Publié le 2 Jul 2014 - 19:02
PORTRAIT D’IRAN NDAO

Un prêcheur adulé et contesté

 

La cote de popularité d’Iran Ndao, Ibrahima Badiane à l’état-civil, ne cesse de grimper. L’homme éblouit son public par son franc-parler. Il accroche des milliers de jeunes qui commencent à s’intéresser au discours religieux. Par la magie de Sen Tv, mais aussi par la magie de son verbe, Iran captive un monde fou.

 

 ‘’On recherchait un animateur d’émissions religieuses qui sort de la mêlée. On voulait quelque chose d’original à la télévision. Quand Pape Diène nous a proposé Iran Ndao, qui excellait à l’époque à la station régionale de Sud Fm Thiès, on a sauté sur l’occasion.’’ Mamadou Ndiaye Doss, journaliste à la Sen Tv, raconte ainsi les débuts d’Iran Ndao à la télévision, il y a deux ans. Il s’était rendu, à l’époque, avec son confrère Pape Diène, jusqu’à Tivaouane pour démarcher le prédicateur qui avait toujours vécu dans cette cité religieuse. La carrière de Iran Ndao prenait ainsi une tournure nouvelle.

Lui qui, pourtant, n’avait jamais rêvé d’une carrière dans la presse. ‘’Son intrusion dans le monde de la presse, témoigne Simon Faye, le rédacteur en chef de Zik Fm, s’est pourtant faite accidentellement. Car, c’est au lendemain d’une cérémonie d’hommage au vénéré Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh que les patrons de Sud Fm lui ont proposé une émission religieuse sur cette chaine. Ils étaient tombés sous son charme. Iran, qui a toujours voulu se mettre au service de l’islam, n’avait pas le choix’’. En 1997 donc, le prêcheur ouvre ce chapitre de sa vie. Son émission sur Sud Fm Thiès cartonne. ‘’J’y animais tous les jeudis de 9h à 10h 30’’, confie-t-il.

‘’C’est le meilleur’’

Aujourd’hui, avec la Sen Tv, Iran Ndao, qui revendique une liberté d’action et de mouvement, bouscule l’ordre établi et aborde des sujets qui fâchent. Il brise les tabous et parle de sexe de façon crue. Tout y est, dans son émission. Jeux de mots, gestuelle, langage dit débridé….Et pourtant, selon des témoignages recueillis de part et d’autre, Iran a toujours été constant dans ses démarches.

Yacoub Dieng, chauffeur de taxi, est l’un de ses admirateurs. ‘’Iran est un éducateur hors pair. Il a toujours été fidèle à sa conduite. Je suis ses émissions depuis ses débuts sur la radio Sud Fm Thiès. Il doit certainement porter ombrage à certains religieux, c’est pourquoi il est critiqué, mais son message produit des effets positifs chez les jeunes. Je trouve que c’est le meilleur. Il nous propose une lecture littérale des textes islamiques’’.

Iran Ndao progresse dans les enquêtes d’opinion. Il apporte de la plus-value à la Sen Tv en termes de taux d’audience, pour avoir su marquer une rupture qui tourne à son avantage, selon des responsables de la chaîne de télévision. Quand des islamologues usent de pudeur dans leur prêche, Iran utilise un langage cru qui relève d’une pédagogie dite terre à terre. ‘’C’est fait exprès. Avant qu’on ne me critique, j’ai pris le soin de prendre les devants, en soulignant dans mes émissions que je m’adresse aux élèves du Ci. Je fais exprès de baisser le niveau’’, dit-il.

Le natif de Malhem Hodar dans le Saloum déchaine des hostilités. ‘’Il est vulgaire’’. ‘’C’est un malade’’. ‘’C’est un perverti’’. ‘’Il est fou’’. ‘’On se demande comment la Sen Tv a-t-elle pu donner l’antenne à un tel vicieux. ‘’Des téléspectateurs sénégalais n’apprécient pas sa démarche dite innovatrice. Il lui est reproché d’être indécent. Son boss Simon Faye répond : ‘’s’il parle de sexe, c’est dans un cadre purement éducatif. Il essaie d’apporter du neuf.’’

Le principal concerné s’en défend. ‘’J’essaie, dit-il, d’apporter des explications claires et détaillées des préceptes islamiques, dans mes émissions. Les images sont plus éloquentes que le langage à la télévision. A l’école, les maitres utilisent des bâtonnets pour des cours d’arithmétique, dans des laboratoires de sciences, les professeurs font appel à des instruments et pour enseigner les sciences de la vie, au collège, on expose le corps humain avec ses parties génitales, sans que cela ne choque‘’, explique-t-il, au cours d’un entretien qui n’a pu se faire que dans l’une de ses rutilantes voitures.

