Les ministres, DG, maires... sous surveillance

La loi sur la déclaration de patrimoine, adoptée hier, à l'Assemblée nationale, vient s'ajouter à l'arsenal juridique du Sénégal pour lutter contre l'enrichissement illicite. Désormais, les ministres, DG, maires, etc. seront sous surveillance.
Le projet de loi relatif à la déclaration de patrimoine a été adopté hier, à la majorité absolue par les députés de l'Assemblée nationale. Ainsi, ministres, directeurs généraux, ordonnateurs de crédit, élus locaux sont désormais tenus de déclarer leurs biens auprès de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) avant et après leur prise de fonction.
L'institution de ce mécanisme permet, selon le ministre chargé de la Bonne gouvernance, Abdou Latif Coulibaly, de ''prévenir toute tentative d'enrichissement illicite de gestionnaire de deniers publics et à informer les citoyens sur le comportement de leurs dirigeants publics''.
Si les députés ont unanimement salué cette loi qui est ''venue à son heure'', ils ont été très divisés sur plusieurs questions, notamment sur l'opportunité d'assujettir cette loi aux députés. Hélène Tine, député de la majorité, pense que cette loi ne devrait pas uniquement concerner le président de l'Assemblée nationale et le questeur ; elle devrait s'étendre à tous les députés.
''Nous devons donner l'exemple en tant qu’élus du peuple en nous soumettant à la déclaration de patrimoine, dit l'ancienne porte-parole de l'AFP. Ce serait honteux de laisser le président de la République, par décret, ajouter le député sur la liste des personnes assujetties''. Son collègue Doudou Issa Niasse est aussi d'avis que le député devrait être soumis à la déclaration de patrimoine.
Car, dit-il, ce parlementaire, cumulativement à sa fonction, peut ''exercer des activités connexes'' qui pourraient le placer dans un ''conflit d'intérêts''. Pour parer à cela, le député Djibo Ka propose que la déclaration de patrimoine soit exigée à tout candidat aux élections législatives avant le dépôt des listes.
Une idée à laquelle s'oppose sa collègue, Sokhna Dieng Mbacké qui ne voit pas la pertinence d'une telle proposition puisque ''le député ne gère pas de l'argent''. Autre point d'achoppement, c'est le seuil du milliard de F Cfa qui oblige tout ordonnateur ou administrateur de crédits à souscrire à une déclaration de patrimoine. A ce propos, certains députés trouvent que ce montant est très élevé et pourrait permettre aux maires de petites communes ‘’d'échapper à la loi’’.
Pour eux, certains élus ''s'enrichissent illégalement'' à partir de la vente des terres ''au détriment des populations''. Pour corriger cette ''anomalie'', ces députés ont proposé la réduction du seuil de 250 millions. Le député El Hadji Diouf, pour sa part, s'est insurgé contre la ''soustraction'' des magistrats et des membres de l'OFNAC à la déclaration de patrimoine. Pour le tonitruant avocat, ces derniers ne sont pas exempts de reproches.
''Comme dans tous les corps, il y a des brebis galeuses, dit-il. Il y a des magistrats, il y en a qui sont corrompus. Il ne doit pas y avoir des intouchables dans ce pays.'' Une position défendue par le député Cheikh Seck pour qui les membres de l'OFNAC ''doivent donner l'exemple'' en manière de transparence. En réponse, le ministre Abdou Latif Coulibaly a tenu à préciser que la loi ne protège pas les magistrats mais cible spécifiquement ceux qui ont une ''gestion comptable''.
Il donne le cas du président de la Cour suprême qui est soumis à cette loi. S'agissant du cas des députés, le ministre chargé de la Bonne gouvernance a expliqué que le gouvernement a choisi le président de l'Assemblée nationale et le questeur pour le ''symbole'' qu'ils représentent. Non convaincu, Me El Hadji Diouf, a introduit une demande de renvoi du projet de loi en commission. Une requête que ses collègues ont rejetée.
DAOUDA GBAYA