Publié le 18 Apr 2025 - 21:55
RAPPORT SUR LES FINANCES PUBLIQUES

La contre-offensive de l'APR

 

Comme annoncé dans notre précédente édition, l'Alliance pour la République a présenté, hier, son contre-rapport, en réponse au rapport de l'Inspection générale des finances certifié par la Cour des comptes à travers sa Chambre des affaires budgétaires et financières. 

 

‘’Ces comptes sont ceux du Gouvernement sénégalais. Le FMI attend les clarifications’’. C'était les deux principales informations livrées, il y a quelques jours, par le directeur du département Afrique du Fonds monétaire international, qui espèrent que les rencontres prévues à Washington, à partir de la semaine prochaine, seront déterminantes.

Pour le moment, tout ce que l'on sait, c'est que la dette cachée objet de toutes les controverses portent essentiellement sur les emprunts projets pour un montant de 1 958,6 milliards de francs CFA et la dette auprès des banques locales pour un montant global de 1 819,7 milliards, ce qui donne les 4 000 milliards F CFA constitutifs de la dette dite cachée du Sénégal. 

Alors que le FMI dit attendre des clarifications, l'Alliance pour la République (APR), elle, se veut catégorique. Dans son contre-rapport rendu public hier, le parti de l'ancien président parle “d'accusations fallacieuses”. 

Mais quelles sont donc les explications fournies par l'ancien parti au pouvoir pour espérer contrecarrer la charge contre l'ancien président Macky Sall et ses hommes ? ‘’EnQuête’’ a parcouru le document de 25 pages pour en ressortir les principaux moyens de défense sur le fond du dossier. Les réponses peuvent être regroupées en deux principales catégories. D'abord, celles relatives aux emprunts projets ; ensuite, les réponses qui portent sur la dette bancaire. 

En ce qui concerne les emprunts projets (1 958,6 milliards F CFA, rappelle le contre-rapport), le premier élément de réponse est que le rapport de la Cour des comptes “n'apporte pas d’éléments nouveaux”. À en croire le contre-rapport, “le dernier rapport sur la dette, réalisé par la CC (mystérieusement disparu de la barre de téléchargement du site de la cour pendant 48 heures après la publication du prétendu rapport) avait déjà mentionné des écarts”.

Seulement, font-ils savoir, à l'époque, des explications moins tendancieuses ont été données. “Ces écarts avaient été attribués par la cour à des dysfonctionnements dans les comptabilités de la Direction de la Dette publique, de la Direction de l’Ordonnancement des dépenses publiques (DODP) et du trésorier général”, indique le contre-rapport qui note aussi le fait qu'il n'y ait pas eu de réserves sur les recettes, les dépenses et les comptes spéciaux du Trésor. 

Non-comptabilisation des emprunts projets et de la dette bancaire : les explications de l'ancien régime 

Pourquoi donc n'y a-t-il pas eu de réserves sur ces comptes ? Cela résulterait essentiellement de l'incohérence dans la démarche de la Cour des comptes, si l’on en croit le document. Qui précise : “Cette situation s'explique par le fait que les recettes, les dépenses et les mouvements des comptes spéciaux ont été comparés aux chiffres contenus dans les lois de règlement des différentes années concernées déjà certifiées par la Cour des comptes”.

Or, souligne toujours la contre-expertise de l'APR, “ce principe de comparaison avec la loi de règlement n'a curieusement pas été appliqué lors de l'analyse d'une partie de la dette extérieure”. Pourtant, elle était bien conforme à la méthodologie énoncée par la cour, décrie le parti de Macky Sall. “Les prêts-projets ont été comparés non pas aux chiffres des lois de règlement, mais à ceux des lois de finances initiales, en omettant même les lois de finances rectificatives. Cette approche est pour le moins surprenante, même si des écarts mineurs ont été décelés et imputés par la Cour des comptes à l'absence de système intégré de la gestion de la dette extérieure entre la Direction de l'Ordonnancement et la Direction de la Dette publique”.

Pourquoi les prêts-projets n'ont pas été comptabilisés dans le déficit et la dette ? L'APR donne là aussi sa version et accuse : “Annuellement, les tirages effectués sur les prêts-projets sont comptabilisés en dépenses en capital sur ressources externes. Il arrive qu’une partie de ces tirages fasse l'objet de report dans la comptabilisation, ce qui est sans impact sur la dette. Cette méthodologie a toujours été utilisée. Le gouvernement a procédé rétroactivement, sur la période 2019-2023, à la comptabilisation dans l’année concernée de l’ensemble des tirages des emprunts-projets pour déterminer un nouveau déficit budgétaire qui n’en est pas un, car théoriquement gonflé par un montant de 1 958,6 milliards”.

Le gouvernement a procédé rétroactivement à la comptabilisation des tirages des emprunts projets 

L'autre point saillant du rapport porte sur les réponses relatives à la dette bancaire. “En l’absence de griefs pertinents sur les chiffres de la dette publique, chargent les experts de l'ancien parti au pouvoir, le nouveau gouvernement a cherché à y intégrer le financement intérieur privé et ses mécanismes de facilitation, qui ne sont en réalité que des instruments de gestion de la trésorerie de l’État et non des dettes publiques”.

