Publié le 25 Jul 2018 - 01:11
PROCES EN APPEL DE KHALIFA SALL

La bataille des  arguments 

 

Les avocats de Khalifa Sall et ceux de ses co-prévenus ne démordent pas dans leur volonté de faire annuler la procédure initiée contre leurs clients.  Quant aux conseils de l’Etat, ils sont déterminés à ce que le procès se poursuive, en plaidant tout simplement le rejet de l’exception de nullité.

 

La défense continue de plaider l’annulation de la procédure initiée contre Khalifa Sall et ses co-prévenus condamnés pour détournement dans la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Surtout que, de l’analyse de Me Abdou Dialy Kane, ‘’il est clair que la première décision rendue par le premier juge, le 30 mars 2018, n’est pas fondée en droit’’. La raison est que ‘’tous les actes, dont le procès-verbal d’enquête préliminaire est le support principal, sont nuls’’. Selon son raisonnement, ‘’cette nullité entraine l’effondrement de la procédure d’information ayant abouti à la condamnation des prévenus’’.

Dès lors, Me Kane estime qu’il n’y a plus de dossier. ‘’C’est une nullité intrinsèque. C’est une règle protectrice. Quand on la viole, il faut que les conséquences soient tirées. Cette nullité est acquise de façon irrémédiable. Je sollicite humblement de votre cour l’annulation du Pv d’enquête préliminaire’’, a-t-il insisté. Dans ce sens, il a appelé les juges au sens de leur responsabilité. ‘’Votre responsabilité est grande. Elle est immense. Il y a aujourd’hui une mondialisation du droit. On ne peut plus se mettre dans une tour d’ivoire pour faire des choses sans prendre en compte qu’elles vont se retrouver sur la place publique mondiale’’, a soutenu le conseil. Et de conclure : ‘’Ce que nous réclamons est une exigence citoyenne, parce que lorsqu’il se tient un grand procès dans ce pays, on a toujours l’impression qu’on vient d’apprendre le droit.’’

Me Borso Pouye a abondé dans le même sens, en déplorant un recul démocratique, alors qu‘’il fut un temps où nous nous glorifions d’être les meilleurs, voire les premiers’’. Pour elle, nous n’avons pas le droit d’être les derniers de la classe. Forte de cette posture, elle a rappelé au juge Demba Kandji son rôle joué dans la modification du Code de procédure pénale. ‘’Vous y avez participé. Ce que nous disons, vous le connaissez mieux que nous. Tout ce que nous vous demandons c’est d’appliquer le droit. Nous ne demandons aucune faveur’’, a-t-elle lancé. L’avocate a aussi déploré l’existence de deux poids et deux mesures, car elle ne comprend pas pourquoi la violation du règlement n°5 de l’Uemoa relatif à l’assistance de l’avocat dès l’interpellation ne profiterait-elle pas à Khalifa Sall. Car, à Thiès, des procédures sont très souvent annulées à cause de ce grief.

Avocat de Mbaye Touré, Me Khassimou Touré a martelé que le procès n’a plus d’objet sur le plan de l’équité et de la morale. Il s’y ajoute qu’on ne peut pas mépriser l’arrêt de la Cedeao, mais en tirer les enseignements en ordonnant la mainlevée et la libération d’office de Mbaye Touré. Cela d’autant que, de l’avis de Me François Sarr, ‘’les décisions de la Cedeao sont supérieures à celles des juridictions nationales’’. Il s’y ajoute que le coordonnateur du pool de la défense du maire de Dakar considère que l’arrêt en question ne demande pas de sanction pécuniaire seulement, mais réclame la libération des prévenus. ‘’On ne peut payer les 35 millions de francs Cfa et dire que tout a été réglé. Il ne faut pas être hypocrite’’, a fulminé Me Sarr. Son collègue Me Seydou Diagne a laissé entendre, pour sa part, qu’on ne peut pas mettre fin aux poursuites au motif qu’on est en matière de lutte contre la mal gouvernance. Parce qu’à son avis, ‘’la lutte contre la prévarication va avec le respect des Droits de l’homme’’.

Quoi qu’il en soit, Me Moustapha Ndoye juge que ‘’cette affaire a trop duré et Khalifa Sall et Cie doivent rentrer chez eux’’.

Contre-attaque des avocats de l’Etat

En réplique à leurs adversaires de la défense, l’Etat et ses avocats ont tout simplement demandé que l’exception soit rejetée. La première raison, selon l’argumentaire de l’agent judiciaire de l’Etat, ‘’en soulevant les exceptions d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal, ils ont touché le fond’’. Le second argument est lié au fait que la Cour d’appel a déjà tranché la question dans son arrêt rendu le 27 juillet dernier. ‘’Les exceptions soulevées concourraient toutes à la libération de Khalifa Sall. Donc, je ne veux pas participer à un jeu auquel on vous demande de vous déjuger’’, a répliqué Me Samba Bitèye.  Son confrère Me Baboucar Cissé de renchérir que ‘’l’arrêt de la Cedeao qui a été rejeté est une douche froide et non un trophée’’. Et de reprocher à ses confrères de la défense d’inviter la Cour d’appel ‘’à se déjuger, alors qu’ils sont allés se pourvoir en cassation’’. Mieux, d’après Me Cissé, la Cedeao ne vise pas le jugement qui est déféré à la cour. Encore que, selon Me Pape Moussa Félix Sow, jamais en première instance il n’a été question d’annuler le Pv du 3 mars 2017, mais celui qui comporte la violation date du 27 février 2017.   

AFFAIRE CAISSE D’AVANCE

L’Etat demande l’irrecevabilité de la constitution de la Ville de Dakar

Hier, les avocats de l’Etat ont plaidé l’irrecevabilité de la constitution de la Ville de Dakar comme partie civile dans le procès en appel de l’affaire Khalifa Sall.

Jusque-là, ils étaient épargnés par les jeux d’attaque entre les conseils de l’Etat et de ceux de Khalifa Sall et de ses co-prévenus. Mais, hier, les avocats de la Ville de Dakar ont été la cible des défenseurs de l’Etat. Ces derniers leur disputent la qualité de partie civile. Ils veulent qu’ils soient écartés du dossier. A ce titre, Mes Samba Bitèye et Baboucar Cissé ont plaidé l’irrecevabilité de leur constitution. Le premier qui a introduit la demande a reproché au conseil municipal d’avoir déposé une nouvelle délibération pour régulariser sa constitution déclarée irrecevable en première instance. Or, il estime que cela ne peut pas se faire, car le double degré de juridiction l’interdit. ‘’On ne peut pas être déclaré irrecevable par un jugement sans demander l’infirmation de celui-ci pour que la cour vous déclare à nouveau recevable. On ne peut pas être présent deux fois dans un même procès’’, a expliqué le conseil. Se faisant plus précis, il a invité ses confrères à plaider d’abord l’infirmation du premier jugement  pour espérer une recevabilité.

Les avocats de la Ville de Dakar vont apporter leur réplique aujourd’hui. En première instance, ils avaient été déboutés parce que la lettre de constitution n’avait pas été soumise en seconde lecture auprès de la préfecture. Une chose finalement rectifiée par le Conseil municipal de la Ville de Dakar. 

FATOU SY

 

 

Section: