Publié le 25 Sep 2012 - 08:04
MAMADOU LAMINE DIALLO, DÉPUTÉ (MOUVEMENT TEKKI)

«Le développement du Sénégal, c’est l’affaire des Sénégalais»

 

 

 

 

La session extraordinaire a pris fin. Comment appréciez-vous le niveau des débats ?

 

Non, les débats de fond n’ont pas été abordés à l’Assemblée nationale. C’est un constat. Je pense qu’il y a beaucoup de nouveaux députés et qu’il faut leur laisser le temps de s’imprégner des dossiers pour ainsi dire. Aussi bien sûr l’avenir de nos institutions, celui de l’économie, nous ne les avons pas encore abordés. J’espère que ce sera le cas lorsqu’on va discuter de la loi des finances.

 

Comment comptez-vous vous y prendre durant cette législature ?

 

Déjà, nous avons fait un amendement sur le Conseil économique social et environnemental. Il est vrai que nous n’avons pas le temps d’en discuter en profondeur avec nos collègues députés de Benno Bokk Yaakaar. L'idée est d'avoir une institution qui, tous les ans, fait un rapport au président de la République en dressant l’état du pays dans tous les domaines. Cet amendement n’est pas passé parce qu’on n’avait pas suffisamment préparé les débats sur ça. J’espère que le gouvernement va l'intégrer, sinon je le ferai à nouveau (…).

 

Le Premier ministre, lors de la DPG, a annoncé un déficit budgétaire de 400 milliards de francs Cfa. Pensez-vous que les projections faites par Abdoul Mbaye sont réalisables ?

 

Le Premier ministre constate que lorsque le président Macky Sall est arrivé, le déficit budgétaire du Sénégal était de 455 milliards. C’est vrai... L’année 2011 n’a pas été bonne du point de vue de la croissance économique à cause de la pluviométrie, entre autres. Par conséquent, il faut traiter ce déficit budgétaire. Et le gouvernement a tout de suite pris des mesures dans ce sens. Mais les mesures d’économie budgétaire proposées par le gouvernement de Macky en année pleine donneraient 30 milliards. Ce sont mes estimations. Je peux me tromper. J’ai toujours défendu qu’au Sénégal, si on veut soutenir la croissance économique, le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 1% du PIB.

 

Les bailleurs de fonds ont exprimé un satisfecit sur l’état de nos finances publiques. Est-ce un bon présage ?

 

Vous savez, ces bailleurs de fonds-là, sous Abdoulaye Wade, ils avaient fait les mêmes constats alors que le gouvernement faisait un déficit budgétaire de 6% ; au moment où les rapports du Fonds monétaire international venaient nous dire que les perspectives étaient bonnes.

 

Vous pensez que ces bailleurs de fonds sont complices de la situation économique catastrophique du pays ?

 

J’ai travaillé dans ce domaine, je sais comment ça se passe. Le développement du Sénégal, c’est l’affaire des Sénégalais. Si nous ne sommes pas conscients de cela, nous sommes en train de perdre notre temps. Le Fonds monétaire international fait des missions au Sénégal régulièrement. Leurs mémorandums sont disponibles sur leur site web, tout le monde peut les lire et les comprendre. Donc, ce n’est pas parce qu’ils viennent nous dire que le gouvernement, entre juin et septembre, a bien travaillé qu’il faut se mettre à danser le tam-tam. C’est à nous de regarder ce que nous voulons faire pendant les 5 prochaines années. Aujourd’hui, le mouvement populaire et citoyen - Assises nationales, Benno Siggil Senegaal, le Mouvement du 23 juin - avait clairement indiqué la nécessité de mettre en pratique de ce qu’on appelle le patriotisme économique (...) La déclaration de politique générale intègre plusieurs aspects des préoccupations. Nous ne pouvons pas nous satisfaire des mémorandums du FMI, de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement (BAD). Ce dont on a besoin, c’est d’un programme précis, d’un chronogramme. Comment allons-nous résoudre le problème de l’emploi au Sénégal, l’électricité, l’assainissement ? Comment mettre en pratique les pôles régionaux de développement ? Quelles sont les différentes étapes qu’il faudra franchir pour arriver à ça ? Comment avoir un aménagement équilibré au Sénégal ? Comment parvenir à la paix en Casamance ?

 

Ce développement endogène que vous préconisez nécessite de disposer de ressources naturelles en grandes quantités, par exemple. Or, le Sénégal n’en dispose pas presque pas ?

 

Depuis 1996, j’ai écrit «Les Africains sauveront-ils l’Afrique ?» Le développement endogène ne nécessite pas nécessairement des ressources naturelles. Le cas du Japon le démontre aisément. D’abord, les priorités sont institutionnelles. Il nous faut avoir un cadre institutionnel stable, légitime aux yeux des Sénégalais. Il faut travailler à avoir des consensus forts dans les politiques publiques, dans le domaine de l’éducation. Sur 25 ans, il nous faut obtenir un accord sur notre système éducatif, sinon on va tourner en rond. Je l’ai dit depuis 2007. Abdoulaye Wade ne m’a jamais écouté, j’espère que Macky Sall m’écoutera dans ce sens. Nous étions sur un train de croissance de 5% entre 1995 et 2005. Le Document de politique économique et sociale le reconnaît. Il y a des rasions à cela.

