Publié le 7 Feb 2024 - 16:31
LE SÉNÉGAL

Une nation perdue par la roublardise

 

Depuis plusieurs années, un nouveau type de sénégalais est apparu dans la sphère politico-médiatique. Un sénégalais roublard, opportuniste, usant sans complexe de la ruse, la calomnie et le mensonge pour arriver à ses fins. D’une présence timorée dans la vie publique à la fin des années 90, il s’affirme et s’impose dans la vie publique, politique et médiatique à la faveur d’une l’alternance du pouvoir en 2000. Depuis, ce nouveau type de sénégalais, une vraie vermine, a fini d’infiltrer les institutions républicaines, religieuses et coutumières, les organisations politiques, les syndicats professionnels, les médias, la société civile, la population entière avec pour seul et unique objectif la réalisation pleine et complète de ses intérêts.  

D’intrus, ce nouveau type de sénégalais est devenu le citoyen lambda.  

Sa recette lui ayant bien servi, il fait des émules. Il est le nouveau modèle à suivre. Et la roublardise, le nouvel ascenseur social. On est loin du Sénégal des années Senghor et Diouf où le citoyen modèle est celui ou celle qui se distingue par son savoir, son élégance républicaine, ses valeurs morales.  

Au nom de la réussite financière, les valeurs morales sont bafouées, considérées d’un ancien temps. Le citoyen sénégalais adulé aujourd’hui, c’est celui qui ne sait justifier l’origine de sa fortune, roule en 4x4, entretient plusieurs épouses, dépense avec outrance et se goinfre de victuailles tous les soirs – on le voit d’ailleurs à la rondeur de sa bedaine. La sénégalaise adulée, c’est celle qui se pavane parée d’or et des plus beaux atours même pour faire son marché du samedi, dépensant à outrance dans les cérémonies, avide de flatteries, entourée d’une bande de troubadours et bongomans à ses moindres déplacements. Ce citoyen comme sa consœur répond à toute critique par l’insulte et la calomnie, au mieux par le mépris. Comme il s’est généralisé au sein de la population, tout contre modèle se retrouve moqué et marginalisé.  

Nos hommes politiques, les acteurs médiatiques et de la société civile sont pour beaucoup à l’image de ce nouveau type de sénégalais. C’est ce qui nous conduit dans l’impasse dans laquelle se trouve le Sénégal aujourd’hui. Des politiciens roublards dont l’unique objectif est la préservation de leurs privilèges sont entrain de conduire notre barque commune vers des eaux troubles et dangereuses. Face à eux, les guides religieux et coutumiers, autrefois véritables remparts sociopolitiques, se muent dans un silence peiné, drapés dans leur dignité.

Je ne sais pas comment la situation présente sera résolue, mais ce dont je suis certaine, c’est que si l’on ne combat pas jusque dans les moindres recoins du pays ce nouveau type de citoyen, si on ne remet pas au centre de l’action publique l’éthique et la morale, cette séquence malheureuse de notre histoire que nous sommes entrain de vivre après le discours de Macky Sall, ne sera que le préambule d’un long roman noir dont on ignore laquelle des générations à venir en écrira l’épilogue.

Oumhany Sy
Sociologue

Section: 
Notre souveraineté à l’épreuve de la dette
LIVRE - PAR TOUS LES MOYENS : Dix voix féminines sur le monde
La politique de l'oubli et la défiguration urbaine : Une analyse historique des blessures de Dakar
Attention, nous sommes sur une pente glissante
Piratage massif des Impôts et Domaines : Le pire arrivera si l’État ne fait rien
SOCIOTIQUE : " L'impact de l'IA sur le marché du travail
Dettes cachées : L’impossible transparence ? Le cas du Sénégal et les leçons de l’histoire
Le téléphone portable à l’école : Entre ouverture au monde numérique et vigilance éducative
La vallée du fleuve Sénégal : Entre espoirs et fragilités
PROJET DE CODE DES INVESTISSEMENTS : ANALYSE SOUS L’ANGLE DE LA SOUVERAINETÉ  ET DE LA RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE
Impératif de mémoire
De Saint-Louis à Diamniadio : L’héritage d’Amadou Mahtar Mbow pour un savoir partagé
Lettre Ouverte adressée au Procureur Général près du Tribunal de grande instance de Tivaouane
Vivre pour la raconter : A la mémoire de mon BFEM, à la mort en face, à mon petit frère
Analyse Économique Comparative : Le Sénégal face à la Guinée, un dépassement temporaire ?
La ligne radicale du Premier ministre Ousmane Sonko l'emporte sur la ligne modérée du Président Diomaye Faye
LE JOOLA, 23 ANS APRÈS : Un appel à la justice et à la dignité pour les familles des victimes
Sénégal : Quand l’urgence devient méthode
POUR PRÉPARER LA RUPTURE AVEC LE NÉOCOLONIALISME : PASTEF DOIT REDEVENIR L’ORGANISATEUR COLLECTIF DU PEUPLE!
Abdou Diouf, la RTS et la mémoire nationale : Encore une occasion manquée