Pour rappel, justifient-ils, “la dette publique est constituée de deux composantes : la dette intérieure consistant en l’émission de titres publics (bons du Trésor et obligations) au sein des marchés financiers régionaux, et la dette extérieure consistant en des prêts contractés auprès d’organismes bilatéraux et multilatéraux ainsi que des prêts aux conditions du marché (levée de fonds sur les marchés financiers internationaux, etc.).”

C’est pourquoi, se défendent-ils, “il n’a jamais été question d’y intégrer des facilités financières assimilables à des avances ou des découverts bancaires obtenus des banques locales pour l’exécution de projets et programmes, car elles ne constituent pas des émissions de titres publics”.

Le contre-rapport de rappeler les conclusions de la mission du FMI en juin 2024, juste deux mois après la transmission du pouvoir et qui avaient conclu à un bilan globalement positif de la situation économique et financière du Sénégal. “Pour rappel, cette mission visait à évaluer les progrès dans le cadre des programmes économiques soutenus par le MEDC, la FEC et la FRD, pour un montant total d’environ 1,8 milliard de dollars.

Selon le FMI, ‘’le Sénégal, malgré un contexte marqué par des tensions politiques préélectorales et des difficultés économiques extérieures, a respecté tous les critères de performance fixés pour fin décembre 2023 et a atteint presque tous les objectifs indicatifs’’’, rappelle le contre-rapport pour montrer qu'ils avaient laissé le pays dans de bonnes conditions.

Si le Sénégal traverse actuellement une passe difficile, c'est de la responsabilité du nouveau régime, accuse le rapport. “Tout ceci n’est causé que par un prétendu rapport partisan, politicien et téléguidé, avec comme unique volonté de salir le régime sortant et de crédibiliser les accusations infondées du Premier ministre. La conséquence est que le Sénégal s’enfonce dans les abysses avec une économie à l’arrêt, un crédit en ruine, une diplomatie qui suffoque et un risque de crise sociale qui s’annonce”, indique la source. 

Au sein même de la CC, un malaise s’est installé sur les conditions d’élaboration du prétendu rapport”

Dans son contre-rapport, l'APR jette un pavé dans la mare. “Il est important de préciser que des informations crédibles confirment une procédure d’audit viciée et tendancieuse, non seulement au niveau de l’IGF, mais aussi de la CC, dans le seul but de jeter le discrédit sur la gestion 2019-2024. Au sein même de la Cour des comptes, un malaise s’est installé sur les conditions d’élaboration du prétendu rapport qui viole les dispositions légales et va dans le sens d’une grossière manipulation”, souligne le contre-rapport. Qui indique que “des manquements graves ont accompagné la production de ce document infirmant son authenticité et sa crédibilité, et montrent l’étendue de la supercherie”.

Pour étayer son propos, il invoque les modifications curieuses dans la mission en charge de l'audit, la circulation de deux rapports. “Selon des informations crédibles, cette modification est la conséquence d’un malaise au sein même de la CC, en ce sens que des magistrats ont refusé de s’associer à l’entreprise de manipulation commanditée par le gouvernement”, accuse le contre-rapport, qui trouve “curieux” que le rapport fait par la Chambre des affaires budgétaires et financières vienne contredire ce que la CC elle-même avait certifié. “Lesdites certifications ont été matérialisées par les lois de règlement votées par l’Assemblée nationale jusqu’en 2022. En effet, la CC, toutes chambres réunies, avait validé les comptes de l’État à travers la certification des lois de règlement. Aujourd’hui, seule la CABF remet en cause le travail collectif de toutes les autres chambres”, dénoncent-ils.

L'APR interpelle le FMI et les chancelleries 

Le contre-rapport est revenu, par ailleurs, sur les accusations relatives au non-respect du principe du contradictoire, l'absence de signature dans le rapport officiellement publié. Sur le principe du contradictoire, les experts semblent surtout l'imputer à l'IGF. “Nulle part dans le processus d’élaboration du prétendu rapport et de sa certification par la CABF (Chambre des affaires budgétaires et financières), les administrations et personnes concernées n’ont été informées du processus préparatoire et n’ont jamais reçu notification d’un projet de rapport pour observation, afin de leur permettre d'apporter des réponses sur des manquements relevés par le rapport provisoire”.

 Depuis quand, s'étonnent-ils, un rapport d’audit peut-il être établi exclusivement à charge comme un procès en inquisition ? “Il convient d’attirer instamment l’attention du FMI et tous les partenaires sur cette question fondamentale et exiger que le gouvernement du Sénégal y apporte une réponse claire et précise”, charge le contre-rapport que l'APR compte déposer auprès des chancelleries et des partenaires techniques et financiers. 

À la Cour des comptes, les partisans de l'ancien régime demandent, par ailleurs, de sortir pour expliquer “comment elle a remplacé le terme ‘opération de trésorerie’ par ‘dette bancaire hors cadrage’”. 

 

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