Publié le 15 May 2023 - 21:46
PROCES ADJI SARR VS OUSMANE SONKO

Vers une nouvelle semaine de tensions autour du leader de Pastef 

 

Une semaine après avoir été condamné pour diffamation et injures publiques, dans le procès en appel l’opposant au ministre du Tourisme, Ousmane Sonko est, à nouveau, attrait devant la barre pour une affaire pour laquelle le pays a déjà payé un lourd tribut.

 

Entre le 8 et le 16 mai 2023, Ousmane Sonko vit une des périodes les plus sombres de sa vie personnelle et de sa carrière politique. Le leader de Pastef/Les patriotes a été victime d’une première décision de justice menaçant son éligibilité en vue de l’élection présidentielle du 24 février 2024. Cette procédure n’ayant pas connu son épilogue, une autre commence, demain, avec tout autant de dangers pour le candidat déclaré au prochain scrutin présidentiel. Ayant été à l’origine de la mort de 14 personnes en mars 2021, les accusations de viols et de menaces de mort proférées par Adji Sarr à l’encontre du maire de Ziguinchor vont enfin être jugées devant un tribunal. Et vu les tensions politiques et les obligations face à la nature criminelle du procès, une nouvelle semaine s’ouvre sur des tensions maximales.

S’il était libre d’assister ou pas au procès l’opposant au ministre du Tourisme, Ousmane Sonko est dans un cas de figure différent en ce qui concerne le jugement de ce mardi. Se présenter à un procès devant la Chambre correctionnelle et à un procès devant la Chambre criminelle ne présente pas les mêmes dispositions préparatoires. Comme précisé par le Code de procédures pénales, en son article 238, en matière criminelle, ‘’l'accusé qui a été mis en liberté ou qui n'a jamais été détenu se présente, au plus tard la veille de l'audience, au greffe qui s'assure de sa représentation en justice’’.

Une absence de tous les dangers

Or, en décrétant une campagne de désobéissance civile pour protester contre ce qu’il juge comme une injustice depuis de nombreuses années, le leader de Pastef a annoncé qu’il ne répondra plus à la justice. Chose qu’il a déjà mise en pratique en sortant du territoire national (passage en Gambie), alors qu’il est sous contrôle judiciaire et son passeport confisqué par la justice. Lui considère que le contrôle judiciaire a pris fin, avec la fin de l’instruction et la tenue du procès. C’est pourquoi, il réclame la restitution dudit passeport.

Ainsi, lors de son procès en appel pour diffamation, Ousmane Sonko ne s’est pas rendu non plus au tribunal.

Si le maire de Ziguinchor prend de nouveau cette liberté pour ce procès qui l’oppose à Adji Sarr, le Code de procédure pénale a prévu son arrestation, à son article 239 qui dispose : ‘’L'ordonnance de prise de corps est exécutée, si dûment convoqué par voie administrative au greffe de la Chambre criminelle et sans motif légitime d'excuse, l'accusé ne se présente pas au jour fixé pour être interrogé par le président de la Chambre criminelle.’’ L’article ajoute même que le juge n’a pas besoin d’attendre cette éventualité. ‘’L'ordonnance de prise de corps est également exécutée sur décision motivée du président de la Chambre criminelle lorsqu'il estime que la détention de l'accusé est nécessaire. Cette décision est sans recours’’, continue le Code de procédures pénales.

Des rumeurs sur la mise en application de ces dispositions procédurales ont circulé durant tout le weekend, après que l’ex-procureur de la République, Alioune Ndao, présent au rassemblement du F24 pour dire non à une troisième candidature du président Macky Sall, a annoncé que l’arrestation du principal opposant du pays est imminente. Cette manifestation organisée à Dakar et à laquelle le maire de Ziguinchor devait être présent. Finalement, Sonko est resté dans sa ville, obligeant toute opération visant son arrestation à se dérouler là où il est l’administrateur.

Des jeunes gardent déjà la maison de leur maire à Ziguinchor

En attendant la décision des autorités judiciaires, les partisans du maire de Ziguinchor se préparent. Sur les réseaux sociaux, des images de jeunes, rassemblés devant une maison présentée comme celle d’Ousmane Sonko, circulent.    

Face aux conséquences d’une arrestation du leader de l’opposition, l’opportunité de cette décision est laissée au président de la Chambre criminelle. En mars 2021, l’interpellation d’Ousmane Sonko, en partance pour le tribunal de Dakar, a donné lieu à des émeutes particulièrement violentes durant des jours, ayant abouti à la mort de 14 Sénégalais et d’importants dégâts matériels.

Les heurts en marge de ses convocations au procès l’opposant au ministre du Tourisme ont encore fait deux victimes en mars dernier. Depuis, les jours de procès du leader de Pastef présentent des conséquences économiques indéniables.

En effet, des commerces et des banques sont fermés. Les lignes  des bus de Dakar Dem Dikk suspendues, le travail des livreurs perturbé par les interdictions de circulation des motos, sans oublier le coût de la mobilisation des forces de défense et de sécurité.

Un nouveau procès contre ‘’l’éligibilité’’

Déjà condamné en appel à six mois de prison avec sursis et 200 millions F CFA de dommages et intérêts, Ousmane Sonko voit son éligibilité fortement menacée, alors que ses avocats ont introduit un pourvoi en cassation à la Cour suprême.

Cette décision sonne-t-elle un retour vers de meilleurs sentiments dans son différend avec l’appareil judiciaire ? Cette procédure judiciaire reste la seule voie possible pour sauver sa candidature d’un rejet du Conseil constitutionnel, en attendant les résultats et accords conclus par l’éventuel dialogue politique appelé par le président de la République.      

Avec le procès Adji Sarr, un nouveau front s’ouvre pour le leader de Pastef dans sa périlleuse quête de la présidence de la République. Un de ses avocats est d’avis que ce qui se jouera dans le cadre de cette affaire n’est pas la tenue d’un procès criminel. ‘’Nous garderons à l’esprit qu’il s’agit d’une conspiration politique dont l’objectif déloyal est de priver un opposant politique de ses droits de compétir  à une élection lui permettant d’accéder aux plus hautes fonctions de l’État, à savoir la présidence de la République, et de continuer à occuper une charge publique’’, assure Maître Ciré Clédor Ly.

Lamine Diouf

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