Publié le 4 Aug 2014 - 13:21
PROCES KARIM WADE

La grande nébuleuse ABS

 

A la lumière des affirmations et contre-affirmations d’Alioune Samba Diassé ainsi que le comportement douteux de certains acteurs liés à ABS, la commission d’enquête de la CREI a fini par avoir la conviction que la société est bien de Karim Wade. Le premier marché qu’elle a remporté n’est pas de nature à dissiper les craintes.

 

Le procès de Karim Wade reste très écumeux pour le moment. Mais quand la mousse disparaîtra, l’ancien ministre devra avoir de solides arguments pour apporter certaines réponses au sujet de la société ABS. Si les enquêteurs, dans l’arrêt de renvoi devant la CREI, considèrent que cette société est la sienne, tout porte à croire qu’ils ne se sont pas adossés sur du vent. Il y a bien des éléments qui font croire à la solidité des accusations, en attendant les preuves de Karim.

ABS, société chargée du transport des passagers à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, a été constituée  en juillet 2012. Appartenant ‘’officiellement’’ à Alioune Samba Diassé, Fatou Babou (employés des frères Bourgi) et Véronique Lélie Mnaga (domestique de la mère de Mamadou Pouye), la boîte a gagné un marché d’appel d’offres des Activités aéroportuaires nationales du Sénégal (AANS) le même mois de la même année de sa création.

Plus curieux, les témoignages de Aminata Diop Sall et Mbaye Sarr font ressortir qu’avant même l’appel d’offres, ‘’les bus de marque COBUS, dédiés exclusivement au transport des passagers dans les aéroports, étaient déjà entreposés au port de Dakar’’. Alioune Samba Diassé a certes nié cela en essayant de fournir une photocopie de connaissement attestant que les bus ont été commandés bien après la passation du marché, mais les enquêteurs affirment que la pièce n’a pas été certifiée conforme à l’original.

Un autre nœud de l’ABS à démêler est l’augmentation du capital social à 250 millions, deux mois seulement après sa création. A l’enquête préliminaire, M. Diassé déclare que cette somme provient des bénéfices des activités de la société. Il se ravisera à l’instruction, ‘’en affirmant que cette somme provenait pour partie d’un prêt de 30 millions de francs que lui aurait accordé le nommé Christian Ngoma (…) et le reste de ses revenus propres gardés dans un coffre à son domicile et d’un prêt bancaire contracté auprès de la banque Le Crédit Lyonnais’’.

Cependant, il a été incapable de déterminer la somme tirée de son coffre et celle obtenue grâce au prêt bancaire. Quant à M. Ngoma, les rédacteurs du document soutiennent qu’Alioune Diassé le présente tantôt comme son beau-frère, tantôt comme son oncle. Une fois les vérifications faites dans son compte bancaire au Crédit lyonnais, il s’est avéré que la banque française ne lui a accordé aucun prêt. Ses affirmations confrontées à la réalité, M. Diassé se rétracte et donne une nouvelle version. Cette fois, il fait croire que les 250 millions étaient gardés dans son coffre. D’ailleurs, la non-maîtrise du dossier ne s’arrête pas là, puisque ‘’ce monsieur ne connaît pas la structure du capital de la société. Sans compter le fait qu’après constitution, M. Diassé  a fait un transfert d’action à 95% pour lui, 3% pour son épouse et 2% pour son fils, sans aucune contrepartie pour les anciennes actionnaires’’, révèlent les enquêteurs.

Le président Wade débarque Aminata Diop Sall

Par ailleurs, après la constitution de la société, M. Diassé s’est rapproché d’Aboukhalil (Bourgi) pour rentrer dans l’actionnariat de la société ABS corporate dont les principaux bénéficiaires économiques sont Aboukhalil et Mamadou Bouye. Les enquêteurs ne voient dans ce contrat qu’un prétexte pour cacher le vrai jeu. ‘’Il est apparu que la signature de ce contrat n’avait vraisemblablement pour seul objectif que de justifier a postériori la participation réelle d’Ibrahima Aboukhalil dans la société ABS Sa et que ABS corporate n’avait pour seul but que de capter les fonds générés par l’activité de ABS Sa, en dépit des résultats négatifs de la société ABS Sa pour ses premiers exercices’’.

Les contradictions de M. Diassé ne sont pas les seuls indices aux yeux des enquêteurs, les comportements de certains acteurs sont tout aussi révélateurs. En fait, la section de recherche a découvert une société dénommée SONATS. Ladite société recevait d’ABS 6 (six) millions Cfa par mois de janvier 2010 à fin 2012. Soit un total de 269 734 800 F Cfa. Invité à prouver les prestations justifiant l’encaissement de telles sommes, le gérant de la SONATS Mballo Thiam a prétexté d’une maladie pour prendre la fuite.

A noter aussi que quand la dame Aminata Diop Sall a constaté que les intérêts d’ABS Sa ont été privilégiés au détriment des autres soumissionnaires, elle s’en est ouverte à Mbaye Ndiaye, administrateur délégué des AANS. Ce dernier serait devenu furieux et l’a obligée à s’en référer à Wade. Celui-ci l’a démise de ses fonctions quelques jours après. Autant de comportements qui font que les enquêteurs ne doutent pas un instant que ABS est bien de Karim Wade et que les autres sont soit des complices, soit des marionnettes. 

BABACAR WILLANE

 

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