L’appel à la non-violence des jeunes de Guinaw-Rails

‘’Non à la violence’’. C’est principalement le message qui revient dans les propos de tous les jeunes interpellés sur la campagne électorale, lors de notre reportage. A Thiaroye Guinaw-Rails Nord et Sud, ces derniers fustigent les scènes de violence notées lors des premiers jours de la campagne à travers le pays et appellent la jeunesse à une prise de conscience par rapport au jeu des hommes politiques.
La campagne électorale se déroule dans la quiétude, à Thiaroye Guinaw-Rails. Pour le moment, aucun affrontement majeur entre partisans des différents leaders à la quête des municipalités n’est pas signalé. ‘’La campagne se passe dans le calme pour le moment et nous prônons la non-violence. Nous appelons tous les mouvements politiques à battre campagne dans la paix. Et que le meilleur profil gagne. J’invite les jeunes au calme. Car, au-delà de la politique, nous sommes tous des frères et sœurs de la même localité et nos familles se connaissent. Je déplore les scènes de violence qu’on a notées, ces derniers jours. Cela ne reflète pas une bonne image pour le pays’’, déclare Abdallah Babou, natif et résident de Thiaroye Guinaw-Rails Nord.
Assis sur un des moteurs de véhicule déchargés devant la porte de leur magasin de stockage sis à quelques mètres du Cinéma Thiaroye, ce jeune n’est pas le seul à prôner la sérénité. Rencontré devant porte de sa maison, entre ses amis, à l’autre bout de la commune, juste en face du mur séparant le guichet de péage de l’autoroute de leurs habitations, Abdou Wahab Dia Guinaw-Rails Nord, la trentaine résolue, tient le même discours. ‘’La campagne se déroule en paix dans notre commune et c’est ce que nous souhaitons’’, confie-t-il. Abdou Wakhab poursuit que les jeunes qui s’adonnent à la violence ou courent derrière les hommes politiques, sont en général ceux qui ‘’n’ont rien à faire dans leur vie’’. ‘’Ils ne travaillent donc pas, ils ont du temps qui le leur permet. On leur donne 2 000 F et se bagarrent par-ci, par-là pour les hommes politiques, etc. Personnellement, ce n’est pas mon cas. Parce que je me lève tôt pour aller au boulot ; je ne pourrais pas le faire. Personne ne va nous demander de porter un t-shirt pour lui ou autre chose’’, dit-il.
A souligner que les jeunes ne sont pas les seuls à préconiser la paix, à Thiaroye. Baye Ndiaga Diagne, la soixantaine, est du même avis. ‘’Nous prions pour une campagne apaisée et que le meilleur profil gagne. Parce qu’au finish, c’est le Sénégal qui gagne et c’est l’essentiel. La violence n’a aucun sens. Que ceux qui vont gagner se mettent au travail pour leur commune. Nous prions pour ceux qui veulent du bien pour que le Sénégal gagne’’, conseille ce vieux chauffeur. Et son ami assis à côté de lui, d’ajouter : ‘’Le Sénégal est un pays de paix. Nous sommes un peuple qui prône la paix’’, renchérit-il tout sourire.
L’heure de la maturité a sonné
Aujourd’hui, les jeunes se montrent de plus en plus conscients, face au jeu des hommes politiques. Abdou en fait partie. Ce natif de Guinaw-Rails affirme qu’il ‘’ne se battra jamais’’ pour le compte d’un politicien. Et cette détermination vient du fait que ce dernier a constaté que les élus de sa localité ‘’ne sont pas’’, d’après lui, trop au chevet de la population. ‘’Guinaw-Rails n’est pas une grande commune. Donc, elle est facile à développer. Mais ces politiciens sont que pour leurs propres intérêts. Ils se servent des populations pour se servir eux-mêmes. Actuellement, ce sont les jeunes de Guinaw-Rails qui doivent être conscients. Personnellement, j’ai décidé de ne jamais courir derrière un politicien. J’attends juste le jour du scrutin pour aller voter et revenir chez moi’’, narre-t-il la gorge serrée, le regard fixe.
