Publié le 16 Oct 2018 - 16:39
PROLIFERATION DE GARES ROUTIERES A DAKAR

Une anarchie interurbaine

 

Quatre ans après l’inauguration de la gare des Beaux Maraichers, l’anarchie demeure dans le transport interurbain. La raison s’explique à la fois par la persistance des mauvaises pratiques, malgré le changement de décor, mais aussi du laxisme de l’Etat du Sénégal. 

 

Du haut du pont de Dalifort Forail, dans la commune de Pikine, est visible la gare routière des Beaux Maraîchers. Des voitures en tous genres sortent de la station en partance pour l’intérieur du pays. Cette infrastructure fait office de gare routière nationale à Dakar. Elle a remplacé Pompiers et est censée être plus moderne et plus organisée. L’objectif de cette bâtisse nichée dans la banlieue dakaroise, était de mettre un terme au chaos qui régnait à la gare Pompiers, mais aussi d’éliminer les différents points de départ et d’arrivée qui existent à Dakar.

À l’entrée, il y a le poste de police. En face, c’est le quartier général des compagnies de transport de la sous-région qui desservent le Mali, la Côte d'Ivoire, le Ghana, etc. Yannick et Rebecca retournent chez eux, en Côte d’Ivoire, après deux mois de vacances. Les deux ados, en compagnie de leur maman, apprécient l’offre  de la gare. ‘’C’est une bonne gare. En plus, c’est le seul endroit où l’on peut avoir un bus pour notre pays’’, arguent-ils. Autour des bus, sont disposés des bagages en grande quantité. Chaque passager veille sur ses affaires.

A l’intérieur, les voitures forment de longues files. Chacun doit attendre son tour avant de prendre le départ. ‘’A l’arrivée de chaque véhicule, il est remis un ticket de file avec la destination. Chaque chauffeur a 2 heures pour s’enregistrer auprès du bureau de régulation de la gare’’, renseigne le chef de service adjoint à l’exploitation, Doudou Sarr. En fait, la gare dispose de quatre terminaux. Les voitures sont réparties selon la taille et la destination. Chaque terminal est subdivisé en quais. Ces véhicules assurent le transport interurbain. Dans le terminal C, on trouve ceux qui desservent les villages le plus reculés.

Tout, ici, renvoie à l’image d’une gare moderne. En plus, tous les passagers qui voyagent à bord d’un véhicule de transport interurbain sont censés prendre leur départ à la gare. Fatou, une jeune étudiante, veut se rendre à Louga. Peu habituée des lieux, elle est venue parce qu’elle n’a pas le choix, dit-elle. ‘’J’ai raté l’horaire qui devait partir à 7 h. C’est pour cette raison que je me rabats sur cette gare’’, avance-t-elle.   

Mais, comme le dit l’adage, ‘’l’apparence est souvent trompeuse’’. Conducteurs et passagers s’indignent de la gestion de la gare. Boubacar Diombatou, chauffeur de taxi ‘’sept places’’, dénonce certaines pratiques liées au transport et pense que ‘’Beaux Maraîchers’’ est un échec total. ‘’Les gens prennent des voitures qui stationnent ailleurs. Ces véhicules ne sont même pas faites pour le transport interurbain’’, regrette-t-il.  Il estime que les autorités qui doivent réglementer le milieu sont complices et sont souvent elles-mêmes propriétaires de voitures. Hayon soulevé, les sièges arrière baissés, un conducteur a transformé son taxi ‘’sept places’’ en un lieu de repos. Couché dans sa voiture, il tient un autre discours. ‘’Les lieux sont modernes.

Il y a la propreté et l’éclairage’’, se réjouit-il. A quelques pas de là, un groupe d’apprentis discute autour du thé. Ils travaillent dans un bus de la ligne Dakar - Hamdallai, a la frontière sénégalo-gambienne. Ils disent n’être pas satisfaits de l’offre. ‘’L’attente est longue. Nous sommes ici depuis un mois’’, renseignent-ils. Même constat de la part du passager Ibrahima Diop qui dit avoir attendu 2 heures sans que le véhicule ne quitte.

En réalité, Beaux Maraichers n’a pas répondu aux attentes. On y retrouve les pratiques jadis dénoncées à Pompiers. En lieu et place d’une transparence, les conducteurs et apprentis font régner le flou pour mieux abuser les clients. Les places reviennent au plus prompt et non au premier. Parfois, c’est à celui qui s’est arrangé avec les acteurs. Le transport des bagages se paye à la tête du client et les chariots, censés être gratuits, ne le sont que de nom, puisque ceux qui y officient font tout pour ‘’soutirer’’ quelques pièces aux passagers. Il s’y ajoute la cherté des taxis.

Un cocktail qui a fini de faire fuir les clients, surtout que l’Etat n’a pas assuré sa mission de régulation.

Face à une telle situation, certains conducteurs sont tentés par la recherche d’alternatives. Ainsi, ils préfèrent sortir de la gare et  prendre des passagers au bord de la route ou sur leur trajet. Un acte qualifié de maraudage dans le secteur. Une sanction pécuniaire allant de 20 mille à 65 mille francs Cfa est prévue. L’infraction est  détectée grâce aux bons de sortie délivrés aux conducteurs ayant quitté régulièrement la  gare, avec un visa indiquant le nombre de passagers. Ce qui fait que les cas de fraude peuvent être décelés. Mais, malgré cette épée de Damoclès, la pratique reste récurrente.

L’équation des gares privées ?

Aux problèmes internes aux Beaux Maraichers, s’ajoute l’existence d’autres gares routières éparpillées un peu partout dans la ville. A Golf Sud, la gare de ‘’Waraba’’ dessert le sud-est du pays. Des bus sont stationnés devant le portail. Un insigne montre le logo et les lieux de destination. Au premier étage, il y a la direction de la compagnie. ‘’Nous sommes une gare privée. Nous nous occupons de l’accueil, de la réservation et nous gérons les bagages’’, explique le responsable, Guèye, d’un air rassurant. Au rez-de-chaussée, les clients, assis sur des chaises rouges, attendent avec patience le départ prévu à 17 h.  Le constat est le même à la gare de Cheikh Mouhamadou Mourtada Mbacké sise à Grand-Yoff. Elle est également connue sous le nom ‘’Carou Serigne Bi’’ ou ‘’Al Azhar’’. Une longue file de bus occupe l’allée devant ladite gare. Toutes les destinations ainsi que les heures de départ sont affichées sur un tableau placé à l’entrée.

A l’intérieur, un garage mécanique est aménagé. Les mécaniciens travaillent au service de la compagnie. Des bus bicolores, vert-blanc et blanc-rouge, occupent les lieux. Un jeune numérote les bagages des passagers. Le responsable, Saliou Diop, supervise le travail. En ce moment, les conducteurs, de concert avec les garagistes, vérifient l’état des véhicules avant les départs.  Dans la salle d’attente, les passagers sont assis, certains concentrés sur leur téléphone, d’autres font des va-et-vient.  Au fond, il y a des guichets. Chaque client passe pour payer le tarif lié aux bagages. Fanta Djery, originaire du Nigeria, doit se rendre à Kédougou. ‘’Je suis satisfaite de l’accueil’’, dit-elle.

Bref, ces deux garages n’ont presque rien à envier à la gare des Beaux Maraichers censée être unique à Dakar. Mais à Waraba comme à Al Azhar, on se dit privé avec un cahier des charges en accord avec le Conseil exécutif des transports de Dakar (Cetud).   

CHEIKH TIDIANE NDIAYE (STAGIAIRE)  

 

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