Publié le 18 Jul 2019 - 23:46
PROFESSEUR AMINATA SALL DIALLO

‘’Il nous faut descendre au niveau du secondaire pour corriger le ratio hommes-femmes’’

 

 

La présence des femmes est très minime, dans le domaine des sciences. Une situation que ne supporte pas le professeur Aminata Sall Diallo de la faculté des Sciences. Elle demande aux gouvernements d’agir.

 

La conférence de l’académie était également un moment d’échanges entre scientifiques. Une discussion très riche entre le professeur à la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Aminata Sall Diallo, et 300 chercheurs et scientifiques venant de 21 pays africains. Ce modèle féminin des sciences a été également honoré. Elle a plaidé pour la présence des femmes dans les sciences.

Selon Pr. Diallo, s’ils veulent gagner le pari de la transformation du continent, il  faut également régler le problème de la dissymétrie genre dans les sciences. Parce que, dit-elle, il y a peu de femmes célébrées dans les sciences, alors qu’elles ont toujours existé dans toute l’histoire des sciences. ’’Lorsqu’on montre des scientifiques, ce sont toujours des hommes. Il y a beaucoup à faire pour rectifier ce manque de visibilité. C’est pourquoi il est important de montrer des modèles de femmes africaines scientifiques pour que les filles puissent s’identifier à elles. Les pionnières ont ouvert des brèches dans ce monde masculin. Il faut tenir le flambeau. Etre scientifique, ce n’est pas être homme ou femme, mais c’est être bon ou ne pas être bon’’,  soutient Pr. Diallo.

Pour elle, il va falloir agir plutôt pour avoir des femmes dans les sciences. Mais ce n’est pas dans l’enseignement supérieur qu’on les aura.  ’’Il ne faut pas agir au niveau de l’enseignement supérieur, car dans les universités, les femmes ne représentent que 25 %. Il nous faut descendre plus bas, au niveau du secondaire, pour corriger le ratio hommes-femmes, faire aimer la science à nos élèves, à nos enfants’’, conseille-t-elle.

A son avis, ‘’la masse critique de chercheurs pour transformer notre continent n’est pas encore atteinte. Il nous faut accroître la compréhension du public sur ce que font les chercheurs, l’impact de nos recherches’’, dit Pr. Diallo. A l’en croire, dans l’Académie nationale des sciences et l’Académie africaine, il y a très peu de femmes. ‘’L’Afrique ne peut pas se priver de 50 % de ses bras, de ses forces vives pour impulser le développement. Il est important de faire l’appel aux gouvernants, mais également aux filles pour qu’elles s’engagent dans la science, afin de régler les problèmes de l’Afrique’’, plaide la biologiste.

Pour le professeur titulaire d’un doctorat en sciences biologiques à la faculté de Médecine, les scientifiques ne sont pas suffisamment écoutés par leurs leaders politiques. ‘’Si nos politiques publiques ne sont pas éclairées par la recherche, nous pouvons aller vers d’autres difficultés. Toute politique doit être basée sur des évidences scientifiques. Dans beaucoup de pays africains, l’investissement dans la recherche représentait moins de 1 % de leur Pib. Alors que dans des pays développés, on se rend compte que 10 à 15 % de leur Pib sont consacrés à la recherche. Les enjeux sont là’’.

Elle reste persuadée que si les gouvernants veulent rentrer dans la mondialisation et l’émergence du continent, il faut investir beaucoup dans les recherches. ‘’Des chercheurs, on en a de brillants, mais l’environnement de recherche n’est pas là. C’est cela la difficulté. Il faut pouvoir créer un environnement de recherche qui nous permet de faire de la recherche de qualité chez nous qui peut être appuyée par les bailleurs. Mais nous ne devons pas dépendre des bailleurs. C’est un domaine où, réellement, la souveraineté des Etats est importante. Nos gouvernements doivent être les premiers contributeurs. On ne peut pas tendre la main sans avoir investi’’.

Comme beaucoup de chercheurs, Pr. Aminata Sall Diallo pense que les politiques publiques doivent être définies ici et à partir de nos réalités. ‘’Nous subissons la gouvernance mondiale de la santé, parce que nos priorités sont définies ailleurs. Le paludisme, le sida, la tuberculose, cela ne doit pas être exclusif. Tout doit être contextualisé. Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre en charge ces maladies. Mais nos politiques publiques devraient mieux définir leurs priorités de manière qu’on puisse avoir un soutien au niveau international et pas le contraire’’.

VIVIANE DIATTA

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