Notre interlocuteur souligne que leur localité souffre d’insalubrité, d’assainissement, d’étroitesse des ruelles, d’inondations et aussi d’insécurité. Ces maux, on les vit dès l’entrée de la commune. Du marché de légumes de Thiaroye-Gare où nous sommes passés, à l’intérieur des ruelles de Guinaw-Rails Nord, en allant vers le marché Waranka, les eaux usées sont directement versées dans la rue. Ces eaux combinées aux crottins de chevaux, dégagent une odeur nauséabonde et laissent le sol noirâtre. Et sur les murs des maisons, on voit encore les traces des inondations, même en période de saison sèche. ‘’C’est notre priorité. Notre quartier, nous le surnommons ‘Gorée’, à cause des inondations et ce sont les jeunes qui se tuent tout le temps pour évacuer les eaux pendant l’hivernage. On ne voit aucun responsable politique. Ils ne répondent même pas à nos sollicitations. Nous manquons d’espaces de jeu pour les jeunes. Tous les espaces sont occupés par les mécaniciens ou les chauffeurs de camion pour le stationnement de leurs véhicules. Ces véhicules sont généralement des niches pour les agresseurs. Après ‘timis’ (19 h) personne n’ose s’aventurer seul dans ce secteur à cause des agresseurs, surtout après un match de football’’, poursuit Abdou.
Ici, les camions stationnent devant les portes des maisons, et d’après lui, ‘’personne ne dit rien’’. ‘’Ils paient des taxes à la municipalité. A côté, il y a des véhicules en panne stationnés ici, depuis des années, et personne ne sait à quoi ils servent. Dans les normes, la mairie doit trouver un endroit avec toutes les normes de sécurité pour le stationnement des véhicules’’, ajoute-t-il.
Des bilans ambigus
Cela fait sept ans que le maire sortant est à la tête de la commune. Mais, à l’instar d’Abdou, Abdallah Badou a par ailleurs relevé qu’ils n’ont pas observé un ‘’grand changement’’ au niveau de la localité. ‘’Certes, il a fait des efforts, mais nous attendons plus de lui. Parce que Guinaw-Rails est une localité qui abrite plusieurs infrastructures. Nous avons l’hôpital de Pikine, le TER, l’autoroute à péage, le marché aux légumes de Thiaroye en face, même s’il est sis dans la commune de Thiaroye-Gare. C’est une zone économiquement viable. Donc, les gens doivent sentir cela par rapport au cadre de vie, à l’environnement. Quand on est à Guinaw-Rails, on doit le sentir réellement. Or, ce n’est pas le cas’’, regrette-t-il.
Même si le maire sortant n’est pas son candidat, Abdou Wahab Dia, lui, avoue que ce dernier a eu à ‘’faire des choses’’ dans la commune. ‘’Mais pour nous, les priorités ne sont pas réglées. Il a pu faire quelques canalisations, mais nous attendons plus. Il a construit un centre commercial, une case des tout-petits, pavé quelques ruelles, même si ce n’est pas achevé. Or, nous souffrons des inondations pendant l’hivernage. A ce sujet, il faut qu’il fasse davantage d’efforts’’, notifie-t-il.
Si ces derniers ne semblent pas être séduits par leur maire, c’est tout le contraire de Ma Amy, cette jeune fille résidant à Thiaroye Guinaw-Rails Sud. Devant la porte de leur maison, son t-shirt posé sur son épaule, elle cordonne avec ses voisins pour s’enquérir de la position géographique de leur leader qui effectue du porte-à-porte. ‘’Laye Diop (NDLR : Abdoulaye Diop) est notre maire et nous sommes satisfaits de son bilan. Donc, nous prions pour qu’il soit reconduit à la tête de la municipalité. Nous suivons la caravane du maire de notre propre gré, parce que nous sommes comblés par sa gestion. Personne ne nous a donné un franc. Nous avons senti qu’il vaut le coup d’être soutenu. Donc, nous le faisons simplement. Mais j’avoue qu’il y a des femmes qui sont utilisées par les hommes politiques juste pour la mobilisation et l’ambiance et après l’élection, c’est fini. Mais moi, je n’en fais pas partie’’, soutient-elle, la voix tremblotante, les mains posées sur son visage.
