleurs se sont aggravées avec le massage. Il est formellement interdit de masser une déchirure musculaire, des tumeurs ou un mal de pott (tuberculose osseuse). Cela va aggraver la situation. Je dois juste préciser que le massage est un terme galvaudé. Le terme qui sied le mieux est la rééducation fonctionnelle.

Qui est habilité à faire ces massages thérapeutiques ?

C’est ceux qui ont fait leur formation en kinésithérapie. Le massage, comme je l’ai dit, est un acte de soin dévolu aux kinésithérapeutes, comme l’acte d’injection intramusculaire. C’est un soin infirmier. Malheureusement, au Sénégal, il y a un vide juridique. Il n’y a pas un code de la santé. Le seul texte qui existe date de l’époque coloniale (décret de 1953). Mais c’est le texte qui fait référence. Ce texte dit clairement que le massage est un acte réservé aux masseurs kinésithérapeutes. Et pour ouvrir un cabinet de kinésithérapie, il faut avoir un diplôme d’Etat et répondre à un cahier de charges. C’est pourquoi, je m’étonne, quand j’entends dire que des personnes ont l’agrément pour ouvrir des salons de massage. Cela n’existe pas au Sénégal. Le massage est un acte de soins. Les gens peuvent ouvrir des salons de beauté ou autre chose, mais pas de salons de massage thérapeutique. Maintenant, ils peuvent faire de la pédicure, manucure et se permettre même de faire des massages. Mais avoir une autorisation expresse pour faire du massage thérapeutique, j’en doute fort. Qu’on nous dise qui leur délivre ces agréments.

Existe-t-il beaucoup de kinésithérapeutes au Sénégal ?

Pour le moment, ceux qui sont en activité dans les structures sanitaires, c’est environ entre 60 et 70. Dans beaucoup de régions, il y a au mieux un seul kiné. Il en est ainsi de Matam, Tamba, Kaffrine, entre autres. A Kédougou, il n’y en a même pas. C’est-à-dire que quelqu’un qui fait un AVC doit faire plus de 200 km par semaine pour se rendre à Tamba et se soigner. C’est valable pour Sédhiou. Beaucoup de localités en sont dépourvues.

Est-ce que le traitement coute cher ?

Non. Ce n’est pas cher. Si dans ces salles de massage, on paie 30000 ou 20000 Francs, chez nous avec 4500 francs, on peut se faire masser par des professionnels, des diplômés d’Etat qui connaissent le trajet des nerfs, les types de muscles et tout. Des professionnels qui connaissent l’effleurage, la friction, le pétrissage et qui connaissent les dangers du massage… Celui qui n’est pas professionnel ne peut savoir que telle personne a une lombalgie en phase aigüe. Elle ne sait pas si c’est une douleur purement musculaire, une irritation ou une compression du nerf sciatique… Elle ne sait pas si vous avez un problème de tumeur. Et quand on ne sait pas, on fait des dégâts. C’est comme ces pseudos guérisseurs. C’est la même chose, c’est extrêmement dangereux de les fréquenter, quand on est malade. C’est à cause de ces genres de pratiques qu’on retrouve beaucoup d’insuffisance rénale dans ce pays.  

N’y a-t-il donc pas lieu d’assainir ce milieu ?

C’est impératif pour l’intérêt et la sécurité des malades. Ces salons de massage, c’est comme quelqu’un qui se lève, qui ouvre son site et s’érige en journaliste. Il fait du chantage et insulte d’honnêtes citoyens. Est-ce cela le journalisme ? Mais, c’est la même chose. C’est pourquoi, je doute fort que le ministre de la Santé puisse leur délivrer des agréments. A moins qu’ils dépendent d’autres départements. Il faut vraiment remettre de l’ordre dans tout ça.

MOR AMAR

 

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