Publié le 10 Oct 2012 - 13:42
MODOU DIAGNE FADA, PDT DU GROUPE PARLEMENTAIRE DÉMOCRATES ET LIBÉRAUX

«Macky Sall est pris en otage, il ne fera rien»

 

Pour le dernier ministre de la Santé de Me Wade, les dés de la gouvernance Macky Sall sont d'ores et déjà pipés. Il n'en sortira donc aucun résultat positif pour les Sénégalais.

 

 

 

Vous venez de tenir votre premier séminaire de réflexion et de partage. Peut-on parler d’un nouvel élan ?

 

C’est une initiative de la Fédération nationale des cadres libéraux que la direction du parti a tenu à soutenir. C’est un moment de réflexion, de discussions et d’échanges sur le devenir du Parti démocratique sénégalais. C’est un parti qui a été créé en 1974, qui a adopté son programme en 1976, conduit par un homme de dimension exceptionnelle, un panafricaniste résolu et un démocrate. C’est cet homme, à la suite de beaucoup de sacrifices, qui a permis au Pds d’accéder au pouvoir. Après avoir fait 12 ans au pouvoir, fait beaucoup de réalisations, entamé de nombreux chantiers, approfondi la démocratie en votant des lois révolutionnaires - par exemple la parité - nous avons perdu le pouvoir. Pour autant, le Pds n’est pas en fin de mission. Il doit continuer sa mission qui est de renforcer la démocratie, de consolider les acquis, pourquoi pas, de reconquérir le pouvoir d’ici 2017.

 

Avec quels moyens ?

 

Le Pds est en train de faire sa mutation et réfléchit sur le contexte nouveau qui s’est créé. Nous voulons reconquérir le pouvoir, il nous faudra revisiter le programme fondamental du parti qui est un peu notre offre politique, mais revisiter aussi les textes et règlements du parti. Ce sont des textes qui existent depuis 1974, 1976. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Nous avons besoin d’un toilettage des textes. Il nous fallait aussi réfléchir sur le financement du parti. Le secrétaire général national et les responsables ont beaucoup contribué. Nous avons parlé de financement public car, les partis politiques doivent être financés par l’Etat. Nous avons réfléchi sur un mode de financement qui proviendrait d’activités lucratives et d'une meilleure gestion de biens mobiliers du Pds, en plus des cotisations des députés et d'autres responsables.

 

Comment appréhendez le Pds après Wade ?

 

Me Abdoulaye Wade a été un homme multidimensionnel comme je l’ai dit tantôt. Mais quel que soit son devenir, le Pds va rester une force politique qui va continuer à s’inspirer de la vision de son fondateur. C’est une constante. Il ne sera plus le secrétaire général du Pds, mais il pourra en rester le président d’honneur. A ce titre, il sera consulté pour la bonne marche du parti.

 

Comment comptez-vous organiser votre congrès ? Y aura-t-il appel à candidatures pour le poste de secrétaire général national ?

 

Nous n’en sommes pas encore là. On envisage en 2013 de vendre les cartes, de renouveler les secteurs, les sous-sections, les sections, les fédérations, les conventions départementales, les conventions régionales, et aller en congrès pour désigner un secrétaire général. A cette occasion, soit il y a un consensus autour de tous les candidats. A ce moment, le candidat consensuel pourra facilement passer. Soit il n’y a pas de consensus, et tous les candidats, qui prétendent diriger le parti, se mettront devant les militants pour être départagés.

 

Peut-on s’attendre à des primaires ?

 

Nous n’avons pas encore retenu de formule. Cela peut se faire par des primaires, par le vote au bulletin secret, à travers des motions. Mais l’idéal, c’est le consensus. Si on y parvient, tant mieux. Sinon, les militants choisiront.

 

Seriez-vous candidat ?

 

Il ne faudra pas que les responsables du parti se lancent dans ces débats-là. Le moment venu, ce sont les structures du parti qui vont en décider. Je lance un appel à l’ensemble des frères et sœurs, qui sont intéressés par la direction du parti, d’attendre d’abord que le débat soit mûr et posé au niveau des instances pour éventuellement déclarer leur candidature.