 

Lesquelles ?

 

Abdoulaye Wade a fait chuter ce train-là de 5 à 3%. S’il ne pleut pas, on perd 1% de croissance. Le gouvernement de Macky doit nous dire comment il va faire pour rejoindre le train de 5%, puis 7%, puis 10%. C’est ça l’enjeu.

 

Macky Sall a annoncé la mise en place de la Commission de révision institutionnelle. Que fait-t-on des conclusions des Assises nationales dont vous êtes un des fervents défenseurs ?

 

Je soutiens ce que le président a dit pour la bonne et simple raison que je constate que nous Mouvement Tekki qui sommes défenseur des conclusions des Assises nationales, sommes minoritaire dans le pays.

 

Pourquoi ?

 

C’est un constat. Nous sommes allés aux élections, on a eu un député, donc nous savons parfaitement que nous sommes minoritaires. Si le président de la République fait le même constat que nous en disant que nous allons mettre en place une commission de révision avec Amadou Makhtar Mbow, c’est certainement pour rediscuter des conclusions des Assises nationales en l’élargissant aux gens du Parti démocratique sénégalais. C’est une manière élégante d’ouvrir le débat. On va y aller pour défendre notre point de vue. Si ces consensus vont dans le sens de l’intérêt des Sénégalais, nous sommes preneurs. Si c’est pour retarder le Sénégal, nous ne sommes pas d’accord et nous allons le combattre.

 

La question de la nationalité est revenue dans l'actualité. Vous aviez soulevé le débat là-dessus ?

 

Le Conseil constitutionnel ne peut pas ne pas regarder la question de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise pour les candidats à l’élection du président de la République. Je leur avais moi-même écrit, mais ils (les membres du Conseil constitutionnel) ne m’ont jamais répondu. Ils estiment qu’une déclaration sur l’honneur suffit ! Lors des concertations, nous allons sûrement poser cette question. J’avais posé le débat car le Mouvement citoyen et populaire exige qu’on respecte la Constitution et les lois. L’autre chose, c’est l’exigence patriotique. Nous sommes dans un monde de compétition où il faut défendre, chaque Sénégalais en ce qui le concerne, les intérêts du Sénégal. Donc, nous devons nous assurer que ceux qui ont en charge nos décisions publiques sont des patriotes engagés.

 

Le gouvernement a remis en place la Cour contre l’enrichissement illicite. Mais on ne sent pas les choses bouger ?

 

Le gouvernement a pris deux séries de mesures qui n’ont pas été peut-être bien explicitées. Ce sont les rapports réalisés sous Abdoulaye Wade par les organes compétents. Le nouveau régime les a transmis au niveau de la justice. La justice fait son travail. Nous sommes satisfaits. Maintenant, ce qui choque les populations, c’est que quelqu’un qui est poursuivi par la justice puisse utiliser les mêmes biens volés des populations pour se soustraire de la Justice et bénéficier d’une liberté provisoire. On me l’exprime tous les jours. Peut-être que la justice n’est pas suffisamment contraignante, je n’en sais rien. La deuxième mesure, c’est la Cour de l’enrichissement illicite. C’est vrai que c’est un travail difficile. Lorsque cette Cour veut s’adresser à d'autres pays, elle se heurte à des difficultés. Ce n’est pas simple. C’est très compliqué. D’ailleurs, la dame de Transparency international l’a bien dit (NDRL : dans l’interview qu’elle a accordée à EnQuête du week-end des 22 et 23 septembre). Ces gens-là (présumés avoir détourné des deniers publics) ont des conseillers financiers et juridiques astucieux. Dans le premier Benno que nous avions au début, j’avais proposé que nous ayons une loi qui permette de procéder à des nationalisations.

 

C’est-à-dire ?

 

Il faut renverser la perspective. Si nous devons mettre 17 ans pour recouvrer nos biens qui sont à l’extérieur, nous ne devons pas faciliter la tâche également à ceux qui sont au Sénégal. Par exemple, si nous savons que tel immeuble n’a pas été acquis de manière licite, on le nationalise et il est mis à la disposition de l’Etat sénégalais. Celui qui n’est pas content attaque en justice, mais il mettra 17 ans pour prouver que ce bien lui appartient.

 

Faudrait-il que l’on change la loi ?

 

Bien sûr que oui ! Je ne peux pas comprendre que la privatisation de Suneor (NDLR : ex-Sonacos) n'ait pu coûter que 5 milliards de francs Cfa, alors que le seul patrimoine immobilier de cette entreprise dépasse cette somme. Il faut que l’Etat revoie tout cela ! C’est pareil pour les Industries chimiques du Sénégal. On ne peut pas me dire que les ICS coûtent 40 milliards de francs Cfa. C’est inacceptable ! On en a besoin pour notre politique industrielle.(…)

 

Daouda BGAYA

 

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