Publié le 10 Jul 2015 - 19:06
DEGUERPISSEMENT DES MARCHANDS AMBULANTS

Le mythe de Sisyphe des autorités dakaroises 

 

Face à plusieurs tentatives de déguerpissement, les marchands ambulants résistent toujours aux autorités municipales. De 2007 à maintenant, ils tiennent le coup et reviennent à chaque fois sur les lieux où ils ont été chassés. Suffisant pour que le maire des Parcelles Assainies y voie la main de l’Etat central.

 

Le maire de Dakar Plateau, Alioune Ndoye, a été auditionné ce mercredi par la police. Cette convocation est liée à une opération de désencombrement menée, il y a moins d’un mois, par ses hommes au marché Petersen. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui, les marchands ambulants sont de retour sur les lieux. C’est de nouveau un énième processus de déguerpissement raté par les autorités locales de Dakar. En effet, les marchands ambulants et les autorités étatiques ont toujours eu des relations très tendues. Le premier évènement date de 2007. A ce moment, l’Etat avait ordonné à la police et la gendarmerie d’entamer des opérations pour vider les trottoirs de Dakar de leurs traditionnels occupants que sont les marchands ambulants ou tabliers, les mendiants et les cireurs de chaussures.

L’Etat avait été obligé de reculer parce que quatre jours plus tard, des échauffourées ont opposé marchands ambulants et forces de l’ordre. Ils ont allumé des feux à l’aide de pneus, de poubelles, d’étals de bois dans certains carrefours de Dakar notamment aux alentours du marché Sandaga. Les protestations se sont étendues au quartier de la Médina où les vitres de la mairie ont été brisées à coup de pierres et trois voitures y ont été détruites. Dans le même quartier, les commerçants en colère ont pris d’assaut le siège de la Senelec où ont causé beaucoup de dégâts matériels.

Au sortir de cet évènement, les négociations entre l’Etat et les représentants des  marchands ambulants ont permis de dégager un certain nombre de mesures. Le gouvernement avait prévu de les reloger dans différents sites. Ainsi la construction de 4 570 cantines était prévue au marché Thiaroye, Sicap Bao, Unité 20 et Unité 17 des Parcelles Assainies ainsi que dans d’autres lieux. Pour cela, un financement de 3 milliards Cfa a été dégagé par les autorités. L’achat des cantines devaient se faire en crédit avec un mode de paiement étalé sur trois ans, à des prix variant selon le type  de cantine, choisi (entre 2 millions 700 et 3 millions Cfa). La mairie de Dakar, de son côté, avait acheté un terrain de 2 590 m2 pour une valeur de plus d’un milliard Cfa.

S’en est suivie la création de la Synergie des Marchands ambulants pour le Développement (SYMAD), de la Commission nationale d’Assistance aux Jeunes Marchands (CONAJEM) et  de l’Agence Nationale d'Appui aux Marchands Ambulants (ANAMA). Toutes ces entités n’ont pas permis de résoudre l’équation des marchands ambulants. D’ailleurs en 2014, l’ANAMA a été dissoute dans l'Agence Nationale pour la Promotion de l'Emploi des Jeunes (ANPEJ).

Les relations entre marchands ambulants et autorités locales se sont exacerbées quand Khalifa Sall est devenu maire de Dakar en 2009. Dans sa volonté de faire de Dakar ‘’une ville moderne’’, le socialiste s’est heurté aux marchands ambulants qui ont refusé de libérer la chaussée pour le pavage des routes. C’était la guerre totale entre les volontaires de la mairie de Dakar et les ‘’tabliers’’. Avec l’acte 3 de la décentralisation, Alioune Ndoye a pris aujourd’hui le flambeau dans la commune de Plateau et l’occupation de la voie publique par les marchands ambulants persiste toujours.

Moussa Sy indexe l’Etat

L’échec du déguerpissement des marchands ambulants est dû à l’Etat, selon le maire des Parcelles Assainies, Moussa Sy. ‘’L’Etat ne joue pas le jeu. Il y a des décisions politiques qui sont prises au haut niveau qui font que les mesures prises par les municipalités ne peuvent pas être appliquées. Quand nous devons passer à l’action, les gens s’absentent. Ce qui s’est passé à Petersen en est une parfaite illustration. La police a reçu l’ordre de ne pas aller sur le terrain. Quand on envoie une camionnette avec un agent de la police et deux agents de sécurité de proximité (Asp),  cela veut dire qu’on n’a pas voulu accompagner le maire (Alioune Ndoye)’’, déclare-t-il au bout du fil.

Moussa Sy souligne qu’il y a une prise en charge de la question liée aux marchands ambulants depuis 2009. ‘’Le maire de Dakar a déjà investi 5 milliards Cfa pour acheter des terrains et construire un centre commercial à Félix Eboué où 3 500 tabliers seront recasés. Entre Kermel, Félix Eboué et Sandaga, il y a 1 200 cantines pour loger les marchands ambulants. Donc, on ne les a pas mis dans la rue’’, note-t-il.

Le maire des Parcelles Assainies affirme que les Dakarois ont salué l’idée de mettre tous les ambulants dans des sites provisoires en attendant que les équipements collectifs prévus pour eux soient terminés. Il dénonce en même temps ceux qui manipulent les marchands ambulants.

Idrissa Diallo :’C’est un faux débat’’

 Mais aux yeux du maire de Dalifort, la question du déguerpissement des marchands ambulants ne devait même pas se poser. Joint au téléphone, il déclare que l’Etat de droit a déjà réglé ces genres de question. ’’C’est un faux débat. Il y a des endroits où les gens sont autorisés à s’installer et il y a d’autres qu’on leur interdit. On a qu’à faire respecter la loi. Et dans ce cas-ci, c’est le maire qui doit s’en charger‘’, dit-il. Poursuivant son propos, Idrissa Diallo précise que les maires n’ont pas que les marchands ambulants à gérer mais, ils doivent s’occuper aussi du bien-être de la population. Ce qui fait que, selon lui, si des gens occupent la voie publique, l’autorité doit intervenir pour les rappeler à l’ordre. ‘’L’Etat doit aménager des espaces qui vont permettre aux commerçants d’écouler leurs marchandises sans porter préjudices à la population’’, conseille le maire socialiste de Dalifort.

Par EL HADJI FALLILOU FaLL (Stagiaire)

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