 

La question des courants de pensée est revenue au cours du séminaire. Certains responsables rejettent l’idée, d’autres pensent que le débat doit être posé.

 

Personnellement, je n’ai aucun problème avec l’existence de courants au sein du Pds. Je suis pour des courants d’idée ; et la modernité ne l’exclut pas. Par contre, je suis, à l’heure actuelle, contre la création de courants.

 

Pourquoi ?

 

Nous sommes dans une phase de reconstruction du parti, de remobilisation, de réflexion. Nous sommes en train de voir comment regrouper l’opposition, les syndicats pour faire face au pouvoir de Macky Sall. A ce moment précis, parler de courant me semble un sujet de diversion. Mieux, il n’y aucun article du règlement intérieur du parti qui organise les courants. Tout le monde sait que les courants sont organisés. Qui va les porter ? Cela exige une motion sur la base du nombre de signatures enregistrées par le porteur du courant, etc. Si au cours du congrès, le parti organise son mode de fonctionnement, tout un chacun sera libre de créer son courant. Pour le moment, il faut rappeler tout le monde à l’ordre et se mettre au travail pour l’intérêt du parti. Sinon, le Pds risque d’être miné par des tendances et il ne pourra pas les gérer. Arrêtons ce débat-là et mettons-nous au travail !

 

Des anciens de l’Ujtl ont demandé l’exclusion de l'ex-Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye qui a dénoncé un prix bidon remis à Me Wade par le Fora. Y êtes-vous favorable ?

 

Nous sommes dans le cadre d’un parti démocratique. Ce qui m’engage, c’est le dernier communiqué du Comité directeur du Pds. Nous avons déclaré que le Pds salue le Prix Fora, félicite le président de la République Abdoulaye Wade pour avoir été désigné lauréat de ce Prix FORA. Et nous pensons que c’était important de rendre hommage à un homme multidimensionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons massivement participé à cette cérémonie. Maintenant, qu’un responsable du parti ait une autre position, c’est sa liberté. Je ne commente pas les points de vue défendus en dehors du parti. C’est un droit absolu.

 

Par le passé et pour moins que cela, vous avez eu à traduire des responsables devant la commission de discipline.

 

Qui ?

 

Par exemple Yankhoba Diattara, Idrissa Seck…

 

(Il coupe) Que ça soit Diattara, Idrissa Seck, que ça soit d’autres responsables qui ont été auditionnés par la Commission de discipline, ce n’est pas la suite d’une appréciation d’un Prix donné au président de la République.

 

Au cours de cette cérémonie de distinction, Me Wade a appelé les libéraux à se regrouper entre eux, les socialistes entre eux. Est-ce réaliste ?

 

Le président Wade a raison. Le débat politique a besoin d’être clarifié. On ne peut pas faire abstraction de l’idéologie. Je suis un libéral et je suis fier de l’être. Je connais des socialistes qui sont fiers de l’être. Ceux qui se ressemblent s’assemblent. Mais au Sénégal, ce n’est pas une priorité. On voit des socialistes gouverner avec des libéraux, des libéraux gouverner avec des socialistes. Il peut y avoir certes des variantes. Moi, je suis un libéral de centre gauche, il peut y avoir un libéral de centre droit, un libéral du centre centre. Allez à l’UMP (Union pour une majorité populaire, parti dominant de droite en France), ils sont tous de la droite. Il y en a qui sont de la droite droite, d'autres qui se réclament de la droite gauche, mais ils sont tous de la droite de manière générale. Au Sénégal, les libéraux doivent travailler ensemble, gérer ensemble. C’est valable pour les socialistes. Mais ce gouvernement «supu kanja» là ! La démocratie sénégalaise mérite plus que cela.

 

Pendant 12 ans, vous avez pourtant cheminé avec des partis d’obédiences diverses et colorées.

 

On peut le comprendre avec la première alternance de 2000. On peut aussi le comprendre avec la deuxième alternance intervenue le 25 mars 2012, mais il est venu le moment d’enclencher la réflexion pour que demain, ceux qui arriveront au pouvoir, gouvernent avec ceux avec qui ils partagent les même idées.

