Publié le 16 Feb 2018 - 01:27
SEMINAIRE - LEGISLATION SUR LE PATRIMOINE

La réforme de la loi de 1971 au cœur des débats 

 

C’est parti pour les rencontres mensuelles du musée de l’Institut fondamental d’Afrique noire, Ifan. Le Directeur national du patrimoine culturel, Abdou Aziz Guissé, était leur premier hôte hier. Une occasion pour ce dernier de pointer du doigt les faiblesses de la loi régissant la gestion du patrimoine.

 

Le 3e cycle du séminaire sur les politiques culturelles du Sénégal, initié par le musée de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), a débuté hier. Le Directeur du patrimoine culturel national, Abdoul Aziz Guissé, a animé la conférence inaugurale qui s’est tenue au Musée Théodore Monod. Invité à parler de la politique de gestion de la direction qu’il dirige, il est revenu sur les grands chantiers de son département.

 ‘’La loi de 1971 est une vieille loi’’, s’est-il désolé. Donc, désuète, car ‘’muette sur beaucoup de choses’’, selon M. Guissé. Sur ces manquements, il n’a pas voulu s’étendre de peur d’ouvrir une brèche à d’éventuels ‘’malfaiteurs’’. Mais il a tenu tout de même à préciser que ‘’cette loi ne protège que ce qui est classé’’ avant d’ajouter qu’‘’elle vise uniquement ce qui est classé et les fouilles archéologiques’’. Or aujourd’hui, il y a certains patrimoines, surtout ceux immatériels, qui ne sont pas dans ces deux cas-là.

Une faiblesse consécutive à sa source. Cette loi de 1971 est en effet inspirée de celle française. Seulement, en France, ‘’le patrimoine est classé, protégé’’. Aussi, un classement se fait par décret. Or sous nos cieux, beaucoup le sont juste par arrêté. Par conséquent, ‘’si on nous attaquait sur beaucoup de choses, on serait perdant’’, a-t-il prévenu. Avant d’en arriver là ‘’il faut que cette loi soit totalement réformée’’, a suggéré M. Guissé. ‘’A ceux qui veulent détruire des bâtiments du patrimoine, il ne leur est demandé de verser que 50 000 F CFA. C’est peu, pour ne pas dire dérisoire’’, a dénoncé le Directeur du patrimoine culturel national.

Les choses pourraient cependant changer. Conscient de tous ces manquements, l’Etat préconise une révision de cette loi de 1971. D’ailleurs, les termes de référence (TDR) sont déjà libellés et un atelier de partage avec des architectes, des notaires etc. est prévu afin d’enrichir ces TDR. En outre, venu prendre part à cette conférence inaugurale, Brahim Sakho qui a travaillé sur la grappe Ticaa (tourisme, industries culturelles et artisanat d’art)  est d’avis qu’il ne faut pas que changer la loi. Pour lui-même, le vocabulaire utilisé de manière générale pour parler du patrimoine doit être revu.

Les termes utilisés : restaurer ou encore réhabiliter, n’ont plus la ‘’même acceptation’’ aujourd’hui. Aussi, quand certains spécialistes parlent, a-t-il regretté, ils donnent l’impression que ce secteur ne concerne que le ‘’patrimoine passé’’. Or, il y a celui ‘’nouveau’’ comme le Monument de la Renaissance africaine ou le Musée des Civilisations noires. Mais il y a également celui immatériel sur lequel travaille beaucoup aujourd’hui la Direction nationale du patrimoine culturel. Cette dernière travaille également, tel que l’a rappelé M. Guissé hier, sur la réhabilitation de certains sites historiques. On les oubliait souvent, or ils ont des valeurs affectives particulières pour les populations.

‘’L’Homme sénégalais est perdu. Il faut le restaurer comme on restaure le bâtiment’’

Ainsi, les préoccupations de l’Etat peuvent ne pas toujours être celles des populations surtout quand on parle de patrimoine bâti. Avec l’urbanisation, beaucoup veulent changer leur cadre, ‘’devenir plus modernes’’. Ce qui pose le problème de l’appropriation de ces biens par les populations. ‘’Il faut de la sensibilisation pour résorber cet écueil’’, pense Abdoul Aziz Guissé.

Plus pragmatique, pourrait-on dire, l’enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Pr Ibrahima Wane, plaide pour une revalorisation du patrimoine immatériel. Pour lui, ‘’quand on parle du bâti, beaucoup de réponses aux équations auxquelles vous êtes confrontés sont dans le mental’’. C’est ce que Brahim Sakho appelle, ‘’l’imaginaire’’. ‘’L’Homme sénégalais est perdu. Il faut le restaurer comme on restaure le bâtiment à travers des créations cinématographiques par exemple’’, a-t-il proposé. 

BIGUE BOB

 

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