La voie du succès

L’implantation des cantines scolaires est une avancée majeure. C’est le cas dans les établissements scolaires du département de Rufisque qui en disposent et qui connaissent, depuis, de bons taux de réussite scolaire. Le programme est soutenu par Counterpart International et ses partenaires dont CICODEV Africa – Sukaabe Janngo 2. Il s’agit d’un programme intégré d'alimentation scolaire visant à améliorer l'apprentissage de la lecture, la santé et la nutrition des enfants.
Selon une étude réalisée par le Programme alimentaire mondial en 2022, 24 % des écoles et établissements au Sénégal sont couverts par des cantines scolaires, soit un déficit de 76 % d’écoles non couvertes. C’est pour cela qu’il est important d’assurer l’universalisation de l’alimentation scolaire. Pour y parvenir, il faut un financement adéquat.
Dans ce sens, une autre étude menée par CICODEV a montré que sur les 1 000 milliards alloués au budget du ministère de l’Éducation nationale, seul 0,11 % (1,1 milliard) est affecté à l’alimentation scolaire. Ce qu’il faut augmenter pour accorder à ce secteur la place qui lui revient.
D’après le chef de la division des cantines scolaires au ministère de l’Éducation nationale, la situation des cantines scolaires au Sénégal n’est pas catastrophique. El hadji Seck souligne qu’il y a eu par le passé des difficultés liées à des financements insuffisants par rapport aux ambitions de couverture. « C’était un programme supporté à hauteur de plus de 60 % par les partenaires, ce qui a engendré une vulnérabilité manifestée par une baisse annuelle de la couverture », renseigne-t-il.
« Mais aujourd’hui, ajoute-t-il, on peut se réjouir de la volonté des nouvelles autorités à booster ce secteur, du fait que les cantines sont désormais identifiées comme une priorité nationale. Dans le cadre global, il faut reconnaître qu’au-delà des cantines, les autorités du ministère ont pris bras-le-corps la lutte contre les vulnérabilités. Des analyses ont montré que si le système éducatif n’a pas atteint les résultats escomptés malgré les efforts, c’est parce que la question des vulnérabilités n’a pas été suffisamment prise en compte. C’est ce qui a motivé le ministère à mieux adresser cette question ces derniers temps ».
Il précise qu’il existe actuellement une base de données relative aux vulnérabilités, signifiant que leur lutte constitue une priorité, les cantines en étant un instrument clé. « Le budget, auparavant dérisoire (1,3 milliard), a été doublé par les nouvelles autorités. Je n’ai jamais été aussi optimiste quant à l’avenir des cantines, au vu des actions engagées. Le ministère a mis en place une plateforme de suivi pour évaluer l’impact concret de ces orientations sur les cibles », insiste-t-il.
Les impacts des résultats sur les écoles qui bénéficient des cantines
Sur ce point, El hadji Seck est d’avis qu’en mettant en place des cantines, on améliore les conditions de travail. Un enfant qui, sans la cantine, faisait deux fois la navette (trois kilomètres pour aller au village et revenir) aurait, selon lui, des performances minimes. « Aujourd’hui, la mise en place des cantines favorise le développement cognitif, l’attention, mais surtout la fréquentation, et ça permet aux enseignants d’avoir un certain regard sur les élèves en termes de sécurité. Cela va aussi booster le temps d’apprentissage des enfants. En tout cas, l’importance des cantines n’est plus à démontrer au regard de tous ces impacts. Si vous regardez bien au niveau de Rufisque, la mise en place des cantines a contribué à une meilleure cartographie. Il fallait véritablement apprécier le niveau de couverture de manière réelle. Nous savons désormais combien de partenaires interviennent dans les cantines, où ils interviennent, pour quel nombre d’enfants et dans quelle école. Ça, auparavant, on ne l’avait jamais vu », souligne-t-il.
Ainsi,« ce nouveau dispositif , annonce le chef de la division des cantines scolaires, s’inscrit dans cette logique. Nous avons désormais l’essentiel des cantines, et bientôt, nous allons publier le rapport annuel sur la situation des cantines scolaires au Sénégal, qui sera partagé avec tous. Ce qui est intéressant, c’est que nous menons cette activité de manière participative et inclusive, car tous les acteurs et partenaires sont impliqués dans ce processus’’.
Selon ses confidences, actuellement, ‘’le taux de couverture est de moins de 15 %. Nous étions à 23 % en 2023, mais en 2024, nous sommes autour de 15 %. Ce recul s’explique par le retrait d’un partenaire stratégique, le PAM, dans plusieurs régions. Le PAM soutenait un nombre important d’écoles, mais face à des difficultés de mobilisation de ressources, il a dû réduire son champ d’action’’.
Pour lui, « le ministère est désormais déterminé à prendre en charge toutes ces écoles, car l’objectif est de ne fermer aucune cantine, compte tenu de son importance pour les établissements bénéficiaires. Concernant les cadres juridiques, on évoque de plus en plus une loi sur l’alimentation scolaire ».
