Les tares du système financier

Si les banques et sociétés d’assurance devaient être notées par les usagers, il est presque évident qu’elles ne récolteraient que des malus. Tant la bonne information fait défaut et la crise de confiance profonde. L’Observatoire pour la qualité des services financiers (Oqsf) veut changer la perception. Il a organisé le week-end un atelier pour le compte des journalistes économiques.
Le Sénégal a encore des efforts à faire dans la qualité des services financiers. Il est déjà connu de tous que les usagers ne sont pas du tout satisfaits des banques, institutions de microfinances ou compagnies d’assurance. Même si tout ne peut pas être imputé à ces sociétés, il n’en demeure pas moins qu’elles sont loin d’être exemptes de tout reproche, loin s’en faut d’ailleurs. C’est en substance ce qui est ressorti de l’atelier de formation de deux jours que l’Observatoire pour la qualité des services financiers (Oqsf) a organisé le week-end pour les médias, en collaboration avec le Collectif des journalistes en économie (Cojes). Des communications des différents experts de l’Oqsf, il ressort nettement qu’il y a un sérieux problème de communication, imputable pour l’essentiel aux banques et sociétés d’assurance. ‘’Il y a un défaut d’information. Les banques et assurances ne communiquent pas bien’’, affirme un expert.
En fait, il a été noté que dans la plupart des cas, les clients ne maîtrisent pas réellement les termes des contrats qu’ils signent avec ces sociétés. Le taux réel des prêts, les parties couvertes par les contrats d’assurance sont généralement ignorées par l’usager. Pour une bonne partie, c’est parce que la personne d’en face n’a pas donné toutes les informations nécessaires au préalable. Par exemple, les taux d’intérêt annoncés par les banques pendant les campagnes publicitaires ou le temps d’une promotion sont largement en deçà des taux définitifs. À défaut d’être à l’origine d’un litige, il crée un sentiment de méfiance de la part de la population qui les considère comme des escrocs.
Les sociétés d’assurance, les championnes du dilatoire
Dans d’autres cas, il s’agit d’une mauvaise volonté manifeste. L’attestation d’engagement et de non-engagement en est une parfaite illustration. Des différentes études et enquêtes menées par l’Oqsf, il ressort qu’il y a une lenteur dans la délivrance de ce sésame que rien n’explique. Selon l’expert Alioune Diop, le délai peut aller de 2 à 6 mois au Sénégal, alors qu’il est de 15 jours en France. Il s’y ajoute que ce ticket de sortie peut aller de 20 000 à 85 000 F d’une banque à l’autre. ‘’La banque peut vous faire payer jusqu’à 150 000 F’’, renchérit Cheikh Tidiane Diop, le médiateur de l’Oqsf. En fait, tout cela n’est que subterfuge pour décourager un client qui veut quitter. Cette entrave à la circulation bancaire fait que passer d’un opérateur à un autre constitue un véritable chemin de croix. Sauf en cas d’intervention. ‘’Parfois, il suffit d’un coup de fil (de l’Oqsf) pour régler le problème en 48 heures ou 72 heures’’, fait remarquer Habib Ndao.
Le même sentiment se développe avec les sociétés d’assurance, très disponibles quand il s’agit d’encaisser et championnes du dilatoire, lorsqu’il est question de rembourser les victimes. D’ailleurs, la typologie des litiges fait par l’Oqsf fait ressortir clairement le retard dans le règlement des indemnités de sinistres, dû avant tout au retard dans la nomination d’un expert et la production d’un rapport, ainsi que la mise du document à la disposition de l’assuré qui doit recevoir une copie au même titre que l’assureur. Autant de manquements qui expliquent la récurrence des conflits. Entre 2010 et 2017, l’Oqsf a traité 1 191 dossiers relatifs à des conflits avec les banques et institutions de microfinances, contre 1004 litiges pour les assurances, avec toujours, assurent les autorités de l’organe, 90% de taux de satisfaction des deux parties en conflit.
Le refuge dans la thésaurisation
Outre les insuffisances imputables aux financiers, il y a l’existence de textes hors contexte (depuis 35 ans). Par exemple, si l’on en croit l’expert Ndèye Courra Sèye, la main d’œuvre horaire est fixée à 1 750 F Cfa par heure. ‘’Quel mécanicien acceptera de travailler pendant 10 heures pour 17 500 F Cfa’’, se demande-t-elle. Quand un véhicule particulier est immobilisé pour cause d’accident, l’assureur paye à son client 800 F par jour. S’il s’agit d’un taxi, le propriétaire a droit à 1 500 F par jour. D’où la nécessité de réformer la législation.
Tous ces manquements ont fini par créer une mauvaise perception des institutions financières de la part des populations. Il se pose ainsi un problème de confiance entre elles et la population. Ce facteur, combiné à d’autres, favorise la thésaurisation, entraînant ainsi une sous-bancarisation et une sous utilisation des services bancaires. À ce jour, seuls 18% des Sénégalais disposent de comptes bancaires. Or, le financement de l’économie revient aux banques et entités de microfinance qui doivent collecter les épargnes pour les redistribuer sous forme de crédits. Le taux de financement de l’économie sénégalaise par les banques est actuellement d’environ 35%. D’où l’urgence de rétablir la confiance entre les entreprises et particuliers d’une part et le système financier d’autre part.
Ainsi, depuis 2009, l’Etat a créé un organe chargé d’examiner les relations entre opérateurs de service financier et usagers. Selon Mahamadou Camara, président du conseil d’orientation, l’Oqsf a une mission d’information et de médiation entre le monde de la finance et leurs clients. Avec ses experts qui assistent gratuitement l’usager, en cas de problème, il permet à ce dernier de trouver une alternative autre que la voie judiciaire qui, très souvent, prend beaucoup de temps. En guise d’exemple, alors que la justice peut rester des années avant de statuer sur un litige, le médiateur lui a deux mois maximum pour aider les protagonistes à trouver une solution à l’amiable. ‘’Nous cherchons à accompagner les populations pour qu’elles se sentent rassurées, leur donner la bonne information sur la panoplie de service financier’’, ajoute le secrétaire exécutif de l’Oqsf, Mamadou Habib Ndao.
Ce dernier espère ainsi réduire davantage les exclus financiers et donc créer plus d’épargne afin d’augmenter le portefeuille des opérations financières. Ainsi, les banques pourront augmenter le volume de crédit et en même temps baisser les taux d’intérêt et, au finish, financer suffisamment l’économie. Ce qui éviterait de recourir au marché financier dont les coûts sont exorbitants pour les finances publiques.
BABACAR WILLANE