L’opposition déboutée sur les listes à enjeux

La Cour suprême a rendu son verdict sur les 22 recours introduits par les coalitions de l’opposition et l’Administration territoriale, dans le cadre des contentieux sur le rejet de certaines listes de candidatures aux élections locales du 23 janvier prochain.
La phase pratique de l’organisation des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022 va pouvoir démarrer. L’une des dernières étapes a été dépassée ce lundi. La Cour suprême a vidé le contentieux juridique opposant des coalitions de l’opposition politique à l’Administration territoriale représentée par l’agent judiciaire de l’Etat.
En effet, la Chambre administrative de la Cour suprême a statué sur les recours introduits par l'opposition et les préfets et sous-préfets, à la suite du rejet de certains dossiers de candidatures en vue des prochaines élections territoriales. Et sur 22 décisions rendues, 20 ont été favorables à l’Administration territoriale. Il n’y a qu’à Matam et à Ziguinchor où les recours introduits par la principale coalition de l’opposition ont obtenu gain de cause. Pur hasard ou troublantes coïncidences ? Dans les deux circonscriptions, les jeux électoraux semblent joués d’avance, au vu des forces politiques en présence.
La capitale du Sud avait déjà choisi son candidat en 2019, en votant majoritairement pour Ousmane Sonko, arrivé 3e de la dernière élection présidentielle. Le voir candidater pour diriger la liste de la commune de Ziguinchor laisse paraître une impression qu’il ne s’agira que d’une formalité pour le leader du Pastef/Les patriotes ne gagne la course à la mairie.
Quoi qu’il en soit, l’agent judiciaire de l’Etat s’est prononcé sur ce cas, pour donner raison à la décision des juges de la Cour suprême. Et pour cause ! affirme Moussa Bocar Thiam, ‘’la décision du préfet n’a pas été motivée, parce qu’on sait tous que lorsque le préfet rejette un dépôt de candidature, le préfet à l’obligation de motiver sa décision. C’est d’expliquer à la partie dont le dossier a été rejeté les motifs du rejet’’.
Ainsi, la décision rendue par la Cour d’appel de Ziguinchor a été confirmée par la Cour suprême.
Seules les listes de Matam et de Ziguinchor ont été réhabilitées
Une autre circonscription dans laquelle la liste de la coalition Yewwi Askan Wi a été rétablie, est celle de Matam, là où leur mandataire a rejoint au dernier moment le camp présidentiel, au terme d’une journée rocambolesque. Une telle prouesse dénote de la force de ‘’persuasion’’ du camp au pouvoir dans cette région du nord du pays, où le président de la République remporte les joutes électorales avec des scores soviétiques. N’appelle-t-on pas le Fouta ‘’le titre foncier de Macky Sall’’ ?
Si les dés ne sont pas jetés à Matam, il n’y a pas besoin d’être devin pour savoir à quoi s’attendre avec les Locales.
Toutefois, la coalition de l’opposition a obtenu gain de cause sur le recours qui avait été introduit par l’agent judiciaire de l’Etat, pour tenter d’inverser la décision de la Cour d’appel de Saint-Louis. Là aussi, Moussa Bocar Thiam s’associe à la décision de la Cour suprême. ‘’Dès lors que le préfet a reçu notification de la part du mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi, le préfet ne pouvait pas ne pas en tenir compte et devait modifier la précédente liste de mandataire déposée par la même coalition la veille. Donc, la Cour suprême a estimé que le préfet s’est trompé en refusant de prendre la nouvelle liste de la coalition Yewwi Askan Wi dans la région de Matam. Le droit a été rétabli, bien appliqué’’, reconnaît-il.
Ces éclaircies dans la grisaille des rejets des listes de la coalition opposante ne cachent pas une réalité : dans les circonscriptions à l'issue des élections plus incertaines, leurs listes ont été rejetées. Un véritable camouflet pour les leaders de la coalition. D’autant plus qu’Ousmane Sonko le rappelait lors de la conférence de presse qui a suivi le premier rejet de leurs listes : ‘’Il n’y a pas de commune insignifiante, car toutes les voix exprimées seront comptabilisées sur la cagnotte nationale. On saura si ceux qui disent avoir obtenu 58 % lors de la Présidentielle restent à ce niveau ou vont chuter. C’est pourquoi nous avons tout fait pour nous présenter partout.’’
Pas de Guirassy à Kédougou, ni de Bougane Guèye à Dakar
Les 12 recours introduits par les coalitions de l’opposition, attaquant les arrêts rendus par les cours d’appel rejetant leurs listes, ont tous été rejetés. Un des plus controversés est celui introduit par la coalition Yewwi Askan Wi pour la candidature de Moustapha Guirassy à la mairie de Kédougou. Malgré les heurts constatés, avec quelques épisodes violents entre les partisans de l’ancien maire de la localité et les forces de l’ordre, le député de la 13e législature ne sera pas retenu parmi les candidats à la mairie de Kédougou.
Même son de cloche pour la liste de la coalition au département de Pikine. Après avoir été rejetée par le préfet, la liste a été rétablie par la Cour d’appel de Dakar. Mais cette décision a été cassée par la Cour suprême. C’est ainsi que dans ce département, Yewwi Askan Wi n’aura pas de représentant aux prochaines locales.
Les rejets concernent également d’autres fractions de l’opposition, dont la Grande coalition Guem Sa Bopp recalée pour la ville de Dakar. Cette décision soustrayant Bougane Guèye Dani des candidats à la mairie de Dakar, a été confirmée par la Cour suprême, suivant le même verdict prononcé par la Cour d’appel de Dakar.
Malgré tout, l’agent judiciaire de l’Etat estime que pour tous ces rejets, les mis en cause ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Car dans cette affaire, ‘’nous n’avons pas de parti pris’’. ‘’L’Administration, dans la procédure en matière électorale, joue un rôle de veille au respect de la loi par tous les partis et coalitions de partis. Nous sommes là pour rétablir le droit. Lorsqu’une cour d’appel fait une mauvaise application de la loi, il appartient à l’agent judiciaire de l’Etat de rétablir le droit. C’est ce qu’on a fait’’, assure Moussa Bocar Thiam.
Ainsi, sur dix recours introduits par l’agent judiciaire de l’Etat, les huit ont été acceptés par la Cour suprême comme étant des décisions, des recours bien fondés.
Sur l’étendue du territoire national, les circonscriptions administratives ont enregistré 3 112 déclarations de candidature. Il y a eu 72 décisions sur ces dépositions dont 38 rejets et 34 annulations. Sur ce dernier chiffre, il y a eu 10 pourvois en cassation qui ont été portés par l’Administration sous le canal de l’agent judiciaire de l’Etat et du ministère de l’Intérieur, et qui viennent d’être vidés.
Lamine Diouf