Publié le 12 Sep 2013 - 17:56
PAR MOMAR DIENG RUPTURE ENTRE REWMI ET BENNO BOKK YAAKAAR

 Idrissa Seck, carte et espérance d'une carrière

 

 

En route pour la présidentielle de 2017, l'ancien Premier ministre joue depuis hier une carte essentielle pour une carrière politique qui a souvent fléchi à cause de calculs malheureux. Sa rupture avec Macky Sall intervient à un moment favorable, au lendemain d'un remaniement imposé par les les difficultés du gouvernement dans plusieurs domaines.

 

Endurance, moyens financiers, crédibilité, figures compétentes, constance, baraka... Les trésors qu'il faudra à Idrissa Seck pour conquérir enfin le pouvoir ressemblent à autant de travaux de Sisyphe pour un homme qui commence à passer pour un looser, une sorte de Poulidor (NDLR : Raymond Poulidor, cycliste belge de renom, connu pour sa propension naguère à toujours terminer deuxième, très rarement premier) de la politique. La rupture officiellement intervenue hier avec la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) n'est pourtant pas, pour l'ancien Premier ministre, une mauvaise nouvelle en soi. Présentement, il peut surfer sur un terrain a priori favorable.

La situation actuelle du pays au plan social, les perspectives très moyennes de croissance économique dessinées par les experts, une volatilité continue des prix de denrées de première nécessité, l'incapacité du pouvoir à faire bouger les leviers bouchant les vannes de l'emploi de masse, représentent à l'heure qu'il est un formidable réservoir d'arguments pour un opposant déterminé à grignoter le capital de légitimité et de confiance du président de la République en place. Or, Macky Sall traverse, depuis son installation, une passe difficile dont la dernière illustration est l'explosion en vol du gouvernement d'Abdoul Mbaye pour laisser place à Aminata Touré chargée de booster la cadence des réformes et des réalisations.

Désormais délié de tout «contrat» avec ses anciens alliés, Idrissa Seck va affirmer une prééminence forte et un leadership capital sur un front d'opposition pure et dure contre Macky Sall et contre la coalition Benno Bokk Yaakaar. En roue libre sur ce terrain du fait du monolithisme partisan créé par BBY autour du pouvoir, le président de Rewmi serait d'autant plus à l'aise qu'il n'hésitera pas à se faire passer pour réceptacle et fédérateur de toutes les frustrations, déceptions et désillusions qui ont eu le temps de jaillir des entrailles de la gouvernance souvent chaotique de Macky Sall et de ses alliés. Sa capacité à prendre et à respecter le pouls du pays (après la catastrophe de ses apartés suspects avec Abdoulaye Wade au temps des chantiers de Thiès) et la neutralisation d'une arrogance supposée envers ses collaborateurs, ne seront pas de trop pour changer l'image terrible du calculateur froid, sectaire et sans état d'âme qu'il s'est forgé auprès d'une bonne frange de l'opinion sénégalaise. Ce qui lui a valu bien des déboires dans le passé...

 

Posture fédératrice

La meilleure chance d'Idrissa Seck, c'est que Macky Sall soit obligé, par les événements, de présenter un bilan de déception en 2017 après cinq ans de gestion des affaires de la cité. Le maire de Thiès aura alors l'avantage de ne pas devoir en être comptable. Auparavant, il aura eu le loisir de tester sa machine électorale et son offre politique lors des scrutins intermédiaires de mars 2017, d'où pourraient filtrer les premiers signaux de la bataille présidentielle.

Mais 2017, c'est à la fois proche et loin. président de la République, Macky Sall n'y sera pas en victime expiatoire tout désigné. Détenteur de tous les pouvoirs, s'il y arrive, plus ou moins certain de cheminer à ce moment avec sa garde rapprochée de Benno Bokk Yaakaar en attendant que l'Alliance pour la République se fasse moins tendre, le chef de l'Etat sera alors tributaire de son bilan. A cet égard, la fameuse prime au sortant ne sera opérationnelle que si les Sénégalais auront estimé que sa présidence a changé notablement leurs conditions de vie et d'existence. Dans le cas contraire...

Pour l'heure, il est indiqué de savourer cette rupture entre Idrissa Seck et ses alliés de Benno car c'est une formidable bouffée d'oxygène qui vient ainsi d'être offerte à une démocratie en état de captivité depuis mars 2012.

 

 

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