Publié le 4 Jun 2016 - 04:07
LE VILLAGE NATAL D’EL HADJ OUMAR FOUTIYOU TALL VIT DANS LA PRECARITE

Alwar, mythique et pauvre

 

C’est dans le village d’Alwar, un patelin perdu dans le Podor,  qu’El Hadj Omar Foutiyou Tall a vu le jour, entre 1794 et 1797. Aujourd’hui, le « vieux » village est laissé à lui-même. Ses problèmes ont pour noms : pauvreté, manque d’infrastructures de base, enclavement, etc. En un mot, Alwar est dans la torpeur.  Le ziarra annuel de ce mercredi célébré en présence du khalife général de la famille omarienne,  Serigne Bachirou Tall,  a redonné, le temps de la manifestation, vie à ce hameau perdu dans le Podor. Reportage.

 

Alwar n’est pas aussi proche de Podor qu’on le pense. En classe de CM2, on apprend qu’El hadj oumar Tall est né à Alwar prés de Podor. En réalité, le village natal du saint homme est distant de 42 km de la ville. Encore qu’il faut braver des pistes crevassées, dominées par d’innombrables nids de poule pour y aller. Dans la bourgade vivent plus de  6000 âmes. Ces populations sont fières de l’histoire d’Alwar qui a vu naître le saint homme dont la force mystique extraordinaire a fini par faire de lui une vraie légende.

Elles se glorifient qu’El Hadj Omar Tall ait été l’une des plus grandes figures du 18ème siècle africain. Qu’il avait entièrement mémorisé le Coran à l’âge de 12 ans. Qu’il avait, à 23 ans, effectué le pèlerinage à la Mecque où il reçut les titres d’El Hadj et de Calife de la confrérie soufi Tidjane pour le Soudan. Qu’il fut le fondateur de l’empire toucouleur qui s’étendait de Tombouctou (Mali) jusqu’aux sources du Niger et du Sénégal. Que le saint homme a régné sur ce vaste royaume jusqu’à sa disparition dans les falaises de Bandiagara. Lui qui a livré plus de 100 Djihads et fut un grand conquérant et un symbole de la lutte anticoloniale.

« Alwar est plongé dans l’oubli »

Toutefois, cette fierté est une mince consolation en comparaison aux maux qui les assaillent depuis des lustres. Passée cette petite étincelle dans les yeux à l’évocation du saint homme, une profonde tristesse, une profonde détresse, étreint les voix à l’évocation de leur quotidien. En effet, à Alwar, la jeunesse est dans l’oisiveté la plus totale. Le chômage est le dénominateur commun de la frange juvénile, fragilisée davantage par l’absence d’infrastructures culturelles, sociales et sportives. « Alwar est plongé dans l’oubli. Nous n’avons presque rien. Nous n’avons ni zones d’activités, ni marché  digne de ce nom et encore moins d’infrastructures en mesure d’atténuer le stress et servir de lieu de refuge pour les jeunes chômeurs de notre village », se désole le jeune Aboubacry Sow. Son cri de cœur est appuyé par Absatou Diao qui souligne que les jeunes n’ont d’autres activités que de se tourner les pouces du matin au soir.

La précarité des conditions de vie est visible sur les visages des hommes et femmes rencontrés. Ici, la vie est dure. Des secteurs comme l’éducation et la santé souffrent de tout. Les populations interpellées déplorent l’absence de collège dans la localité.  « Le lycée se trouve à Ndioum (6 km). Une fois que nos enfants sont admis à l’entrée en Sixième, ils vont poursuivre leurs études là-bas. C’est vraiment éprouvant, si l’on sait les difficultés pour rejoindre cette ville ». En effet, il faut traverser deux fleuves pour s’y rendre. ‘’A cela s’ajoutent les frais de scolarité et de restauration. Avec toutes ces charges, le taux de déperdition scolaire est très élevé. Au bout de deux années seulement, beaucoup d’élèves sont obligés de jeter l’éponge, faute de moyens  », explique-t-on.

Dans le domaine de la santé, le village n’est pas mieux loti. « Nous disposons d’une pauvre case de santé qui est dans l’impossibilité de satisfaire les besoins pressants des citoyens. Il y a un déficit en personnel et en matériel. Cette case de santé est ouverte aux patients pour les premiers soins seulement. Elle ne peut prendre en charge les cas urgents pour lesquels, il est nécessaire de procéder à l’évacuation des patients vers Ndioum ou Podor», confient les populations. A cela s’ajoute le manque de lotissement et le problème de l’assainissement. En période hivernale, vivre dans ce village est presque impossible. « Nous demandons à l’Etat de faire des efforts pour nous doter d’un plan de lotissement et mettre en place un réseau de drainage des eaux de pluie et des eaux usées », martèle un jeune le visage renfrogné.

Alwar est le plus célèbre village du département de Podor. Paradoxalement, il reste incontestablement le plus mal loti, en matière de développement. Le nom d’El Hadj Omar est toujours associé à cette localité. Mais hélas, celle-ci tarde à voir le bout du tunnel. Comme un village martyrisé, il est resté à la traîne. Aucun projet d’envergure n’est venu améliorer le quotidien des villageois. Pour les infrastructures, Alwar est bien derrière par rapport à certains villages de l’Île à Morphil. Et le visiteur ne peut qu’être troublé par la vue de ce lieu qui semble aujourd’hui être abandonné.
Plusieurs secteurs vitaux restent, en effet, confinés dans une situation qui nécessite une prise en charge pressante. C’est le cas de l’agriculture, un secteur très important, qui n’arrive pas à porter le développement du village. Le constat est qu’Alwar ne profite pas de ses potentialités agricoles. Les populations se disent préoccupées par l’aménagement hydro-agricole des périmètres de la zone. Car les rendements ne sont pas toujours des meilleurs pour des raisons diverses liées à la production.

L’espoir renait avec le programme de réhabilitation des sites religieux

Comme un symbole, à Alwar, la mosquée où El Hadj Omar Foutiyou Tall avait l’habitude de s’acquitter de ses prières quotidiennes, ainsi que son lieu de retraite spirituelle, sont dans une vétusté sidérante. Les fidèles de dire que ces lieux ne sont pas dignes du conquérant qui a joué un rôle prépondérant dans l’expansion de l’Islam en Afrique et particulièrement en Afrique au sud du Sahara. Mais, pour d’autres, c’est pour garder l’originalité des lieux qu’il faut les laisser tels qu’ils sont. Aujourd’hui, avec le programme de réhabilitation des sites religieux, l’espoir renait. En outre, avec la dévotion du khalife de la famille omarienne, Serigne Bachirou Tall, Alwar compte  prendre son envol sur tous les plans.  « Ces lieux devaient être réhabilités depuis longtemps. Mieux encore, le village d’Alwar, lieu de naissance d’El Hadj Omar Foutiyou Tall, et toute l’Île à Morphil devraient être désenclavés », dit-on.

Le ziar a été une occasion pour les fidèles de soutenir que le cheikh n’était pas seulement un leader spirituel, mais également un homme d’action toujours préoccupé par un meilleur devenir de ses semblables. « Nous devons donc œuvrer pour la réhabilitation de ces édifices », soutiennent-ils. Ils restent d’avis que ces endroits devraient être des lieux de prières, de recueillement et de pèlerinage pour de nombreux fidèles musulmans. Car, ajoutent les populations du village, le Cheikh tirait sa vaste culture arabo-musulmane des solides études coraniques et théologiques reçues du Fouta à la Mecque, en passant par nombre de centres d’études islamiques tout aussi prestigieux en Afrique. 

FARA SYLLA (SAINT-LOUIS)

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