 

Comment appréciez-vous les 6 mois de Macky Sall à la tête du pays ?

 

Catastrophique ! «cin bu nàree neex bu bàxee xeegn» (NDLR : Ce qui s'annonce ne présage rien de bon). Maintenant, je suis convaincu que Macky Sall ne pourra pas gérer le pays et ne fera pas de résultats.

 

Pourquoi ?

 

Parce qu’il est en tenaillé, pris en otage. Il y a plusieurs centres de décisions.

 

Lesquels ?

 

Il y en a plusieurs. On décide au Palais, dans le parti, dans Benno Bokk Yaakaar, à partir de l’Assemblée des leaders. On ne peut pas gérer un pays comme ça. C’est la raison pour laquelle Macky Sall a des problèmes pour prendre en charge les préoccupations des Sénégalais. C’est lui qui avait dit qu’il allait baisser les prix des denrées de première nécessité ! Son équipe de campagne avait même fait des projections pour dire que le prix du riz allait être vendu à 300 francs et plus, que le sucre allait baisser. Aujourd’hui, le sucre importé coûte plus de 800 francs, le sucre en poudre est à plus de 600 francs. Le kilogramme du riz parfumé coûte plus de 500 francs, et il y a l’essence, le gaz butane, les factures d’électricité... C’est lui qui s’était aussi engagé à créer des emplois. Vous avez suivi à travers la presse des entreprises qui ont fait faillite et qui ont licencié du personnel. Au lieu de créer des emplois, il est en train d’aggraver le chômage. Quand il aura fait 12 mois, ce sera catastrophique.

 

Le président Macky Sall a quand même hérité d’une situation économique catastrophique. ?

 

Quelle situation catastrophique ?

 

Il y a un déficit budgétaire de plus de 400 milliards sous votre règne.

 

(Il coupe). Le déficit budgétaire… Nous avons emprunté de l’argent pas pour fonctionner, mais pour investir. Créer des infrastructures, faire des autoroutes, créer des aéroports, faire des hôpitaux, des écoles. Ces investissements-là sont en train de rapporter de l’argent. Vous avez entendu le président dire qu’il compte sur l’autoroute à péage qui, je le rappelle, permet à l’Etat du Sénégal de collecter 200 millions de francs par mois. Cela est un faux-débat. D’ailleurs, il faut être crédible pour pouvoir s’endetter. Ils se sont même rendu compte qu’ils ont passé 3 mois pour emprunter 950 milliards de francs Cfa. L’endettement fait partie des règles économiques de fonctionnement d’un État sérieux. Quand on quittait le pouvoir, nous leur avons laissé un budget de 2500 milliards de francs Cfa. Le Sénégal avait respecté 9 des 10 critères de convergence de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine). Nous avons respecté les critères de convergence de la Cedeao. Nous avions un pays qui était en voie d’émergence, un pays où les investisseurs étaient très enthousiastes de construire le Sénégal. Aujourd’hui, les investisseurs fuient le Sénégal à cause des suspicions. Ils ont bloqué toutes les entreprises.

 

Comment ?

 

Beaucoup d’entre elles ne sont pas payées. S’il (le pouvoir) continue à bloquer l’argent des entreprises, elles seront obligées de licencier. On a arrêté tous les chantiers pour dire qu’il faut auditer.

 

Par rapport aux audits, vous aviez défié le Premier ministre Abdoul Mbaye en ces termes : «Si vous avez quelque chose contre nous, sortez-le !»

 

Je le défie encore ! Et la réponse du Premier ministre a été : «Nous continuons à chercher les milliards soi-disant planqués à l’extérieur, mais cela pourrait prendre même 10 ans.» Il fait du bluff. Il voulait faire comprendre aux Sénégalais que tant que nous ne recevons pas ces milliards planqués à l’étranger, nous ne progresserons pas dans la prise en charge de leurs préoccupations. Or, ce n’est qu’une vue de l’esprit. Et les populations les ont découverts. Il faut qu’ils comprennent qu’il faut travailler, bien travailler pour pouvoir développer le Sénégal.

 

Daouda GBAYA

 

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