À Niangal 1 (Rufisque) : 50 % de taux de réussite avant 2022 et 86 % en 2023
Thiemokho Cissokho, enseignant à l’école Niangal 1 (Inspection d’académie de Rufisque), revient sur la gestion de la cantine scolaire. Selon lui, celle-ci implique toutes les classes : « Les élèves contribuent à hauteur de 100 FCFA pour le déjeuner (mardi et jeudi) et 50 FCFA pour le petit déjeuner (lundi, mercredi et vendredi). Avant 9 h, le responsable de chaque classe, aidé par l’enseignant, collecte les participations. Ainsi, nous savons exactement combien de marmites commander ».
Il souligne une forte implication des enseignants : « La cantine scolaire est cruciale dans l’école : c’est un moment de partage et de socialisation. Elle permet une alimentation riche et équilibrée à prix abordable. Les élèves participent aussi activement au lavage des marmites avant et après les repas. En termes de résultats, nous avons constaté une amélioration au CFEE (Certificat de fin d’études élémentaires) ces dernières années. Notre école a même atteint la finale des jeux "Gestu" cette année. Si je ne maîtrise pas notre classement départemental, je constate une nette progression : nous étions à moins de 50 % avant 2022, puis à 86 % en 2023. En 2024, le taux est redescendu à 50 %. Les raisons de cette baisse restent floues, d’autant que les résultats de Diamniadio n’étaient pas disponibles en 2024 ».
Il conclut en évoquant des défis logistiques : « La cantine manque de réfectoire. Les marmites, bols et gobelets sont stockés dans une salle de classe, et le lavage prend du temps. Il se fait après 13 h avec les élèves »
Le cas du Lycée moderne de Rufisque qui polarise 10 établissements
Au niveau du Lycée moderne de Rufisque, un comité est chargé de la gestion des cantines scolaires, ce projet étant porté par le conseil départemental et ses partenaires. Ce comité regroupe l’ensemble des acteurs scolaires et administratifs du département.
D’après Mamoune O. Ndiaye, président de l’Association des parents d’élèves du Lycée moderne de Rufisque, président de l’Association des parents d’élèves du département de Rufisque, et gestionnaire de la cantine scolaire du lycée, « des contrats ont été signés avec des fournisseurs et les cuisinières travaillant à la cantine ». La cuisine centrale est située au Lycée moderne de Rufisque, d’où les repas sont livrés aux 10 établissements bénéficiaires avant la pause déjeuner (lycées, CEM et écoles).
« L’objectif des cantines est de fournir une alimentation riche et variée tout en soutenant l’économie des producteurs locaux. Nous achetons tous nos produits dans la zone. Bien que les cantines ne soient pas l’unique raison de la hausse des résultats, toutes les écoles en bénéficiant ont vu leurs performances s’améliorer. Au Lycée moderne – où se trouve la cuisine centrale – nous avons atteint 81 % de réussite au Bac cette année pour 2 600 élèves, avec plus de 105 mentions. Le même constat s’applique au Lycée Abdoulaye Sadji et aux autres CEM. Cela s’explique par le temps gagné : les enfants se reposent et mangent sur place, évitant les allers-retours épuisants. Ces facteurs contribuent clairement à leur succès », explique-t-il, précisant que « les repas sont subventionnés avec un contrôle strict des contributions des élèves ».
Difficultés rencontrées et recommandations
Toutefois, les difficultés ne manquent pas. « Le principal défi reste le financement, surtout depuis la fin du projet principal soutenu par notre bailleur. Nous devons trouver d’autres sources de fonds, notamment via des partenariats avec les entreprises locales ou un appui accru de l’État, d’autant que l’infrastructure logistique existe déjà », indique Mamoune O. Ndiaye.
Ce faisant il recommande une meilleure promotion des cantines scolaires, l’adoption d’une loi pour institutionnaliser ces structures, l’augmentation du budget dédié, et un engagement renforcé des entreprises via leur RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). « Nous lançons un appel aux personnes de bonne volonté et aux sociétés de Rufisque : la cuisine centrale nourrit quotidiennement 3 500 élèves (petit-déjeuner ou déjeuner). C’est un enjeu vital pour notre jeunesse », a-t-il insisté, rappelant son triple rôle : président des parents d’élèves du lycée, président départemental de l’association, et gestionnaire de la cantine
TÉMOIGNAGES A. L. SY (ÉLÈVE D’UN LYCÉE BÉNÉFICIAIRE) « Ce que je souhaite avec les cantines scolaires » « C’est une excellente chose de bénéficier des cantines scolaires. Elles nous évitent de faire des allers-retours à midi et nous permettent de manger à l’heure avec des repas de qualité. Contrairement à ce qu’on trouve chez les vendeurs de rue, ici l’alimentation est équilibrée et peu coûteuse. Mon seul souhait est que ces cantines soient généralisées à tout le département et que toutes les bonnes volontés s’impliquent davantage ». SOKHNA. F. (ÉLÈVE D’UNE ÉCOLE PRIMAIRE) « Nous souhaitons sa continuité car c’est très bien pour nous, les élèves du primaire » « Je ne saurais décrire tous les avantages que les cantines scolaires m’apportent. J’économise du temps et de l’argent. Avant, rentrer chez moi à 13 heures me prenait trop de temps. Maintenant, je me concentre mieux sur mes études, je fais mes exercices et j’ai même le temps de me reposer. Nous voulons absolument que ce projet continue : c’est essentiel pour nous ». |
Par Cheikh Thiam