Un talibé de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh           

Le prêcheur devait rallier ce jour-là, comme chaque mardi, après un enregistrement à la Sen Tv, la ville sainte de Tivaouane où il vit avec son épouse et ses deux enfants. Il rentre chaque jour dans cette ville sainte où il a fait ses humanités. Tivaouane, qui a marqué un tournant décisif dans sa vie. Iran a été à l’école du vénéré Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Sa maman a tenu à ce qu’il renforce ses connaissances religieuses auprès du saint homme. Son grand-père lui avait prédit un bel avenir, en raison de son attachement aux études coraniques et son dévouement à ses ainés. Il a aussi subi l’influence du défunt Khalife général des tidianes, Serigne Mansour Sy Borom Daaraji.

Iran renvoie l’image d’un marabout bouillant et impulsif. Et pourtant, il n’en est rien. Dans la vie de tous les jours, il dégage de l’élégance dans le geste et même de la grandeur, à l’instar des hommes d’esprit et de lumière. Ses mots sont mesurés. Il convainc dans le calme et fait preuve de modestie envers les autres. A  mesure que la voiture roule, il fait, de temps en temps et avec courtoisie, un signe de la main pour répondre aux nombreux gestes de salut des passants, tout heureux de rencontrer la star de la Sen Tv qui est aussi le maitre du ‘’daara‘’ Serigne Babacar Sy où il a appris les rigueurs de la vie ascétique.

‘’Depuis 20 ans, je jeûne tous les jours’’    

 ‘‘Je ne ramerai jamais à contrecourant des valeurs islamiques. Je suis un pur produit du ‘daara’ où j’ai tiré ce surnom d’Iran. Depuis 20 ans, je jeûne tous les jours. Je ne sors jamais de chez moi. Je ne fréquente aucune autorité religieuse ou politique. Je ne mange jamais hors de chez moi. Mon but est d’exhorter les Sénégalais sur les sentiers de la vertu, mais je n’hésiterai pas à me déshabiller à la télévision, si les enseignements l’exigent’’ souligne-t-il.

Seulement pour le professeur Khadim Mbacké, ancien chercheur à l’Ifan, Iran gagnerait à mettre un peu d’eau dans son vin. ‘’Je ne le suis pas régulièrement, mais il gagne en popularité. Il a dû cerner la mentalité des Sénégalais, pour user de ce ton. Il a dû épouser son époque, mais ce serait bien qu’il épouse l’esprit du Prophète (Psl) qui préconise la décence dans le geste et les propos.’’

‘’Ma fortune…’’

Pour autant, le célèbre prédicateur n’a rien à envier aux nantis. Il continue à refuser l’offre salariale du patron de D média, Bougane Gaye Dany, vu qu’il veut ‘’se mettre au service exclusif de l’islam’’. Pourtant, Iran est un religieux qui roule sur l’or. Il ne s’en cache pas. ‘’Je suis riche en Allah’’, répond-t-il. ‘’Ma richesse, c’est Allah’’, précise-t-il, avant de lever, avec un brin de fierté, un coin du voile sur une partie de son patrimoine. ‘’Je dispose d’un parc automobile assez fourni, avec des voitures de marque’’. Et d’ajouter : ‘’je suis aussi, par la grâce de Dieu, propriétaire de plusieurs maisons à Tivaouane et un peu partout, sauf à Dakar, car je n’aime pas habiter dans la capitale.’’

Iran a injecté, au mois de mai dernier, plus de 40 millions de F Cfa à la Mac de Thiès, en vue d’améliorer les conditions d’existence des détenus. Interpelé sur ce geste, il minimise : ‘’Je ne peux évaluer le montant dégagé. Je ne compte pas, quand il s’agit d’œuvrer pour la face d’Allah. Je dépense des millions de F Cfa, pour aider des personnes de différentes catégories sociales’’.

Iran exhibe avec fierté sa fortune, parce que, souligne-t-il, ‘’j’ai toujours gagné ma vie honnêtement. J’ai toujours refusé la main tendue. Je refuse les enveloppes bourrées de fric qu’on nous glisse’’. D’où tire t-il sa fortune ? Il dit lever le mystère en soulignant : ‘’je vends des noix de cajou, de l’eau glacée, du radi (crème glacée), depuis des années. Je tire mes revenus de ce commerce rendu florissant par Allah…’’

Matel BOCOUM

 

 

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