Publié le 31 Mar 2023 - 12:26
LES ENSEIGNANTS D'UN VERDICT

Entre regrets et apaisement

 

Malgré l'expédition, par moment, unilatérale et preste de l'affaire M. Mbaye Niang contre O. Sonko, il faut tout de même reconnaitre que le verdict rendu comporte des relents d'apaisement. 

En effet, il aurait suffi simplement que le Tribunal prononçât une amende correspondant à 1/000 du montant à verser en guise de dommage et intérêt au demandeur pour que le prévenu perde provisoirement son droit d'être électeur et par la même son éligibilité pour cinq (05) ans. Or le défenseur, condamné à une peine de deux (02) mois avec sursis et à réparer un préjudice, échappe de ce fait aux dispositions des articles L.29 et L.30 du code électoral.

Dès lors, l'on peut tenter d'apprécier ce verdict, du reste provisoire, en tirant quelques enseignements. 

En premier lieu, il démontre la capacité de l'État à garantir le fonctionnement normal de la justice par-delà les préjugés et renoncements. Il y a lieu de rappeler les nombreux renvois en vue du respect du droit au procès équitable. Toutefois, il regrettable de constater ce jour une remise en cause droit de la défense sous certains aspects... 

En deuxième lieu, il intègre les dispositions du code électoral qui instaurent la déchéance électorale automatique et indifférenciée sans qu'elle ne soit prononcée comme peine complémentaire par les juridictions. De ce point de vue, le juge a bien statué dans les limites du respect du droit fondamental de suffrage du citoyen.

En troisième lieu et subséquemment à la considération, le verdict n'en déplaise à certains partisans de tous bords, va dans le sens de contribuer à la sauvegarde de la stabilité et de la paix sociales et à la préservation de l'image de notre modèle démocratique. 

Enfin, la décision rendu par le Tribunal ne referme pas les portes du dialogue politique aussi nécessaire durant ce tournant si décisif que notre cher pays devra passer en gardant ce qu'il a de plus essentiel : les fondements de la République, la garantie de l'Etat de droit, la préservation de l’unité et la cohésion nationales, par-delà les convulsions inhérentes à toute compétition électorale. 

Pour ce faire, il ne faudrait surtout pas envisager une interprétation tendancieuse du code électoral - résultante d’un droit textuel - dans un sens qu'il n'édicte pas, même si le droit de recours est garanti dans les procès. L'article L.29-4 visant le jugement par contumace concerne les matières criminelles, ne saurait prévaloir dans le cas d'espèce encore que le cette disposition susvisée ne cite nullement le jugement par défaut. 

Il nous revient encore d'alerter les différents camps politiques sur l'urgence à revoir certaines dispositions du code électoral relatives aux conditions de participation à l'élection présidentielle, notamment les articles L.29 et L.30 ainsi les modalités régissant le système de parrainage. Sans oublier la problématique de l'enrôlement des promo-votants qui demeure une faiblesse malgré les efforts consentis depuis près de vingt (20) ans par l’Etat du Sénégal afin de moderniser et de fiabiliser le fichier des électeurs, ce qui a été attestés par les différentes Missions d'audit du fichier électoral. 

Sous ce rapport et en guise de rappel, il nous semble que la solution pour une prise en compte efficiente des promo-votants réside en la possibilité de l'enrôlement sur présentation du récépissé de la demande de la carte nationale d'identité biométrique CEDEAO comme ce fut le cas en 2018. De plus, la prorogation de la période de révision exceptionnelle des listes électorales préconisée par le Collectif des Organisations de la Société civile pour les Élections (COSCE) devrait être prise compte. 

Voilà des gages d'un processus électoral intègre, inclusif, apaisé. 
 
Le 30 mars 2023
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Président du Dialogue Citoyen 
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