Publié le 5 Oct 2020 - 23:16
L’IMPLICATION DES MANJAKS DE MBACKE DANS LE GRAND MAGAL DE TOU BA

Au nom de l’amitié et du bon voisinage

 

Les Manjaks de la ville de Mbacké, affectueusement appelés ‘’Ndiago de Serigne Fallou’’, préparent le grand Magal de Touba, à l’instar des fidèles mourides. Leur implication dans l’organisation de ce grand évènement religieux s’inscrit dans la continuité des relations ayant jadis liées leurs ancêtres au deuxième khalife général des mourides, Serigne Fallou Mbacké.  

 

‘’Ténou Ndiago’’ (puits des Manjaks), quartier de Mbacké habité majoritairement par des chrétiens, n’est pas en reste, dans la célébration du départ en exile de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Les préparatifs vont bon train, dans cette zone située à quelques encablures du centre-ville de Mbacké.

A cinq jours du grand Magal de Touba, c’est le nettoyage matérialisé par une forte mobilisation. Les jeunes, engagés pour une même cause, sont sortis massivement dans les rues. Chacun est venu avec son outil de convenance  (râteau, brouette, pelle, balai…). Des croix apposées sur la devanture de certaines maisons témoignent de leur occupation par des fidèles de Jésus-Christ certes, mais il est difficile de distinguer ces chrétiens de leurs voisins mourides. 

La famille Basse fait partie de la communauté manjak de Mbacké. Leur concession est située à quelques mètres du ‘’Ténou Ndiago’’ et porte l’enseigne de la croix de Jésus-Christ. Les membres de cette grande maison comptent soutenir leurs parents et amis, à l’occasion de la célébration du départ en exile de Serigne Touba. Néné Gomis, trouvée en pleine discussion avec ses fils,  revient sur l’implication des catholiques de Mbacké dans la plus grande fête de la communauté mouride.   Selon elle, les fidèles chrétiens jouent depuis très longtemps leur partition dans le  grand Magal de Touba. ’’Nous habitons à Mbacké, ville importante de la communauté mouride. Donc, c’est tout à fait normal qu’on ait des hôtes en cette période. Nous recevons chaque année des parents et amis, lors du Magal. Nous les traitons de la plus belle des manières, selon nos moyens’’, indique la dame.

 Jean -Marie Benoit Nzalé, agent de santé à la retraite, entretient également d’excellents rapports avec la communauté mouride de Mbacké. Ce père de famille dont la maison se situe sur la route de Kahel (arrondissement du département de Mbacké) a décidé de rester dans cette zone, après sa retraite, grâce au dialogue islamo-chrétien qui y règne. ’’Les fonctionnaires ont l’habitude de rentrer chez eux à la fin de leur mission. Mais moi, je me suis sédentarisé dans ce quartier habité majoritairement par des Manjaks. J’ai d’excellentes relations avec des fils et petits-fils de Serigne Fallou Mbacké (deuxième khalife général des mourides entre 1945 et 1968). 

Concernant sa contribution dans la commémoration du départ en exile de Cheikh Ahmadou Bamba, le vieux souligne qu’il ne peut pas ne pas s’impliquer dans ce grand évènement. Pour lui, leur cohabitation avec des dignitaires mourides et leur rapprochement à la ville sainte de Touba les obligent à être solidaires envers leurs voisins. ‘’Nous sommes obligés de soutenir nos frères mourides, en cette période de Magal, du moment que nous sommes à quelques kilomètres de Touba. La particularité de notre quartier, c’est qu’il n’y a pas de distinction de foi, en cette période de Magal.  Tout le monde est totalement engagé et impliqué, y compris les chrétiens et les tidianes. Je suis chef de famille chrétien, mais cela ne m’empêche pas de préparer des  repas copieux pour des pèlerins. Je le fais au même titre que les mourides et les tidianes.

Leurs ancêtres invités par Serigne Fallou à prendre part aux travaux de la grande mosquée de Touba   

Selon Antoine Basse, de jeunes chrétiens sont devenus musulmans, mais cela n’a pas eu d’incidences dans leurs rapports avec les mourides. Les relations entre les Manjaks et les mourides de la ville de Mbacké remontent à la veille des indépendances. Elles ont été initiées par Serigne Fallou Mbacké. C’est ce qui explique d’ailleurs l’appellation les ‘’Ndiago de Serigne Fallou’’ qu’on leur a attribuée depuis très longtemps. Le guide religieux les a autorisés à habiter ce quartier. ‘’Si les Manjaks parviennent à vivre ici en toute tranquillité, c’est grâce à Serigne Fallou’’, renseigne Néné Mendy.

D’après Antoine Basse, le deuxième khalife de Cheikh Ahmadou Bamba avait autorisé leurs grands-pères Lys Mendy et Alassane Mendy à rester à Mbacké à la fin des travaux de peinture de la grande mosquée de Touba. ‘’Nos grands-pères font partie de ceux ont peint la grande mosquée de Touba. Ils ont quitté Sangalkam pour venir à Touba, à la demande de Serigne Fallou.  C’est à la fin des travaux que le marabout leur a demandé de rester à Mbacké’’.

D’après le jeune chrétien, leurs relations ont perduré, malgré la différence de religion. Cette amitié a été consolidée par la plaidoirie de l’ex-khalife des mourides pour l’érection d’une église à Mbacké. ‘’Nous avons obtenu une église grâce à l’aide de Serigne Fallou. C’est lui-même qui a posé la première pierre et tracé le terrain.

Jean Benoit Nzalé : ’’El Hadj Bara Fallilou Mbacké est mort dans mes bras‘’

Jean Benoit Nzalé, lui, a eu des relations particulières avec El Hadj Bara Fallilou (sixième khalife général des mourides, entre 2007 et 2010. Selon lui, le guide religieux lui avait donné l’ordre de suivre certains membres de sa famille. Monsieur Nzalé confie d’ailleurs qu’il a été la dernière personne à avoir discuté avec le marabout, avant son rappel à Dieu. ‘’Il est mort dans mes bras, à son lieu de retraite spirituelle, à Touba Allieu. C’est moi qui suis parti confirmer son décès, en téléphonant directement au médecin. C’est par la suite que des dignitaires mourides et ses frères m’ont demandé de rester sur place. Ils craignaient que l’information soit donnée avant l’inhumation. Ce jour-là, j’ai passé la nuit à Touba Allieu. J’étais avec un médecin de l’hôpital Aristide Le Dantec et un autre kinésithérapeute’’, se souvient l’ancien chef de la Croix-Rouge de Mbacké.

Jean Benoit Nzalé ajoute qu’il recevait sa famille chaque année, chaque Vendredi Saint (jour de la Passion du Christ, marquant le dernier jour du carême chrétien) dans le cadre de la distribution du ‘’ngalakh’’ aux musulmans. Il nous a accueillis à Touba Allieu avant qu’il ne devienne khalife général des mourides. C’est par la suite qu’il a reçu mon épouse et ma fille, durant les trois années de son califat, entre 2008 et 2010), à la résidence Khadim Rassoul.

Monsieur Nzalé et ses fils perpétuent leurs relations avec la famille du défunt fils de Serigne Fallou.  

OUMAR BAYO BA

 

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