Publié le 30 Jan 2014 - 19:39
LOYER EN BAISSE

 Des bailleurs qui ne veulent pas se faire hara kiri 

 

La loi sur la baisse du coût du loyer risque d’entraîner l’expulsion de plusieurs locataires. C’est du moins ce qui ressort de ce reportage effectué chez des bailleurs qui mijotent des coups vraiment foireux.

 

La baisse du coût du loyer risque d’avoir un effet boomerang. Des bailleurs interpellés sur la question ne semblent pas prêts à se plier à cette loi. Mieux, ils vont riposter à travers des subterfuges qui risquent de faire mouche. Dans sa maison sise à la zone de captage, A. Soumaré ne tient pas en place. Elle fait des va-et-vient, le visage renfrogné. Elle vient juste d’avoir une dispute avec un des locataires de sa maison qui lui a notifié, qu’en lieu et place des 50 mille francs qu’il payait chaque mois, il donnera 35.500 francs, ce mois-ci, en conformité avec la loi sur la baisse du coût du loyer.

Il n’en est pas question, pour A. Soumaré: ‘’Je me suis battue en Italie pour construire cette maison. Je n’accepterai jamais de la louer pour des miettes. En appliquant cette baisse, je ne pourrai plus honorer mon engagement avec la banque à qui je verse une somme fixe, en fonction de ce que je perçois’’, souffle-t-elle. Elle reprend encore plus furieuse: ‘’J’ai proposé à mes locataires de payer 43 mille, au lieu de 50 mille francs. Mais ils ne veulent rien entendre, faisant comme si cette maison était leur appartenance.’’

Elle envisage d’aller voir la commission mise en place pour gérer la baisse. ‘’Il faut que je sache à quoi tout ça retourne, parce que je trouve cette mesure inadmissible. Je ne refuse pas la baisse, seulement elle doit se faire à mon avis à travers une large concertation et l’octroi de délais’’, dit-elle, avant de partager sa ferme résolution.

‘’Si l’Etat insiste dans sa position de baisser le coût du loyer, je déguerpirai mes locataires, en leur faisant comprendre que ma maman et le reste de ma famille doivent venir vivre avec moi.’’ La vérité n’est pas forcément dans l’argumentaire de la dame, mais elle ira jusqu’au bout. Elle est en colère contre une loi qu’elle trouve injuste.

Ils sont nombreux à prendre la résolution de faire comme elle. I. Diop, bailleur à Castor, soutient la même chose. Confortablement assis sur une chaise, en face de la maison qu’il loue, l’homme explique sans ambages : ‘’Si les locataires veulent me contraindre à baisser le coût du loyer, je les déguerpirai, en prétextant la venue de membres de ma famille. J’ai ce droit. La loi me le permet. Il suffira juste de leur donner un délai de 6 mois.’’

Autres locataires, autres subterfuges. A Liberté 6, chez la famille Bâ, la pilule a du mal à passer. Toute la maison s’érige contre la baisse du coût du loyer. L’aîné de la famille, qui porte leur parole, est formel : ‘’ Si les locataires veulent nous imposer une baisse, nous leur demanderons gentiment de quitter, parce que nous voulons reconstruire notre maison. Les textes qui régissent la location au Sénégal prévoient cette possibilité’’. Pour cette famille, il n’est pas question de céder et peu importe les arguments juridiques qu’on leur oppose.

Ailleurs, des bailleurs ont décidé de pousser davantage le bouchon, en prenant les devants, à travers une augmentation du prix du loyer. Ces bailleurs veulent en effet minorer les pertes, en cas d’application de la baisse. Si ces subterfuges de bailleurs aboutissent, plusieurs locataires risquent de se retrouver à la rue ou à la recherche de nouveaux logis. A moins que l’Etat n’intervienne pour mettre de l’ordre dans ce ‘’big bazar’’. 

DES LOCATAIRES ENTRE DOUTE ET PEUR

Des lendemains tumultueux en perspective

Les réticences montrées par certains bailleurs, ou simplement le silence dans lequel ils s’emmurent, sèment le doute chez plusieurs locataires. Si d’aucuns notifient à leurs bailleurs l’application de la baisse, ce mois-ci, d’autres éprouvent beaucoup de mal à le faire. Les raisons sont multiples et tirent toujours leurs racines dans ce qu’ont été les rapports bailleurs-locataires, avant la promulgation de cette loi. Alassane, habitant de Liberté 6 extension, explique : ’’J’ai honte d’interpeller mon bailleur sur cette loi.

C’est un monsieur qui s’est toujours montré compréhensif envers moi, en cas de retard de paiement du loyer. Pour moi, lui parler de cette baisse relève d’une trahison. Cela peut vous paraître bête, mais c’est ainsi que je vois la situation’’.

Pour une autre raison, Mme Dia de la Gueule-tapée éprouve du mal à évoquer le sujet avec son bailleur : ‘’Il ne me dit rien depuis que le débat a été lancé et moi j’éprouve du mal à l’interpeller sur la question, parce que nous avons de bons rapports et j’habite dans sa maison depuis 10 ans.’’

Mme Dia estime que l’Etat devait agir en amont et en aval dans cette affaire, au lieu d’abandonner les locataires à leur propre sort. Elle y voit une fuite de responsabilités des autorités étatiques. Un point de vue pas du tout partagé par Idrissa Diémé qui confirme avoir déjà parlé à son bailleur : ‘’Je suis content de lui notifier la baisse, parce que mon bailleur aime fatiguer ses locataires à la fin du mois.

S’il rechigne à appliquer la loi, je l’amènerai à la police, car j’attends ce moment depuis longtemps’’, lance-t-il avec un sourire cynique. Selon lui, les locataires qui expliquent avoir honte d’appliquer la baisse ne sont pas ‘’normaux’’. C’est dire que la baisse du prix du loyer est partie pour réserver des lendemains tumultueux dans les rapports entre bailleurs et locataires.

Amadou NDIAYE

 

 

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