Bien qu’étant engagée aux côtés de son maire pour battre campagne, cette jeune fille ne fera pourtant pas partie de ceux qui iront dans les urnes pour apporter leur voix à leur candidat. ‘’Je n’ai jamais voté de ma vie, par faute de pièce d’identité et pour ces élections aussi, je ne pourrai pas le faire. Car sur ma carte d’identité, c’est marqué ‘Non inscrit sur le fichier électoral’’. J’ai déposé pour une modification, mais tardivement’’, fait-elle savoir d’un air triste.
ABDOULAYE DIOP (MAIRE SORTANT DE GUINAW-RAILS SUD) ‘’Durant le quinquennat à venir, nous allons faire beaucoup de choses pour les jeunes’’ Pour la première semaine de sa campagne, le maire sortant de Thiaroye Guinaw-Rails Sud a opté pour le porte-à-porte. En début de journée du samedi, Abdoulaye Diop et ses hommes se sont rendus à Sips pour rencontrer les populations. C’est ainsi que démarre une journée d’échanges avec ses administrés. ‘’J’ai opté pour le porte-porte pour démarrer mes activités. Je fais des ’yendu’ politiques. Je passe la journée dans une zone avec les populations. J’ai découpé Guinaw-Rails Sud en 13 zones. Chaque jour, je reste dans une zone avec les alliés, les investis, le parti et les populations. Je rentre dans chaque maison, je discute avec les habitants de la localité, je discute avec eux, leur présente mon bilan et mon programme pour les années à venir, si je suis réélu. C’est un moment d’échanges’’, explique-t-il dans un entretien avec ‘’EnQuête’’. L’actuel maire sortant de cette zone, qui tire un bilan ‘’reluisant’’, selon ses partisans, reconnait que, par rapport au chômage, des défis restent à être relevés. ‘’Nous allons travailler sur l’emploi, dans le cadre de la formation des jeunes. Nous avons aussi le Bureau économique de Guinaw-Rails qui a en charge la promotion de l’emploi des jeunes. Nous avons, aussi, un programme dénommé ‘Un jeune, un permis de conduire’. Nous avons plus de 3 000 personnes à former. Il est prévu de former, chaque trois mois, 300 jeunes. Durant le quinquennat à venir, nous allons faire beaucoup de choses pour les jeunes. Ces formations touchent le secteur de la santé, la maçonnerie, la menuiserie, l’électricité, l’informatique, l’audiovisuel, l’hôtellerie, la cuisine, etc. J’ai signé des conventions avec des entreprises. Nous avons déjà commencé à former 300 jeunes’’, dit-il. Par rapport aux services sociaux de base, au-delà des postes de santé des quartiers de Darou Khoudoss et de Mbaye Diaw, et de la maternité d’Issa Mbengue, le centre socio-éducatif et culturel des jeunes et des femmes, et des actions sociales, il indique que son équipe a démarré le pavage des grandes altères. ‘’Nous n’allons pas paver toutes les ruelles, mais les grandes artères sont ciblées et nous avons déjà discuté avec les responsables du Promovilles. Nous avons écrit une lettre l’année dernière et cela a été accepté. Nous attendons la fin de la campagne pour le démarrage des travaux. De plus, ce sont les jeunes de Guinaw-Rails qui vont exécuter ces travaux. Par rapport à l’électrification, je vais renforcer les lampadaires dans la commune. Dans le cadre du Programme d'appui aux communes et agglomérations du Sénégal (Pacasen), nous avons un marché de plus de 33 millions pour l’éclairage public. Nous allons également l’augmenter. J’ai un partenaire à Dubaï qui est prêt à m’aider pour l’installation solaire dans certains coins. Parce qu’on avait uniquement des lampadaires dans les grandes artères’’, ajoute-t-il. Pour les perspectives, M. Diop annonce la construction d’un lycée, d’une salle de fêtes, d’un terrain multisport, d’une médiathèque, d’un stade municipal, d’une chambre froide à conteneurs au marché Waranka, etc. ‘’La commune abrite quatre bassins de rétention des eaux pluviales. Il y a cinq à six kilomètres de canalisation pour l’ensemble des eaux venant de Thiaroye et de Guinaw-Rails Nord. On va discuter avec l’Apix pour voir ce qu’on peut faire avec les bassins de rétention. Guinaw-Rails compte trois centres de vote’’, informe-t-il. |
MARIAMA DIEME