Publié le 20 Dec 2020 - 01:55
COMMENTAIRE

La fuite en avant

 

A bien des égards, les mesures de restriction qui frappent le secteur de la culture ressemblent à une fuite en avant. En effet, c’est tellement commode de taper sur les acteurs culturels, au moment où le virus de la Covid-19 prend ses aises au sein de la population. Qui va les défendre ? Qui va lever le petit doigt pour s’opposer à la fermeture d’un débit de boissons, d’un bar et d’un restaurant ?

Il est clair qu’en agissant de la sorte, les autorités veulent se donner bonne conscience et donner l’illusion qu’ils posent des actes pour freiner la propagation du virus de la Covid-19. Alors que, tous les jours, des millions de Sénégalais s’entassent dans les cars de transport public, dans les marchés, se regroupent dans des lieux de culte, au mépris des règles élémentaires de distanciation sociale, sans que cela n’émeuve ceux qui ont décidé que la culture est une cible facile qui peut servir de punching-ball.

Evidemment, il serait suicidaire de paralyser à nouveau l’économie sénégalaise, en décrétant un confinement ou un couvre-feu. Mais ce n’est pas pour autant une raison de passer ses nerfs sur les artistes et consorts.

Alors que ces musiciens, instrumentistes, personnels du spectacle, tenanciers de bars, restaurants, employés… viennent de traverser une année 2020 cataclysmique à tous les égards, l’Etat n’a trouvé rien de mieux que d’interdire de faire de la musique, des chants et danses dans les restaurants, bars, discothèques… jusqu’à nouvel ordre et de décider de la fermeture des débits de boissons à 23 h, en cette fin d’année qui est, par excellence, leur période de traite.

Si la culture est le parent pauvre de l’économie sénégalaise, c’est souvent parce que ces autorités ne voient pas toute l’économie d’échelle derrière ces restaurants, bars et discothèques, en termes de fournisseur en denrées, de vente de produits dérivés… Il faut aujourd’hui faire un tour à Saint-Louis, ville touristique par excellence, pour se rendre compte de l’étendue du drame qui se joue sous nos yeux, pour toutes ces personnes qui évoluent dans l’événementiel.

En effet, le Sénégal est un pays de culture, secteur dynamique qui emploie des milliers de Sénégalais qui sont aujourd’hui dans l’expectative et le désarroi, après avoir puisé dans leurs réserves pour traverser ces mois de confinement et de fermeture de leurs lieux de travail.

De ce fait, c’est assassin de les punir, à nouveau, alors que l’expérience et la pratique ont montré qu’ils font partie des mieux sensibilisés sur les conséquences de la Covid-19 et la nécessité d’y faire face pour des actions fortes. Nombre d’entre eux ont pris de mesures drastiques, mis en place des protocoles stricts pour que soient respectées les mesures sanitaires et de distanciation dans leurs établissements. Choses impensables dans les transports et les marchés.

Aujourd’hui, il est évident qu’il est beaucoup plus facile de choper le virus dans un bus que dans un bar ou un restaurant. L’Etat doit revoir sa copie et rendre justice à ces milliers de pères et mères de famille… désemparés.

GASTON COLY

 

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